Jacques Rougerie : Vingt mille lieues sous les mers à SeaOrbiter

Les océans représentent ¾ de notre planète, berceau de toute vie sur terre, et conditionnent aussi notre futur.

« C’est de l’Océan que naîtra le destin des civilisations à venir ».

Jacques Rougerie

A l’aube du 21e siècle, une nouvelle génération de vaisseaux d’exploration s’annonce avec SeaOrbiter.

SeaOrbiter est l’aboutissement de 30 années de recherche consacrées à une architecture bionique dédiée à la connaissance et à l’exploration du milieu marin. Reconnu pour ses réalisations sur le plan international à travers le Pavillon de la Mer à Kobe. Au Japon, le Musée d’Archéologie sous la mer de la baie d’Alexandrie en Egypte et le Centre de la Mer de Kochi en Inde, Jacques Rougerie est aussi l’architecte des Centres de la Mer Océanopolis à Brest et Nausicaa à Boulogne sur Mer, ainsi que de réalisations d’habitats sous-marins tels que Galathée, Hippocampe et des vaisseaux innovants Aquascope et Aquaspace.

©SeaOrbiter®/Jacques Rougerie

SeaOrbiter s’inscrit dans l’histoire des grandes explorations de notre univers, conduites par d’illustres prédécesseurs et grands aventuriers tels que Jules Verne, Jacques-Yves Cousteau, Jacques Piccard…

Son objet est de favoriser l’émergence d’un nouveau rapport entre l’Homme et la mer par l’éveil, la sensibilisation et l’action de tous afin de répondre demain aux exigences d’un futur responsable fondé sur les préceptes du développement durable notamment liés à la mer.

Sa mission est d’explorer un océan encore largement méconnu pour affiner la connaissance de l’écosystème marin et mieux comprendre son influence sur le climat, notamment dans le contexte actuel du réchauffement climatique.

Demain, pour la nouvelle génération des Meriens, il permettra des séjours longue durée pour de grandes familles d’explorateurs, une observation sous-marine jour et nuit de l’inépuisable richesse des formes de vies marines, des accès subaquatiques permanents et faciles au monde sous-marin pour une parfaite symbiose avec l’univers aquatique.

Sentinelle dressée au sein des plus grands fleuves de la mer, SeaOrbiter servira de support à une formidable aventure humaine à vocation éducative, scientifique et communicante, à l’image des grandes explorations maritimes des siècles passés.

©SeaOrbiter®/Jacques Rougerie

A son bord, pour la première fois au monde, un équipage de 18 à 22 personnes pourra vivre sous la mer 24h sur 24 et observer en continu, et sur de très longues périodes, la monde sous-marin.

Véritable ruche à partir de laquelle partira un grand nombre d’engins d’investigation subaquatique, SeaOrbiter permettra à son équipage d’étendre son champ d’exploration jusqu’à plus de 6000m de fond.

Véritable laboratoire expérimental polyvalent de 58m de haut, SeaOrbiter, exemplaire en matière de développement durable, permettra de tester de nombreuses technologie innovantes, notamment liées à l’utilisation des énergies marines renouvelables et ouvrira de nouveaux champs d’application dans le domaine des molécules marines que ce soit pour l’alimentation humaine ou à la pharmacopée de demain.

Parmi ses nombreuses applications, SeaOrbiter propose un rapprochement à la fois inédit et légitime : l’abysse et le cosmos. Equipé d’un module pressurisé servant de véritable simulateur spatial, SeaOrbiter offrira à son équipage d’astronautes des conditions de vie en milieu extrême où ils pourront accomplir, sous l’eau, des tâches similaires à celles qu’ils devront effectuer dans l’espace. Il permettra aussi aux archéologues sous-marins de prolonger leurs investigations au-dessus de vestiges des siècles passés ou d’anciennes épaves immergées.

Rencontre de Jacques Rougerie, architecte et fondateur du SeaOrbiter.

– D’où vient ce goût pour le milieu marin ?

C’est comme un peintre, un musicien, souvent on ne sait pas vraiment très bien d’où ça vient.

Un certains nombres de facteurs ont augmenté ce phénomène, comme vivre au bord de la mer, mais j’ai toujours été fasciné par la mer et ça n’a fait que s’accentuer en en faisant une passion, un métier, imbriquer les deux. Je vis sur l’eau, je suis toujours au bord de la mer….

Et je suis tombé au bon moment de l’humanité, c’était le balbutiement une génération avant avec l’homme sous la mer avec Cousteau.

Comment est venue l’idée du SeaOrbiter ?

C’est le trait d’union de tout ça, c’est cette continuité de cette approche de l’Homme sous la mer, des technologies qui se mettent en place depuis maintenant une trentaine d’années à travers le monde, à travers ce que Cousteau à commencer à faire avec la première maison sous-marine, les américains, les russes, les japonais, les australiens, les allemands, je ne suis que dans cette continuité.

On a prit cela en amont, on a commencé à poursuivre les maisons sous-marines de nouvelle génération avec Galathée, Hippocampe ; après on a commencé à faire des bateaux qui ne ressemblaient à aucun autre avec des coques transparentes pour voir sous la mer ; après ces bateaux où l’on a vu que ça fonctionnait bien et qui donnaient de très bons résultats d’observation, on c’est dit qu’il fallait aller plus loin avec des sous-marins totalement transparent mais qui semblent très chers et très complexes, on s’est donc tournés vers un engin mi sous-marin, mi-bateau avec des grandes parties transparentes, mais surtout des hangars, un dispositif qui permet aux Hommes d’aller sous la mer directement sans passer par la surface, soit en scaphandre autonome, soit avec des sous-marin, peu importe… Aucun engin ne permet de faire ça, donc il fallait penser autrement.

©SeaOrbiter®/Jacques Rougerie

De formation architecte, ce n’est plus une simple passion de l’architecture, on part plus vers l’exploration sous-marine, l’explication des changements climatiques, …

Je reste bien à ma place, je ne suis pas un scientifique, je dois dessiner des outils pour que les Hommes aillent voir, restent plus longtemps sous la mer, dessiner des musées pour que les enfants comprennent les grands enjeux de demain de l’océan : comment le protéger, comment l’explorer, comment l’exploiter ; développer de nouvelles technologies ou simplement protéger tel ou tel espèce parce qu’elles sont en danger.

Je suis architecte de bâtiment, j’ai une formation d’architecte des Beaux Arts classique, pas du tout d’architecture navale ou sous-marine, mais ce regard d’architecte, cette compréhension de comment on bâti ces mondes futures. Il y avait ce côté futur, j’ai toujours voulu avoir ce regard sur le futur, les technologies, … Quel est le cadre de vie de l’Homme sur la terre, puis le cadre de vie de l’Homme sous l’eau, j’ai donc essayé de transposer cette approche architecturale avec d’autres contraintes puisque ce ne sont pas du tout les mêmes contraintes que sur terre telles que la pression, la poussée d’Archimède, la 3e dimension. Avec SeaOrbiter, comparé à une maison classique, on peut passer par au-dessus, en dessous, sur le côté.

C’est toujours le côté artiste, il y a toujours cette sensibilité… Un musicien reste toujours un musicien, sur terre, sous l’eau ou dans l’espace, donc moi je reste toujours un architecte même si les contraintes ne sont pas pareilles.

Vous parlez des outils qui vont être mis en place sur SeaOrbiter, que va-t-on pouvoir étudier et ramener auprès du grand public ou des scientifiques ?

SeaOrbiter est une plateforme comme une ruche. Le premier outil qu’offre SeaOrbiter, qu’aucun autre outil n’offre, c’est de voir sous l’eau pendant le temps que l’on souhaite. On peut donc voir en temps réel des phénomènes encore jamais observés.

Puis, on peut sortir sous l’eau directement, sortir sous l’eau en scaphandre autonome, en sous-marin, en ROV (Remote Operated Vehicule), en AUV (Autonomous Underwater Vehicule), c’est vraiment unique avec la durée dans le temps des observations, des sorties.

©SeaOrbiter®/Jacques Rougerie

SeaOrbiter offre la sécurité (…). On est beaucoup plus en sécurité que sur un bateau, car sur un bateau la mise à l’eau est dangereuse. Il est très difficile de mettre des engins à l’eau, des hommes, … Parfois on est obligé d’attendre plusieurs jours que la mer soit calme (…).

Et concernant les retours, on peut retrouver un côté éducatif, pouvez-vous en dire un peu plus ?

Ce qui est unique est ce que l’on peut glaner de SeaOrbiter, il y aura forcément des phénomènes que l’on pourra observer rapidement.

Pour le film « Océans » par exemple, il a fallu 5 ans pour être environ 3 mois sous la mer, alors qu’avec SeaOrbiter, nous resterons trois mois continus sous la mer (…). On sera dans le milieu, et nous aurons beaucoup plus de chances de voir des choses incroyables.

Concernant le côté éducatif, le but de SeaOrbiter est d’être un symbole qui permet à tout un chacun de s’identifier à ce symbole. De voir, de comprendre, de s’intéresser aux grands enjeux que représentent les océans pour l’humanité et les civilisations à venir.

C’est la vocation du SeaOrbiter de rentrer dans la Blue Society (Ndlr : alliance regroupant des individus et des organisations qui pensent que certaines des solutions aux problèmes économiques et écologiques de notre planète se trouvent en partie au cœur de l’Océan), être un vecteur et porter haut et fort les couleurs de la Blue Society.

Grâce aux satellites via les réseaux sociaux, nous pourrons en temps réel ou différé entrer en contact avec SeaOrbiter, suivre en direct l’équipage, les découvertes quotidiennes, avoir accès à la plupart des mesures scientifiques…, nous nous sommes inspirés du modèle de la station internationale dans l’espace (NASA).

Pour cela, il faut une crédibilité et c’est pour cela qu’il y aura des programmes scientifiques qui crédibiliseront les recherches, les travaux.

Cousteau c’est une époque et c’était plutôt une sensibilisation, de temps en temps il y avait un scientifique à bord mais c’était plus du docurama, c’était pour la télé, il n’y avait pas tous ces médias qui existent aujourd’hui. Maintenant, il faut agir, tout un chacun doit prendre conscience et faire des actions pour agir. Même si je vis en haut de la montagne, si je jette quelque chose dans le ruisseau, qui devient la rivière, puis le fleuve, c’est tout cette mécanique qui se met en place.

SeaOrbiter souhaite partager l’émerveillement et les émotions que seul l’océan et ses créatures savent offrir. Cet émerveillement renforcera la curiosité de chacun et le poussera à apprendre pour mieux connaître ce monde qui nous est étranger et dont pourtant nous dépendons.

SeaOrbiter sera un vaisseau communiquant avec un studio de production en pleine mer et une diffusion en temps réel.

Le grand public et les écoles pourront suivre en direct l’aventure de SeaOrbiter et des programmes pédagogiques liés aux océans en lien avec le vaisseau seront proposées.

©SeaOrbiter®/Jacques Rougerie

Côté construction du navire, comment cela se déroule ?

Aujourd’hui nous avons un consortium industriel, scientifique, et un montage financier avec en partie Rolex et un autre partenaire à venir.

La construction se déroule sur un an et demi. Puis nous serons opérationnels pour partir pour notre première mission pendant un an en Méditerranée. Le programme Atlantique viendra ensuite.

Concernant les matériaux, nous utiliserons de l’aluminium recyclable fourni pas Constellium, c’est une nouvelle génération d’aluminium marine pour rentrer dans le développement durable et la protection de l’environnement.

Vous êtes en cours de finalisation d’un partenariat avec la NASA, de quoi s’agit-il ?

Nous faisons des études très poussées avec Bill Todd (Ndlr : Ingénieur spécialisé depuis de nombreuses années dans les procédures d’entrainement pour astronautes à la NASA, il a créé le programme d’entraînement sous la mer NEEMO à l’intérieur de l’habitat sous-marin Aquarius et il conduit actuellement de nombreuses recherches en matières de procédures exploratoires et de comportements humains à l’intérieur de lieux de vie confinés et d’environnement extrêmes). Il y a beaucoup de similitudes entre le monde sous-marin et le monde de l’espace, de mode de vie, de mode opératoire, de tous les systèmes médicaux, télémédecine, …

Depuis toujours, les russes et les américains ont créés des maisons sous-marines pour l’entraînement des astronautes et des cosmonautes pour les vols de longues durées comme la conquête de la lune, de mars. Tous les astronautes et les cosmonautes se sont entraînés dans des piscines, la Cité des Etoiles, et quand ils font des vols beaucoup plus longs, ils passent dans des maisons sous-marines, comme le programme NEEMO car ils ont la chance de pouvoir vivre dans un milieu très proche à ce qu’ils retrouveront dans leurs futures missions spatiales, appréhender les 3 dimensions, être dans un milieu hostile, extrême, les rythmes de vies sont très proches, etc. Par conséquent, ils s’intéressent à tout ce qui permet aux hommes d’être dans une cellule mais de sortir de la cellule. SeaOrbiter en fait partie puisque l’on peut sortir sous la mer, nous avons donc un contrat avec l’agence spatiale européenne et finalisons celui avec la NASA.

On confiera aux astronautes à bord de SeaOrbiter aussi des programmes scientifiques.

©SeaOrbiter®/Jacques Rougerie

Comment voyez-vous l’avenir de notre planète ?

Je vais vous étonner mais je pense que nous sommes dans un passage très difficile, extrêmement dangereux, mais extrêmement prometteur. Je pense que cela va être difficile pour au moins une génération ou deux, le temps que tout se mette en place, notamment pour des raisons économiques, juridiques, …

Je crois en une génération montante de jeunes pragmatiques, qui amèneront la technologie à développer des solutions, d’un côté, de protection, et, de l’autre côté, d’exploration, d’exploitation, tout en trouvant un équilibre de respect par rapport à l’environnement.

Il reste encore énormément de ressources, et si on le fait intelligemment, on peut le faire à une échelle qui peut durer des générations de 500 ans et où ça se renouvelle. Si on y va trop vite, on risque de tout saccager ; si on y va patiemment et vite à la fois sur les sources hydrothermales par exemple, nous avons la nourriture du futur qui est là pour nourrir une grande partie de la planète, la pharmacologie et les minerais qui sont là, il y en a à profusion…

Le problème est de ne pas y aller comme nous avons fait dans les montagnes, les collines, il y a un vrai pari, un vrai danger (…).

La mer recèle un potentiel d’innovations dans beaucoup de domaines qui fait un champ d’expérimentations d’économie bleue phénoménale qui peut aider l’humanité à avoir une deuxième souffle, c’est une réalité.

SeaOrbiter est là pour donner un élan, faire rêver, et montre la voix pour se surpasser. Nous avons besoin d’exemples.

Pour en savoir plus, connectez-vous à www.seaorbiter.com ou procurez-vous le livre « De Vingt mille lieues sous les mers à SeaOrbiter ».

Un livre plein d’enseignements sur l’histoire de Jacques Rougerie, ses projets tels que le Galathée ou l’Hippocampe, mais surtout l’émergence et le développement du SeaOrbiter.

Plus de 220 pages d’histoire, de commentaires d’explorateurs, d’avis, de photos, de schémas. Un guide complet sur ce vaisseau fascinant et son fondateur.

©SeaOrbiter®/Jacques Rougerie

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