Lakpa Nuru Sherpa:«Je n’ai plus de travail»

Lakpa Nuru Sherpa a 19 ans. Il a entrepris sa toute première expédition le 30 mars dernier en tant que guide assistant. Mais celle-ci a tourné au drame le 25 avril, quand un séisme d’une magnitude de 7,8 sur l’échelle de Richter a déclenché une immense avalanche. Alors au camp de base de l’Everest, à 5364 mètres, le sherpa accompagnait une expédition de militaires indiens venus pour s’entraîner et nettoyer le site. Il a survécu.

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Comment en êtes-vous sorti vivant? Nous étions en train de manger car il était près de midi. Il y a eu d’abord le tremblement de terre, puis, en regardant l’Himalaya, j’ai vu une immense avalanche arriver sur nous. Je me suis dit que la vie allait s’arrêter là. Je savais qu’il ne servait à rien de courir. Nous étions pris au piège. Je me suis caché derrière un rocher, j’ai mis mon écharpe devant ma bouche et mon nez pour me faire une bulle d’air, et je me suis accroupi. Cela a duré cinq minutes. J’ai senti la neige passer dans mon dos. Je pensais au fait que j’allais mourir et, en même temps, c’était le vide dans ma tête.

Qu’avez-vous fait après l’avalanche? Le camp était complètement détruit. Il n’y avait plus de tentes, plus rien, tout avait été arraché. Les gens couraient dans tous les sens. Les blessés criaient. C’était la panique. J’avais peur, car je pensais qu’une autre avalanche allait venir. J’ai porté secours aux personnes qui en avaient besoin, et j’ai tenté de calmer les autres. Il y a eu 18 morts et environ 100 blessés graves. J’ai perdu deux amis.

Vous n’aviez donc plus de nourriture… Non, et, avec le choc, je n’ai pas pensé à manger avant minuit. Heureusement, une équipe médicale, basée à 30 minutes de marche, est arrivée rapidement. Elle nous a apporté de la nourriture et de l’aide pour les personnes blessées.

Comment avez-vous subsisté à cette altitude? Nous avons creusé dans la neige pour dégager de la nourriture, des habits, des chaussures et des tentes. Dans la nuit, je suis redescendu avec un petit groupe à une cabane à deux heures du camp de base. C’est là que j’ai passé la nuit et les deux suivantes. Personnellement, j’ai perdu mes chaussures et des vêtements. Ce qui est problématique car cet équipement coûte très cher. Je ne sais pas comment je vais pouvoir le remplacer.

Pourquoi êtes-vous resté? Au bout de trois jours, mon chef m’a dit que je pouvais partir. Avant, non, car il fallait collecter tout le matériel qui restait. Il est strictement interdit de laisser traîner des déchets au camp de base. Mais j’avais très envie de retrouver ma famille. Je n’avais aucune nouvelle et aucune idée de comment ils allaient car les réseaux téléphoniques ne fonctionnaient plus. J’étais très inquiet. Heureusement, j’ai pu constater en rentrant que mes proches allaient bien et que la maison était toujours debout.

Avez-vous accompagné d’autres touristes depuis? Non, toutes les expéditions ont été annulées. Et ce, alors que nous étions en plein milieu de la saison pour l’ascension de l’Everest. Même chose pour le trekking. Il n’y a plus personne. Je n’ai plus de travail.

Après cette première expérience dramatique, avez-vous envie de continuer? Non, vu les risques et les responsabilités. Cependant, avec les expéditions, je gagne davantage d’argent qu’avec les treks. Et, une fois que l’on a atteint le sommet de l’Everest, on trouve du travail plus facilement. Je pense qu’il n’y aura pas des avalanches comme celle-là à chaque fois.   C’est donc uniquement une question d’argent? Oui, je n’ai pas d’autres options. Pour les touristes, c’est un rêve. Pour moi, c’est un travail. Pour une expédition comme celle-ci qui était prévue sur deux mois, j’aurais dû gagner 2000 dollars, avec lesquels j’aurais pu vivre les deux mois d’été, en attendant la nouvelle saison touristique. Mais, comme celle-ci a été interrompue au bout de 30 jours, j’ai eu 1000 dollars (ndlr: environ 10 fois le salaire mensuel moyen).   La prochaine saison pour le trekking débute en septembre. Pensez-vous que les touristes reviendront? Je ne sais pas. Nous ne pouvons rien faire face à des événements comme un séisme. Certains treks sont maintenant fermés car les chemins ont été complètement détruits. Il va falloir tout refaire. Je ne sais pas si on pourra être prêt.

De quoi allez-vous vivre jusque-là? J’habite chez mon oncle à Katmandou en ce moment. Il va m’aider financièrement. Sinon, mes parents ont une petite ferme dans la région de Solukhumbu, près de l’Everest.

Source Le matin

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