Deux réalités se percutent : la ruée vers les métaux de la transition et la protection des aires marines protégées. L’enjeu n’est pas seulement économique ou écologique : il touche au cadre légal qui conditionne toute décision sur le littoral.
Un gisement qui attise les convoitises
La découverte d’un gisement colossal de cuivre natif, enfoui sous un littoral protégé, fait l’effet d’une bombe. Évaluée à près de 18 milliards de dollars, cette richesse oppose désormais deux visions : exploitation industrielle et préservation écologique. Précision utile : ce montant relève d’une estimation d’opérateur et n’est pas confirmé par un dossier public ; toute exploitation serait de toute façon soumise à une évaluation d’incidences sur l’environnement (EIE) et à une procédure d’autorisation.¹
Un gisement qui attise les convoitises
C’est la société GlobalTech Mining qui a annoncé la nouvelle. Le gisement découvert sous un sanctuaire marin serait l’un des plus importants recensés dans la région. Pour les industriels, il représente une manne économique considérable, avec la promesse de centaines d’emplois directs et indirects, ainsi qu’une contribution significative aux finances locales grâce aux taxes et royalties.
D’après les premières projections, l’exploitation pourrait générer plus de 500 postes directs et jusqu’à 1 500 emplois indirects. Ces chiffres demeurent indicatifs en l’absence d’un dossier rendu public et doivent être expertisés dans le cadre de l’EIE et de la concertation réglementaire.²
Des écosystèmes marins menacés
Mais cette perspective inquiète fortement la communauté scientifique. Le biologiste marin Marc Jensen rappelle que « cette zone est un refuge pour de nombreuses espèces déjà menacées. Y introduire des machines lourdes reviendrait à fragiliser encore davantage un écosystème essentiel. » Dans un sanctuaire marin, les règles de protection peuvent interdire ou restreindre fortement les activités extractives ; l’UICN recommande d’ailleurs l’interdiction de toute exploration/extraction minière dans les aires protégées de catégories I à IV.³
L’impact ne serait pas uniquement visible sur la faune et la flore marines : l’équilibre hydrologique, les herbiers et même les coraux pourraient être affectés. Des études techniques soulignent par exemple que la turbidité liée aux travaux côtiers peut nuire aux herbiers de posidonie (ombrage, étouffement) et, par ricochet, aux récifs coralliens.⁴
Le saviez-vous ?
En Europe, l’EIE exige l’information du public, la prise en compte de la biodiversité, de la santé humaine et des alternatives au projet ; la décision peut ensuite être contestée en justice.
La colère des ONG et des habitants
Face à ce projet, les ONG environnementales montent au créneau. L’association Sauvons Notre Littoral a déjà lancé une campagne d’alerte auprès du grand public et des décideurs politiques. Sa militante Martine Lherbier témoigne :
« Je viens marcher ici depuis mon enfance. Imaginer des bulldozers éventrer ce qui a toujours été un sanctuaire marin est insupportable. On ne peut pas sacrifier un patrimoine naturel au nom du profit. »
Ce cri du cœur reflète une inquiétude partagée par de nombreux habitants, qui redoutent de voir disparaître un écosystème qu’ils considèrent comme une richesse commune.
Les arguments économiques mis en avant
De leur côté, les défenseurs du projet insistent sur les retombées économiques. Outre la création d’emplois, l’exploitation pourrait, selon eux, profiter aux industries consommatrices de cuivre, métal désormais classé « matière première critique » par l’UE (CRMA, 2024), indispensable aux réseaux électriques, aux moteurs et aux technologies bas-carbone.⁵
GlobalTech Mining affirme vouloir limiter l’empreinte écologique de son projet. « Nous testons des techniques d’extraction moins invasives et nous nous appuyons sur des modèles avancés pour simuler chaque étape du chantier, » explique un porte-parole de l’entreprise.
À noter toutefois que le prix du cuivre est fixé sur des marchés mondiaux et reste volatile ; un site local n’implique pas mécaniquement une baisse de prix « locale ». Exemple récent : entre décembre 2023 et mai 2024, le cuivre a progressé d’environ 20 % selon la Direction générale du Trésor.⁶
Un dilemme aux répercussions durables
La controverse dépasse le cadre local. Les choix à venir pèseront sur la manière dont l’Europe concilie transition énergétique et biodiversité. Car si le cuivre est stratégique pour l’électrification, l’exploitation de ressources dans des zones protégées soulève un enjeu éthique et juridique majeur.
L’issue de ce bras de fer reste incertaine. Mais une chose est sûre : les décisions prises aujourd’hui auront des répercussions qui se feront sentir bien au-delà de ce littoral — sur les générations futures et sur notre rapport à la nature.
Notes de bas de pages
- Commission européenne — Évaluation des incidences sur l’environnement (EIE) — https://environment.ec.europa.eu/law-and-governance/environmental-assessments/environmental-impact-assessment_en?prefLang=fr
- Office français de la biodiversité — La stratégie nationale pour les aires protégées — https://www.ofb.gouv.fr/la-strategie-nationale-pour-les-aires-protegees
- UICN — Recommandation (Congrès 2000) : interdiction de l’exploration/extraction minière dans les aires protégées I–IV — https://portals.iucn.org/library/sites/library/files/resrecfiles/wcc_2000_rec_82_en.pdf
- Ministère de la Transition écologique — Méthode “Protection des herbiers de posidonie” (impacts, including turbidité) — https://www.bulletin-officiel.developpement-durable.gouv.fr/documents/Bulletinofficiel-0032958/ENER2305073S_annexe.pdf
- Conseil de l’UE — Législation sur les matières premières critiques (liste incluant le cuivre) — https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/critical-raw-materials/
- Direction générale du Trésor — Les minerais dans la transition énergétique (volatilité des prix du cuivre, +20 % entre 12/2023 et 05/2024) — https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/dead6505-5e36-4f2e-a73b-4e1996bedc07/files/703fa305-45d7-4561-8caa-82a8e2b3cbcf