« Aussi longtemps qu’on a besoin de semelles et de rocher pour escalader,
on ne sait rien de cet art. Le véritable grimpeur n’a besoin ni d’artifice, ni même de rocher. »
Les héros de ces histoires escaladent tantôt des dalles lisses comme de la glace, tantôt des abymes. à force de concentration la montagne devient sous leur pas quelque chose d’immatériel, comme un miroir ou une voie vers le ciel. Quant à l’alpiniste, il finit par disparaître en lui-même, se fondant dans l’espace, le vide, voire la nature tout entière.Ouvrir une voie ; reconnaître un chemin ; tutoyer le divin… La montagne s’avère ici une expérience limite, voire mystique.
Dans cette réflexion sur l’effort et le vertige des sommets, Bernard Amy, compagnon de cordée d’Erri de Luca (dans les Dolomites, entre autres), écrivain en même temps qu’alpiniste, évoque aussi les pouvoirs de l’écriture — sa poésie et sa force de transgression, dans un univers voué à la blancheur et au silence, comme une page blanche où l’alpiniste vient tracer ses mots.
Tel un « Borges de la montagne », Bernard Amy s’interroge sur un art sans contrainte, sans limites, où la liberté et la nécessité seules tracent leur chemin. Miniatures fines et paradoxales, ses textes hantent l’imagination, la montagne finissant par devenir invisible et laissant le lecteur seul face à lui-même.