Par Henry Bizot
Le 28 juin 2013, Gabriel Fava (Argentine), Carlitos Molina (Argentine) et moi-même, nous atteignons la vallée de l’Huallatani, située au sud-est de La Paz, au sein de la cordillère Quimsa Cruz, cordillère sauvage et rarement visitée des Andes boliviennes, après un périple de 6 heures de routes puis de pistes accidentées.
C’est ma 2e expédition dans les Andes boliviennes. Lors de ma 1re expédition, en 2005, avec un Argentin, nous avions réalisé, au sein de la cordillère Real, l’ascension de l’Ala Izquierda du Condorriri par sa face sud en glace (TD-) directement depuis le camp de base, après nous être acclimatés sur les montagnes de la Pyramida Blanca et du Pequeno Alpamayo ; puis, nous avions changé de camp de base, pour gravir, toujours dans la cordillère Real, l’Huyana Potosi par la voie des Français.
Cette fois, avec Gabriel, notre choix a porté sur la cordillère Quimsa Cruz. Elle est décrite, par Yossi Brain, dans son guide Bolivia, a climbing guide de 1999, comme « the least visited of Bolivia’s four major cordilleras, though not fault of its own », citant ensuite Adrian Aponte dans l’American Alpine Journal 1964-1965 « An infinite number of nameless peaks of incomparable beauty », et aussi Evelio Echevarria dans Pyrenaica (n° 62, 1991) « A South America Karakorum ».
Enfin, nous y sommes dans cette vallée de l’Huallatani, que le peu d’informations disponibles rendait d’autant plus attirante durant notre préparation de cette expédition. Dans nos recherches, nous n’avons pas trouvé de trace d’expédition qui y ait implanté son camp de base. Quel spectacle ! Un lac, aux diverses gammes de bleu, attire d’emblée tous les regards. Au sud du lac, une fenêtre naturelle offre des vues spectaculaires sur les pré-Andes et sur l’Altiplano bolivien. A l’est et à l’ouest, des montagnes rocheuses protègent le site des intrusions humaines ; certaines de ces montagnes sont couvertes de cavités creusées par les mineurs. Enfin, un panorama de montagnes glaciaires couvre le nord du lac, dominées par l’Huyana Cuno Collo (5600m) à l’ouest, et par le pic San Luis (5620m) à l’est, ces deux montagnes étant séparées par trois sommets secondaires, qui sont sans nom sur les cartes dont nous disposons (notamment la carte bolivienne IGN au 1:50 000e, et aussi d’autres plus anciennes).
Nous installons notre camp de base à 4950 m, au nord du lac, à proximité de ruines d’anciennes baraques de mineurs, au pied de l’Huyana Cuno Collo et du Pic San Luis.
Le 1er juillet, Gabriel et moi-même, après une approche de 250m sur terrain mixte puis sur glacier, nous faisons l’ascension du pic San Luis (5620m) par sa face glaciaire ouest/sud-ouest (300m, 55°, D-/D), un itinéraire que nous dédions, en l’absence d’ascension connue, au père jésuite « René Flament ». Pour la descente, nous empruntons l’arête sud-ouest jusqu’au pied de la face, où nous rejoignons l’itinéraire de montée. Durant l’ascension, les conditions météo ont été bonnes, avec du soleil et peu de vent. Nous avons évolué dans une neige profonde lors de l’approche et à la descente ; la face du San Luis, quant à elle, était en glace.
Le surlendemain, en raison des mauvaises prévisions météo pour les prochains jours, nous décidons de redescendre dans le petit village de Quime, charmante bourgade de montagne andine. Me concernant, c’est l’occasion de récupérer, car il y a tout juste un an, le 5 juillet 2012, je subissais l’ablation d’un 1/2 poumon atteint d’un cancer, opération qui fut suivie de 2 mois de traitements en aout/septembre. Dès début novembre, je reprenais les activités sportives et montagne. Redémarrant de bien bas, avec un organisme diminué de 25% de ses capacités pulmonaires, il a fallu batailler pour récupérer ses capacités physiques, et pouvoir ainsi repartir pour cette expédition en Bolivie.
Deux jours plus tard, ressourcés, nous revenons dans la vallée de l’Huallatani. Le 7 juillet, Gabriel et moi-même, après une approche sur glacier de 350m, nous faisons l’ascension de l’Huyana Cuno Collo par sa face sud. Nous choisissons la partie droite de la face, car la moins exposée aux séracs (350m, D/D+, 65°). Arrivés sur l’arête sommitale, des risques de plaques à vent, suite à la tempête de ces derniers jours, nous dissuadent de rejoindre le sommet principal, et nous décidons de gravir le sommet est (5600m), juste au-dessus de nous. En l’absence d’ascension connue, nous dédions l’itinéraire au père jésuite Charles de Seze ». Pour la descente, nous empruntons l’arête est, en mixte, rocher et neige, pour rejoindre un col, à partir duquel nous rejoignons le glacier. C’est de nuit que nous retrouvons notre camp de base. Durant l’ascension, nous avons eu une bonne météo, et un froid mordant ; le mauvais temps est arrivé lorsque nous parvenions au sommet, et nous avons subi la tempête lors de la redescente. Sur le glacier, nous avons évolué dans une neige profonde, qui s’était accumulée ces derniers jours ; en revanche la face était en glace dure.
Quimsa Cruz, cordillère sauvage et insolite des Andes boliviennes, et qui offre des opportunités d’explorations de nouveaux itinéraires, mérite d’être connue et visitée.
NB. Je viens de terminer le montage du film sur cette expédition dans la Cordillère Quimsa Cruz. En 2014, j’organiserai et réaliserai une séance, au cours de laquelle je présenterai ce film, et aussi un film sur une autre expédition. Cette séance sera au profit intégral de la Ligue contre le cancer. Entrée libre. La totalité des dons, qui seront recueillis par des bénévoles de la Ligue contre le cancer, sera destinée à un projet médical de recherche contre le cancer du poumon, intitulé ‘Amiante, silice et cancer‘, réalisé par le laboratoire de Minéralo-Pathologie et par l’Association de lutte contre les cancers thoraciques, au Centre hospitalier St Joseph-St Luc de Lyon.