L’élevage des zones de montagne européennes, notamment en France, connait de grosses difficultés depuis les diverses introductions de grands prédateurs ours, loups et lynx, à des degrés différents selon les territoires et les carnivores concernés. Après avoir voulu imposer une cohabitation impossible, plus de 20 ans de palabres inutiles, de mensonges et de manipulations et, dernière en date, la signature d’une plate-forme européenne pour les grands carnivores, le COPA-COGECA, organisation européenne des syndicats agricoles, a décidé de se retirer.
– La position du Copa-Cogeca et la plateforme européenne sur les grands carnivores
Une participation à la Plate-forme européenne contre nature
En 2012, la Direction Générale de l’Environnement de la Commission européenne prend subitement conscience qu’il existe un problème sérieux de cohabitation (ou coexistence) entre les populations locales et les grands carnivores. Il était temps…. Mais ce n’est pas pour autant que le problème est résolu. Il a fallu à cette structure de fonctionnaires qui, pour la grande majorité, n’ont jamais vu un élevage de montagne, préparer des dossiers pour préparer des réunions d’échanges et déclarer tout le monde d’accord pour protéger les grands prédateurs même s’il avait été dit l’inverse. Pour tenter de faire bonne figure, après plus d’une année d’échanges, il a été établi une ‘Plate-forme sur la coexistence entre les populations et les grands prédateurs’, texte qu’il fallait signer par avance en guise d’accord pour participer au dialogue et au débat destinés à trouver des solutions….. 20 ans après l’arrivée des problèmes. Nous voyons là une démarche démocratique d’une grande tenue.
Contre toute attente, le COPA-COGECA décide, après délibération de ses instances, de signer le 10 juin 2014, pour participer en espérant, très naïvement, faire avancer la situation. Vu les objectifs, les points clés à réaliser et l’acceptation de principe que cette signature présupposait, il était certain que, soit la participation capoterait en cours de route, soit les résultats ne seraient pas acceptés par les syndicats nationaux et régionaux.
Les raisons de cette démission
Dans un communiqué du 13 février 2015, le Copa-Cogeca annonce qu’il « se retire de la Plateforme européenne sur les grands carnivores car la Commission ignore les avertissements des agriculteurs confrontés à des attaques, notamment de loups, contre leurs troupeaux »
Rien de très étonnant lorsque nous voyons les tendances affichées de la commission clairement orientée vers la « deep ecology » et ses prétentions de ‘rewilding’, c’est-à-dire d’ensauvagement des territoires, dictées de manière autoritaire par l’UICN / WWF dès 1997. Dans cette affaire relevant des choix de société locaux et régionaux, les habitants, élus, usagers n’ont jamais eu le droit de participer à des discussions libres sans contrainte et orientation textuelle. Des structures dites « de protection de la nature » se sont toujours imposées de manière parfois étonnante. Certaines, spécialisées dans les activités de loisir en montagne et le tourisme, se permettent toujours de donner des orientations et conseils d’aménagement des territoires sans jamais y associer ceux qui y vivent et en vivent depuis des millénaires. Pire ! L’homme est considéré comme un intrus pollueur sur la planète qu’il convient d’éliminer…. Sans doute au profit d’une race supérieure qui a tous les droits ? Qui sait ?
Il aura fallu du temps au COPA-COGECA pour constater cette évidence : l’homme n’a pas, aux yeux de ses interlocuteurs, sa place sur les territoires des grands carnivores donc aucune raison de tenir compte de son avis.
Une participation contre nature
Partant de ces observations issues de l’idéologie écologiste plus que de la défense concrète de l’environnement territorial, la participation du COPA-COGECA à cette plate-forme apparaissait dès le départ comme contre nature. Beaucoup d’éleveurs parlaient de « trahison ». Mais l’organisation syndicale pouvait encore espérer en partant du principe affiché que : « L’objectif de cette Plateforme était de résoudre les conflits liés aux attaques de grands carnivores (loups, ours bruns, lynx d’Eurasie, gloutons) contre des troupeaux ». Mais lorsque l’idéologie prend plus d’importance que la réalité du terrain, « les préoccupations des agriculteurs sont ignorées et leur subsistance menacée » sachant que « l’Europe abrite maintenant quelque 17 000 ours, 12 000 loups, 9000 lynx d’Eurasie et 1000 gloutons dans les zones rurales où l’agriculture est la principale activité économique ».
Tous ces éléments étaient connus d’avance. Pourquoi avoir perdu du temps en signant un document dont chacun savait qu’il était sans avenir ?
L’élevage et les troupeaux ne sont pas les seuls concernés
Si les éleveurs sont en première ligne, notamment ceux de montagne, tant sur le plan social, humain et économique, les usagers de loisir de ces territoires sont concernés. S’il existe des chemins de randonnées aujourd’hui plus ou moins entretenus selon les secteurs, une diversité de paysages ouverts et fermés, un patrimoine pastoral, etc… c’est bien grâce au pastoralisme. Sa destruction, à laquelle contribue activement la présence du loup et de l’ours, constituerai une perte patrimoniale, mais aussi environnementale, considérable. C’est aussi cette diversité paysagère qui participe à la biodiversité et à l’intérêt d’une balade pour un randonneur quelles que soit les saisons. Voulons-nous n’avoir que de la forêt à perte de vue, sans visibilité ? Voulons-nous des montagnes vides de leurs habitants ? De nouveaux villages définitivement abandonnés ?
Une commission européenne sourde
Il est bien connu que la commission européenne n’a jamais été sensible aux préoccupations des peuples. Et lorsqu’il s’agit d’environnement, la situation est pire encore. Seul, l’animal sauvage compte. L’humain n’existe pas ou n’a pas être à cet endroit….
Le COPA-COGECA en fait enfin le constat après 7 mois de palabres inutiles. Son Secrétaire, Pekka Pesonen, le précise : « La Commission européenne fait la sourde oreille face aux avertissements de la communauté agricole ». Depuis plus de 20 ans…. Il était temps de le dire ! Ce qui entraine une décision naturelle : « Nous avons donc décidé de sortir de cette Plateforme. Nous avions adhéré à la Plateforme sur la coexistence entre les humains et les grands carnivores car nous pensions que cela permettrait d’apporter des réponses. Toutefois, aucune solution n’a été trouvée. La Plateforme se concentre sur les bonnes pratiques afin de préserver les grands carnivores au lieu d’essayer d’identifier des solutions pour améliorer la situation des communautés rurales de ces zones. C’est inadmissible ». Naïveté ou mauvaise foi du COPA-COGECA ? A moins que ce ne soit un changement de tendance. Ce constat n’a rien de nouveau. La seule nouveauté et de quitter la table des discussions inutiles.
La protection des grands carnivores remise en cause
De la même manière, il y a longtemps que les organisations nationales et régionales d’éleveurs en Europe remettent la protection du loup et de l’ours en cause. Les Pyrénéens ont tout refusé en bloc face à une introduction imposée par la force. Pour le loup, un doute sérieux existe quant à leur pseudo retour naturel assez peu probable avec les informations et documents dont nous disposons aujourd’hui. Pour la première fois, le COPA-COGECA écrit : « L’importante protection de ces espèces emblématiques commence à représenter une menace pour les prairies à forte biodiversité qui sont maintenues grâce au pacage et dont dépendent de nombreuses espèces protégées. La mise en œuvre de la Directive Habitat elle-même empêche de trouver des solutions aux conflits résultant de la présence de grands carnivores. Il est primordial de faire évoluer la Directive Habitats face à la croissance de la population des grands carnivores dans plusieurs régions de l’UE. L’on ne peut plus uniquement se concentrer sur les mesures de protection. Des solutions doivent être trouvées.»
Voilà enfin des propos réalistes et cohérents qui sont très loin des prétentions des organisations écologistes qui n’ont aucune compétence en matière d’élevage quoique prodiguant des conseils de « bonnes pratiques ». Ont-ils d’ailleurs des compétences en écologie ou sont-ils les instruments d’un lobbying en faveur des financiers adeptes de la compensation écologique et du marché des certificats de pollution ? Un autre sujet qu’il faudra aborder avec cette volonté de captation des territoires voulue par certaines organisations écologistes au niveau mondial.
Le conflit n’est pas terminé. Il dépasse largement la question de l’élevage, du loup, de l’ours, du lynx et des territoires de montagne mais il revient toujours à ces deux questions que refuse de se poser la commission européenne : « Que veut-on faire de nos territoires ruraux ? Qui doit décider ? »
Louis Dollo