L’UTMB, une course de gonzesses !

Elles seront à peu près 300, sur un total de 2.300 coureurs, à se frotter vendredi 26 août à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) et, parmi elles, certaines pourraient bien jouer la gagne.

Avec ses 170 km pour 10 000 mètres de dénivelé positif, soit quatre marathons bout à bout agrémentés de ce qui correspond à deux montées au sommet de l’Everest depuis le camp de base, l’épreuve devenue mythique dès la première édition, en 2003, fait figure de mètre-étalon dans le monde de la course longue en montagne.

A première vue, son extrême difficulté en fait la chasse gardée des costauds gorgés de testostérone. Or, de petits de bouts de femmes bouleversent chaque année les idées reçues.

Le cas de Rory Bosio est le plus frappant, puisque la belle Américaine, qui s’est imposée deux fois au classement féminin, a pris la septième place au général en 2013 au nez et à la barbe de nombreux prétendants au podium masculin, et à deux petites heures du vainqueur. Elle sera confrontée cette année à la Française Caroline Chaverot, sixième des 80 km du Mont-Blanc, fin juin, qui pourrait bien elle aussi tenir la dragée haute aux meilleurs prétendants masculins.

Les deux favorites de l’édition 2016 ne sont toutefois pas des cas à part. En 2009, L’Américaine Kristin Moehl avait déjà fini 11e de l’UTMB. Mieux, Corinne Favre s’est tout simplement imposée au général en 2006, lors de la première édition de la Courmayeur-Champex-Chamonix (CCC), version courte de l’UTMB qui, avec plus de 100 km pour 6.000 m de dénivelé positif, reste l’une des courses les plus difficiles du calendrier. Bref, plus c’est dur et plus elle plus elles brillent.

Aux Etats-Unis, berceau de l’ultra-trail, Pam Reed a, elle aussi, remporté les éditions 2002 et 2003 de la Badwater (217 km, 4.000 mètres de D+), qui se court en juillet dans la fournaise de la Vallée de la Mort.

PLUS FORTES MENTALEMENT

Lors de l’édition 2007 de la Hardrock, d’un format semblable à celui de l’UTMB, Emily Baer s’est quant elle s’adjugée la 8e place au général… en donnant le sein à son fils à chaque ravitaillement.

Malgré l’exigence et les difficultés extrêmes qu’il représente, l’ultra-trail serait donc l’une des rares disciplines sportives où les femmes, celle de l’élite en tout cas, parviennent à faire jeu égal et même parfois à surpasser les hommes. Le phénomène est tel que des chercheurs comme Guillaume Millet, auteur d’”Ultra-trail, plaisir, performance et santé” (Outdoor-Editions), qui fait en outre partie des meilleurs Français de la discipline, s’y sont intéressés de près.

Rory Bosio – UTMB 2014 –

Sur le plan physiologique, ils observent bien quelques différences telles qu’une souplesse plus grande ou des “filières énergétiques” un peu plus efficaces, mais les grands facteurs de la performance restent plus favorables à la gent masculine. L’explication serait-elle à chercher du côté du mental ?

“Nous n’avons aucune donnée objective sur la différence entre les hommes et les femmes sur le plan du mental. Et pourtant, l’avis semble assez unanime du côté des experts : les femmes sont plus fortes mentalement”, écrit le sophrologue François Castell, dans l’ouvrage de Guillaume Millet.

Pour Karine Herry, médecin, nutritionniste et grande figure de la discipline, les coureuses sont d’abord moins douillettes.

L’accouchement n’y est d’ailleurs pas pour rien, souligne cette mère de famille qui a donné naissance à des jumeaux. “Cette résistance à la douleur, j’y crois, bien que ce ne soit pas étayé scientifiquement”, commente Guillaume Millet.

“NOUS NE CHERCHONS PAS À PISSER PLUS LOIN”

Elles sont ensuite plus “scolaires”, plus sérieuses dans leur préparation et plus méticuleuses lors de la course, ajoute Karine Herry.

“Leurs obligations familiales et leur emploi du temps plus lourd les contraignent à faire moins de courses alors que les garçons les multiplient. L’approche de la compétition est différente. Elles ne lâchent pas le morceau comme ça !”, dit-elle.

“Toutes les femmes qui ont une vie de famille ne vivent pas la préparation d’un trail comme les hommes et le font avec l’idée de ne pas rater cette rare occasion de s’éclater”, confirme son époux et entraîneur Bruno Tomozik.

Corinne Favre, sensation de la CCC 2006, juge quant à elle les femmes plus régulières que les hommes, qui, selon elle, courent en dents de scie. “Les filles ont un gros mental, elle sont capables de souffrir plus longtemps et de se donner à fond. tenir les rênes d’une famille, rester en permanence quelqu’un sur qui ont peut compter, ça forge le caractère”, poursuit-elle.

“Dans l’ultra, il faut savoir rester humble. Sur ces courses longues, tout peut arriver. Il faut tout anticiper, ne rien laisser au hasard et, ça, les femmes savent faire.”

L’humilité est également le maître-mot de Cecile Bertin, créatrice du site couriraufeminin.com, devenu runfitfun.fr, et ultratraileuse accomplie. ”Nous ne cherchons pas forcément à pisser le plus loin dans la cour de recrée” A ce jeu-là, pas sûr qu’elles puissent rivaliser, mais l’UTMB pourrait bien leur permettre de venger cette injustice.

Les favorites (dans l’ordre de leur indice de performance ITRA) :

  • Rory BOSIO (Etats-Unis)
  • Stephanie HOWE (Etats-Unis)
  • Caroline CHAVEROT (France)
  • Magdalena BOULET (Etats-Unis)
  • Andrea HUSER (Suisse)
  • Janessa TAYLOR (Etats-Unis)
  • Alissa ST LAURENT (Canada)
  • Francesca CANEPA (Italie)
  • Uxue FRAILE AZPEITIA (Espagne)
  • Federica BOIFAVA (Italie)
  • Joelle VAUGHT (Etats-Unis)
  • Gemma ARENAS ALCAZAR (Espagne)
  • Fernanda MACIEL (Brésil)
  • Jasmin PARIS (Royaume-Uni)
  • Cristina BES GINESTA (Espagne)
  • Pui Yan CHOW (Hong Kong)
  • Meghan ARBOGAST (Etats-Unis)
  • Denise ZIMMERMANN (Suisse)
  • Emilie LECOMTE (France)
  • WERMESCHER Ildiko Hongrie
  • SPROSTON Amy Etats-Unis
  • WLAD Kerrie Canada

Jean-Philippe Lefief (tous les propos ont été recueillis en août 2013)

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