Ogresse assoupie, la montagne se réveille en sursaut quand le ciel vire au dantesque et que sa carcasse est fouettée par les éléments ou écrasée par le soleil. Alors, sans crier gare, cette boulimique avale des vies par dizaines. L’année dernière, 216 naufragés des cimes ont perdu la vie en trébuchant sur les lèvres d’une crevasse, fauchés par une barre de séracs ou glissant jusqu’aux entrailles des glaciers. Parfois, la tragédie atteint son paroxysme lors de catastrophes qui ont forgé la légende noire de certains cols ou sommets vertigineux où seules les neiges sont éternelles. Pour y faire face, les pelotons de gendarmerie mobile de haute montagne (PGHM) multiplient les scénarios pour éprouver leur savoir-faire. Après des exercices mettant en scène des avalanches, des incendies de refuge et des accidents graves de remontées mécaniques, les sauveteurs d’élite basés à Chamonix viennent, pour la première fois, de jouer un exercice de grande ampleur simulant un crash aérien dans le massif du Mont-Blanc.
L’hypothèse, loin d’être insensée, rappelle l’accident du Malabar Princesse, Lockheed Constellation d’Air lndia assurant la liaison Bombay-Londres, qui s’est écrasé le 3 novembre 1950 dans le glacier des Bossons, à 4677 m d’altitude, avec son équipage et une quarantaine de passagers. Elle évoque aussi le drame du Kanchenjunga, Boeing 707 lui aussi affrété par Air lndia, retrouvé éventré seize ans plus tard au même endroit, coûtant la vie de 117 personnes et 200 singes de laboratoire.
Photo courtoisie de Philippe Poulet