Interview : Chris Bonington

A l’occasion
des Piolets d’Or, Kairn a pu rencontrer Sir Christian Bonington, l?gende
vivante et ambassadeur international de l’alpinisme.

Propos
recueillis par Rodolphe Popier avec le concours technique de Ben Ribeyre.

– Vous ?tes venu au piolet d’or en 2002 comme pr?sident du
jury et vous revoil? cette ann?e, pourquoi ?

– H? bien je
suis d’abord venu pour f?liciter Doug pour son Piolet d’Or carri?re, qu’il m?rite
amplement, et aussi pour assurer la promotion de mon dernier livre ? Les horizons lointains ? (Aux
Editions Nevicata).

– Pensez-vous que les valeurs de l’alpinisme sont bien
repr?sent?es par cette c?r?monie et ne pensez vous pas que celles-ci sont en
contradiction avec celles de la soci?t? d’aujourd’hui ?

– Oui je pense
que l’alpinisme a fait face ? de nombreuses ?volutions dans son histoire avec
l’apparition de nouvelles activit?s, en
particulier avec l’introduction pour nos enfants dans le monde d?velopp? de
l’escalade Indoor. Du coup les jeunes d?butent majoritairement par l’escalade
Indoor, qui est purement athl?tique, et
pr?f?rent l’escalade sportive qui, je le dis une fois encore, est contraire aux
valeurs de l’escalade traditionnelle que j’aime.

Je pense que
l’histoire de l’escalade traditionnelle a montr? qu’il fallait avoir le moins
d’impact possible sur la montagne. Et je pense que la chose importante ici,
Doug Scott a beaucoup insist? l?-dessus quand il ?tait le juge, c’est de dire que
les piolets d’Or doivent vraiment soutenir et valoriser l’?thique et les
principes de l’escalade d’aventure. Je pense qu’il est ?galement tr?s important
pour les institutions dirigeantes de la montagne quelles qu’elles soient
(UIAA…) d’encourager et d?fendre ces principes fondamentaux.

– Vous ?tes certainement l’un des grands alpinistes ayant su
le mieux m?diatiser sa pratique du haut niveau, ? travers l’?criture de
nombreux livres et des conf?rences sur tous les continents. Pensez-vous que sur
ce plan, les alpinistes et les m?dias doivent faire un effort de communication
aujourd’hui ?

– Je ne sais
comment cela se passe ici en France, mais au Royaume Uni, il y a une
litt?rature tr?s riche ?crite par les grimpeurs d’avant garde, comme Andy Cave,
Mick Fowler, Steven Venables, Peter Boardman, Joe Tasker…Tous sont des
alpinistes remarquables mais aussi ? la base de bons ?crivains et je dirais que
c’est la m?me chose actuellement aux USA.

– Mais est-ce que le grand public connait les noms et les
livres de ces grands alpinistes ?

– Non, il
ignorent tout d’eux ! Je crois qu’une partie du probl?me r?side dans le fait
que les grands m?dias non sp?cialis?s peinent ? voir au del? des superlatifs
faciles et du Mont Everest ! Ils sont juste basiquement obs?d?s par les simples
records : records de vitesse sur l’Everest, du plus jeune grimpeur sur
l’Everest…Ce que font ces personnes sont de belles r?ussites mais s’agissant
de l’histoire du d?veloppement de l’alpinisme, c’est compl?tement hors de
propos !

Et malheureusement,
je crois qu’ainsi les m?dias se sont d’autant plus ?loign?es de ce qu’est
r?ellement l’alpinisme. Au Royaume Uni, le probl?me est accentu? par certaines
personnes tr?s m?diatis?es, des gens
comme Bear Grills ! Un type sympa, il ?tait durant un temps le plus jeune
britannique ? s’?tre rendu au sommet l’Everest et il poursuit maintenant une
brillante carri?re ? la t?l?vision, menant ces genres d’?missions ? la mode sur
l’aventure. Il est donc tr?s m?diatis? et bien connu de la part du grand public…mais
ce n’est pas un grimpeur !! A c?t? de cela, des gens comme Andy Cave, Mick
Fowler sont totalement inconnus du grand public alors que ce sont des
alpinistes remarquablement accomplis. Je suppose que c’est la m?me chose en
France, vous avez des grimpeurs remarquables r?alisant des choses
exceptionnelles mais qui restent invisibles pour le grand public.

– Vous ?tes toujours tr?s actif, furetant ?a et l? sur la
plan?te montagne. Quelles joies trouvez-vous encore ? parcourir les massifs de
notre plan?te ?

J’aime toujours
aller en montagne et grimper. Et m?me avec deux ou trois degr? de difficult? en
moins par rapport ? ce que je faisais quelques ann?es auparavant, ?a n’a pas
d’importance, je suis toujours heureux d’?tre en montagne.

– La joie est la m?me ?

Je ne dirais
quand m?me pas cela ! Quand vous essayez de faire une voie que vous auriez
facilement pass? 5 ann?es auparavant et que l?, d?sormais, vous devez vous
battre !

– Quel regard portez vous sur votre parcours ? Que
repr?sente la montagne pour vous : sport, mode de vie, d?marche spirituelle ?

Pas
spirituelle, je dirais que c’est bien au del? d’un sport, c’est juste un mode
de vie tr?s profond. J’aime la beaut? des montagnes, j’aime le c?t?
exploratoire de l’escalade, aller l? o? personne n’est encore pass?, o? il faut
trouver son chemin, dans le cadre de petites exp?ditions entre amis. En Juin,
je serai ainsi avec de vieux amis en Himalaya dans une vall?e qui n’a jamais
?t? explor?e auparavant, avec des pics d’environ 5500m, des tas de neiges sur
lesquels nous monterons faire des photos !!

– Si vous deviez retenir une ascension parmi toutes celles
que vous avez effectu?es, laquelle choisiriez vous ?

Je dirais le Shivling (NDLR : en
1983) parce qu’il s’agissait de la premi?re de son sommet Sud-Ouest, juste Jim
Fotheringham et moi, c’?tait une belle ascension en beau style alpin, en
travers?e, men?e de fa?on compl?tement spontan?e, oui c’est celle-ci que je
retiendrais.

– Et si vous deviez choisir un compagnon pour repartir
grimper dans une prochaine vie, qui choisiriez vous ?

Oh ?a alors,
c’est une question difficile !

– Don Whillans ?!

(rires) Non !!!
Don Whillans…

Je pense Tom
Pattey, c’?tait tellement dr?le d’?tre avec lui ! Tom et sinon en dehors de
Tom, l’ami le plus proche que j’ai jamais eu, Nick Escourt. Nous avons r?alis?
ensemble de belles escalades ensemble et dans mes grandes exp?ditions, il ?tait
toujours d’un grand soutien, le genre de personnes ? qui vous pouviez passer de
grandes responsabilit?s. Donc oui je dirais Nick Estcourt.

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