Interview de Boris Dedechko, Piolet d’Or 2010

 



Comment es-tu venu à l’alpinisme?
Ce n’est pas moi qui ait choisi l’alpinisme, c’est probablement, lui qui m’a choisi.
à un moment donné je me suis simplement trouvé en montagne.
En 2001 je suis monté sur le pic Noursultan – c’était la bagarre pour tout le monde.
C’est là que j’ai « contracté’ le virus de la montagne et j’ai décidé de m’y consacrer.  
À  cette époque je ne cherchais pas à devenir alpiniste professionnel, j’aimais simplement être en montagne.  
La montée était joyeuse et au sommet je sentais un flot des forces vives, même si mes pieds se ressentaient toute la semaine de ces premières ascensions.Je grimpais chaque montagne deux fois juste “pour le plaisir”.
Il y a beaucoup de sommets plus hauts que 4000 m à côté de ma ville natale d’Almaty. Avec un ami nous grimpions sur les sommets par les itinéraires les plus simples ; nous voulions faire tous les sommets environnants. Nous essayions de nous échapper là-bas chaque weekend et nous y arrivions souvent.


Ma première voie côtée PD+/AD date de 2003, par hasard, avec l’équipe.
J’ai compris que je prenais beaucoup plus de plaisir en atteignant le sommet par un itinéraire difficile que par la voie normale. J’ai donc commencé à rechercher les itinéraires complexes. Mais j’avais besoin pour cela de mieux me préparer, et j’ai commencé à m’entraîner systématiquement .



Tu viens de remporter le Piolet d’Or, que représente cette récompense pour toi ?


Le piolet d’or est un rêve, une grande joie et la fierté ;  mais d’autre part c’est aussi une grande responsabilité. Maintenant je  ne peux plus me livrer en société avec des  inconnus à faire des  plaisanteries d’humour noir comme je les aime ! Quelqu’un pourrait
les percevoir comme une réalité. Auparavant, je ne réfléchissais jamais aux conséquences, mais maintenant j’ai remarqué que les gens ont commencé à m’écouter plus attentivement.


Quelle est dans ton palmarès la réalisation qui a le plus d’importance à tes yeux ?


• 2007 : Semenov-Tjan’-Shanskiy, voie Zaharov 5B d’hiver – 4 jours sur la face – j’ai commencé à comprendre ce qu’est le vrai alpinisme
• 2007 : le Khan-Tengri (7010m), du nord 5B – la première expérience à haute altitude
• 2008 : la Couronne, la 5-ème tour, voie Balezin, premier 6A
• 2008 : la Corée Libre, voie Popenko 6A – Les premières nuits en paroi, quand il n’y a pas d’autres possibilité ; j’ai compris que le fait de sortir vivant ne dépend pas toujours que de soi.
• 2008 : Bajankol, la crête du sud-est (FA) 5A – parfois continuer vers le haut est plus sûr que de descendre.
• 2008 : Huit Alpinistes, via le centre de la face d’ouest 6A, FA – un bel itinéraire très difficile en style alpin. J’ai été nominé sur Piolet d’Or Asia-2008
• 2009 : Cho Oyu (8201m), la face SE, FA – vous connaissez déjà.


Reinhold Messner dit que le futur de l’alpinisme passe par une augmentation de la prise de risque. Partages-tu cette opinion ? Quel est pour toi le futur de l’alpinisme ?


Bien sûr que je suis d’accord. Plus loin qu’il reste moins des “taches blanches”.
Pour que ton ascension soit remarquée, elle doit être très rapide et super difficile, avec une petite équipe dans des lieux éloignés et inconnus ; tous ces facteurs augmentent le degré de risque. Le futur sera fait avec de telles ascensions.



Les pays de l’Est font il un alpinisme différents des européens ou des coréens ?


L’alpinisme est international. Souvent les meilleurs sportifs des différents pays s’unissent pour la réalisation de grands objectifs. Et cela réussit parfaitement. L’hivernal du Makalu l’année passée en est un très bon exemple. Je ne vois pas de différence.



Est-il plus difficile de trouver des financement quand on vient d’un pays de l’Est ?


Oui et non. Si j’avais le financement nécessaire j’aimerais participer à deux ou trois expéditions de plus par an. Trouver l’argent pour l’expédition ce n’est pas le seul problème. Il faudrait passer plus de temps en déplacement, mais le travail et les affaires domestiques ne me le permettront pas ;  il faut bien  gagner l’argent pour la famille, en plus du  sport !
Par exemple, en 2008, j’ai passé presque six mois en expédition.


Quel est ton travail de tous les jours ?


Je travaille dans la compagnie de télécommunication. J’ai deux filles de 5 et 9 ans, et un fils qui a 4 ans. Je les aime beaucoup et je passe beaucoup de temps avec eux. Ils ne comprennent pas pourquoi je pars ainsi longtemps loin d’eux. J’ai téléphoné à ma famille avant la sortie d’assaut sur Cho Oyu. Mon fils, il s’appelle Sacha (Alexander), m’a demandé de lui rapporter des jouets – les machines des dessins animés “Bagnole” Chiko Hiksa et King (il a déjà l’Eclair MacQueen), la fille cadette Masha (Maria) – a chanté pour moi une petite  chanson, et Liza ma fille ainée  m’a seulement demandé de revenir bientôt chez nous. Cela m’a donné les forces supplémentaires.
En expédition,  j’emporte  toujours des photos de ma femme et de mes enfants. Je passe toujours beaucoup de temps à choisir des cadeaux pour eux avant de revenir.
Au Katmandou ce n’est pas facile du tout de trouver les cadeaux pour les petits enfants !


 



Quels sont tes prochains projets ?


J’aide  Denis à entraîner les jeunes de CSCA (Central Sport Club of Army).
En été nous envisageons, si on résout le problème de financement, de mener de jeunes au Gasherbrum par la voie normale pour qu’ils acquièrent l’expérience de la haute altitude et puis puissent  participer à des ascensions plus difficiles.
S’il y a des conditions favorables et s’il reste des forces – nous tenterons avec Den de gravir un nouvel itinéraire au G1.
Nous voulons terminer le programme «les voies des Kazakhs sur les 8000 de la planète».


Aujourd’hui nous avons déjà ouvert quatre voies de 8000 – Dhaulagiri, Broad Peak, Manaslu et Cho-Oyu. Il en reste encore dix. Mais avant l’expédition à Karakorum nous voulons grimper au soleil  juste pour le plaisir.



On dit que tu es dans l’ombre de Denis…



On peut me comparer à Mike Vazovsky des dessins animés «Monstres, Inc».  Je me réjouis des apparitions dans la presse, mais j’arrive souvent dans les situations semblables :  peu de gens me remarquent, excepté moi ! C’est normal car c’est Denis qui intéresse le plus les journalistes  – il est le seul alpiniste dans le monde qui a gagné deux Piolets D’or de l’Asie, et puis le Piolet D’or  et le prix d’Eiger Award.  Et surtout, je lui dois tous mes mérites. Je ne perd pas ma belle humeur du tout à ce sujet !


Denis est le grand maître de l’alpinisme. Il a fait beaucoup pour que je devienne  plus fort et plus expérimenté, et je continue à apprendre avec  lui. Au temps où  je prenais  goût aux ascensions d’amateur durant l’été 2001, Denis avait déjà  accompli le programme «Snow Leopard» en une seule saison et avait fait les ascensions sur deux 8000 – l’Everest et Lhotsze. Il exerce au CSCA depuis 1993, et il est venu là-bas en ayant déjà la certaine expérience.  Être dans l’ombre d’une telle personne c’est pour moi plus chaud que d’être au grand soleil sans panama. Mais la situation évolue tout doucement : avant  on disait souvent Denis Urubko avec son partenaire a fait ceci ou cela ; maintenant, après le piolet d’or, on cite aussi  mon nom.
Il faut être fort, beaucoup travailler et alors tu sors de l’ombre j’en suis sûr.



Quel importance attaches tu aux sites internet dans la communication sur tes expéditions ?


En expédition, nous prenons un téléphone satellite. On envoie des sms à nos amis, on tache de renouveler l’information  chaque jour. Peut être que le CSCA ou les sponsors nous offriront le modem d’Internet satellite, comme çà nous pourrons envoyer plus d’information et des photos directement de la base.
Pas mal de gens s’intéressent à nos expés  et suivent attentivement chacun  de notre pas.


Connais tu Kairn.com ?
Je connais un peu le site mais je ne parle pas français. C’est Anna qui me traduit. C’est  un très bon site sur l’alpinisme.



 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 

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