Ce pourrait être l’entame d’un sketch de Raymond Devos. Au rythme du gastéropode, le glacier avance d’un centimètre à l’heure alors que la mémoire humaine le voit reculer à vitesse grand V. Tel un esquimau que l’on suce, son extrémité se dissipe, manifestation du changement climatique. En se retirant, la mer de Glace laisse un paysage de désolation. Il y a 35 ans, Jean-Marie Claret, l’affable “grottu”, accueillait le touriste de plain-pied dans sa caverne éphémère.
Beaucoup de sueur et de vin rouge
En 1980, dès la sortie de la cabine qui descend de la gare du Montenvers, la passerelle menait sans effort aux entrailles du glacier aux reflets qu’aucune impureté rocheuse venait troubler. C’est son père, Georges, en 1946, qui eut l’idée de creuser une grotte. Pendant la guerre, pour échapper au STO, il avait travaillé dans les galeries sous-glaciaires de l’usine électrique. Claret père révéla au grand public les secrets de ce géant de glace qui, depuis les romantiques, était devenu objectif d’excursion. Jean-Marie, lui, jeune guide de Chamonix, préparait sa saison, en se faisant les biceps à ses côtés. De janvier à mai, il maniait le pic à glace. “On évacuait les glaçons au moyen de luges, il n’y avait pas d’électricité. Comme disaient les autres grottus du glacier voisin des Bossons, il fallait beaucoup de sueur et de vin rouge !”.