Le suédois Benjamin Linné Ryn a profité de son WE à Bleau pour faire quelques belles croix dont le 8b de Khéops, Les Beaux Quartiers (8a) et surtout Geko (8a+) qu’il a tout bonnement flashé .
Geko flash c’est plutôt une très belle perf’ comparable à celles de Matt Wilder dans Partage ou Adam dans la version assise de Geko. Malheureusement, son passage sera aussi marqué par la disparition Sideways daze, un autre 8b du Rempart ouvert par Dave Graham…
En effet, Benjamin a cassé dès son premier essai la grosse prise de départ ! On ne va pas lui jeter la pierre car cette écaille bougeait déjà depuis pas mal de temps (tout comme l’inversée de départ de Gospel à la Gorge aux Chats). Il s’est d’ailleurs immédiatement signalé sur le forum de Bleau.info ce qui, comme souvent, a déclenché quelques posts pas toujours sympathiques. Dommage, car certaines interrogations étaient intéressantes.
Le grès de Fontainebleau est-il plus fragile par temps humide ?
Je l’ai affirmé dans cet article mais n’étant pas géologue et manquant clairement de statistiques scientifiquement établies, j’ai pu me tromper. Cette prise était condamnée dès le départ n’étant pas solidaire du reste du rocher et présentant une faiblesse attestée depuis plusieurs années.
Il n’y a qu’à observer la photo prise par Pierre Délas pour se convaincre que la prise ne faisait qu’adhérer partiellement au bloc (partie noir) et que sous la croûte de grès, on trouve du sable simplement agloméré.
La prise était-elle vraiment sèche ?
Benjamin affirme qu’elle l’était dans son entretien avec Björn Pohl pour UKC . Je pense moi que la fracture pré-existante avait entrainé de l’eau à l’intérieur de la roche (donc non visible) qui a joué le rôle de lubrifiant entre les grains de silice, accélérant la casse.
Pourquoi le grimpeur qui précédait Benjamin n’a-t-il pas cassé cette prise ? Mystère de la physique. Les forces exercées ne devaient pas suffire !
Des prises qui cassent, cela arrive souvent et c’est pas grave !
Parfois le bloc « refait » (voir l’histoire du Surplomb de la Vallée de la Mée), des fois non. On perd une ligne, il en reste des milliers. C’est certes très regrettable notamment quand c’est une ligne majeure ou un bloc historique.
Faut-il alors recoler les prises cassées avec une résine ? Faut-il préventivement sikater les prises fragiles ?
Voilà des questions intéressantes mais sujettes à controverse.
Je me suis toujours opposé au « bricolage » des prises sous toutes ses formes (taille, amélioration, vissage, collage)… J’ai fini par concéder que l’utilisation (à Bleau) d’un fixateur incolore et pénétrant pour renforcer la cohésion des grains de silice sur certaines prises pouvait être utile et retarder l’inévitable usure. Dans les années 90 j’ai parfois pu apprécier le très « bon travail » fait sur certaines prises bidouillées comme les inversées de Trois graines d’éternité (Rer Canon), ou les marbres recollés de Psykatrique (Cuvier rempart) mais dans l’ensemble, j’ai plutôt vu des prises considérablement altérées et devenues traumatisantes n’ayant plus aucun rapport avec leur version naturelle.
Par ailleurs, le grès bleausard ne doit sa solidité qu’aux premiers millimètres de sa croute. Plus la grésification est complète plus la roche est dure et homogène (cas des célèbre plaque de « quartz »). Hélas, c’est loin d’être la cas partout ! Si les résines utilisées pour le collage des scellements en falaise sont extrêmement résistantes, leur adhérence à une croûte de grains de sable plus ou moins bien amalgamés reste donc incertaine. Bref, une prise collée à Bleau n’offre aucune garantie de tenue dans le temps. On peut s’en persuader en observant les nombreux blocs bricolés à Bleau dans le passé, notamment à Buthiers ou au Cuvier. A ce titre, l’enduit de sika sur l’inversée de Gospel n’empêchera certainement pas celle-ci d’exploser un de ses quatre matins !
Enfin, j’en profite pour rappeler un point qui ne manquera pas de faire réagir : la responsabilité juridique du bricoleur !
Toute intervention humaine nous en rend responsable. Au-delà de sa portée éthique et philosophique cette petite phrase implique une responsabilité juridique qui se traduit par l’article 1382 du code civil (Loi 1804-02-09) ‘Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.’
Rien à voir avec l’escalade croyez-vous ? Et bien si ! Car on vit dans une drôle d’époque où, sous la pression des assurances, on doit trouver un responsable à toute chose et le faire payer. Il y a quelques temps j’ai d’ailleurs modifié l’article que j’avais consacré à la parade suite à une triste affaire de ce type entre un grimpeur et son pareur. Une autre est en cours d’instruction actuellement.
Triste époque, non ?
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