Avec leur museau écrasé et leur démarche pataude, les bouledogues français semblent sortir tout droit d’un dessin animé. Mais sous cette allure attendrissante, de plus en plus de vétérinaires tirent la sonnette d’alarme : leur popularité fulgurante masque de graves souffrances.
Un engouement qui cache une souffrance
Il y a encore vingt ans, on croisait rarement un bouledogue français au coin de la rue. Aujourd’hui, il semble presque plus difficile de faire une promenade sans en croiser au moins un. Ce petit molosse aux yeux doux a conquis les foyers français : en quelques années, il est passé du fond du classement des races préférées à la tête du peloton.
Mais cette montée en flèche n’est pas sans conséquences. Pour répondre à la demande, les élevages se sont multipliés, souvent au détriment du bien-être animal. Des vétérinaires britanniques s’inquiètent désormais ouvertement des conditions d’élevage intensif et des problèmes de santé récurrents auxquels ces chiens sont confrontés.

Le revers de la brachycéphalie
Les bouledogues français appartiennent à la catégorie des races brachycéphales. Cela signifie qu’ils ont un crâne raccourci, un nez aplati et une mâchoire inférieure proéminente. Résultat : une anatomie certes mignonne… mais peu fonctionnelle.
Derrière leur petit grognement parfois interprété comme un ronflement affectueux, se cachent souvent des troubles respiratoires sévères. Une simple course derrière une balle peut leur provoquer des difficultés à respirer, voire des pertes de connaissance. Quant à la chaleur estivale, elle peut s’avérer redoutable, leur système de thermorégulation étant défaillant.
« Dès qu’il montait un escalier, il se mettait à haleter comme après un marathon », confie Julien, propriétaire d’un bouledogue de six ans. « L’été, on devait lui poser un ventilateur en permanence. »

Une accumulation de pathologies
Les soucis ne s’arrêtent pas là. Une étude menée en 2013 au Royaume-Uni a mis en lumière la fréquence des dermatites chez ces chiens. Leur peau plissée et parfois trop serrée favorise infections, irritations et inflammations. Et comme si cela ne suffisait pas, une autre recherche publiée en janvier dernier a révélé que les races brachycéphales étaient sept fois plus susceptibles de développer une maladie appelée « œil cerise » – une pathologie qui provoque une masse rouge dans le coin de l’œil et peut nécessiter une chirurgie.
Le professeur Dan O’Neil, vétérinaire et enseignant au Royal Veterinary College, résume la situation sans détour : « Ces chiens sont devenus incroyablement populaires en très peu de temps, mais leur état de santé général est alarmant. »
Des croisements fantaisistes aux effets néfastes
Pour répondre aux caprices esthétiques du marché, certains éleveurs vont encore plus loin. Selon The Guardian, une portée de bouledogues français sans poils a récemment vu le jour en Écosse. Ces chiots seraient issus de croisements entre bouledogues, carlins et chiens chinois à crête. Si cette innovation peut faire sourire, elle suscite surtout une vive inquiétude dans la communauté vétérinaire.

La British Veterinary Association a immédiatement dénoncé cette dérive. Sa présidente s’est dite « profondément déçue » par ce type de pratiques, soulignant que « la santé des chiens est trop souvent sacrifiée sur l’autel de la nouveauté ».
Une prise de conscience urgente
Ce débat dépasse le seul cadre vétérinaire. Il nous interroge collectivement : comment concilier notre amour pour ces animaux et la responsabilité de leur garantir une vie digne ? La Société Centrale Canine en France, tout comme la BVA au Royaume-Uni, appelle à un retour à des standards d’élevage plus respectueux.
Il ne s’agit pas de blâmer les propriétaires – souvent mal informés – mais d’exiger plus de transparence, de régulation et de bon sens. Adopter un bouledogue français ne devrait pas être un acte à la mode, mais un engagement éclairé.