Pour la première fois dans la longue histoire de la FFME (plus de 60 ans!) une vraie confrontation de listes a lieu dans le cadre des élections au Comité Directeur.
Kairn.com, en tant que principal média de l’activité a décidé de suivre cette véritable campagne politique en donnant la parole aux différents candidats et acteurs de la politique fédérale.
Après les interview de Claude Chemelle (Liste Alternative) et de Pierre You (Liste Ambition et Innovation), voici donc l’interview de Luc Chabrol, secrétaire général de la FFME et membre de la liste Ambition et Innovation.
Kairn.com : Quel est le rôle du Secrétaire Général de la FFME ?
Luc Chabrol : Dans la définition standard, c’est le garant du fonctionnement administratif de la fédération. Pour ma part je m’attache surtout à être un interlocuteur privilégié des comités et des clubs. C’est un rôle primordial, intéressant, riche qui nécessite beaucoup d’écoute et d’échanges. Finalement c’est un rôle gratifiant car tu as un retour rapide de ton implication, tu es en prise directe avec les difficultés des dirigeants et tu peux vite mesurer le service rendu. Dans l’engagement associatif ce n’est pas toujours le cas !
Kairn.com : Peux-tu nous faire un bilan des réalisations FFME du dernier mandat ?
Luc Chabrol : Là c’est un livre que tu me demandes… Pour faire court, nous avons structuré, organisé et consolidé notre fédération qui est aujourd’hui une référence dans les sports de nature. Dans nos relations avec le ministère, le CNOSF, les fédérations internationales, les avis sont unanimes et positifs vis-à-vis de notre fédération.
Pierre You à travers son élection au CNOSF a positionné cette fédération comme jamais et pas seulement sur l’escalade, loin de là.
Ce n’est pas forcément la face la plus visible de l’iceberg mais comme tu le sais au final ça compte.
Alors on peut nous répondre que les clubs sont parfois bien loin de ça, mais c’est prendre les dirigeants des clubs pour ceux qu’ils ne sont pas…
Je préfère avoir un grand dirigeant au poste de président de la fédération qu’un grimpeur ou un montagnard émérite et je suis persuadé de ne pas être le seul à penser que c’est un atout considérable pour une fédération sportive.
Tu sais, dans un sport du sud-ouest (ou les toulousains gagnent souvent à la fin) on a l’habitude de dire : “quand les fondamentaux sont respectés, tu peux voyager! “ Ç’est vrai pour nous aussi, je pense que notre fédération n’a jamais été aussi prête à gravir les sommets, casser cette dynamique nous ferait faire un bon de 10 ans en arrière et serait un gâchis terrible !
Kairn.com : Et quels en ont été les échecs ?
Luc Chabrol : Il n’y a pas eu à proprement parler d’échec mais peut-être finalement avons-nous été parfois trop honnêtes ou naïfs ?
Quand nous ouvrons le débat sur la multi activité, on nous reproche de vouloir faire une FFE. Quand nous lançons un audit sur les falaises, on nous rétorque que la fédération arrête son implication dans le conventionnement, c’est juste incroyable et parfois décourageant…
Kairn.com : Jamais une élection n’a été si suivie et commentée : tu l’expliques comment ?
Ho si! Je te rassure, en d’autres temps, d’autres élections ont été largement aussi commentées et pas toujours en termes très corrects, alors que là les gens sont plutôt dans le respect. Et puis c’est quand même nous qui avons mis en place le scrutin de liste, justement pour permettre le débat ce n’est donc pas nous qui allons nous en plaindre !
Kairn.com : On sent une polarisation marquée chez les grimpeurs : est-ce à dire qu’on pourrait craindre un schisme ?
Luc Chabrol : Je suis juste persuadé du contraire, pour moi les pratiquants ne mettent pas en opposition une pratique ou une autre de l’escalade (ou alors en marge mais cela a toujours existé). Je crois au contraire que la grande majorité des licenciés est attachée à cette pratique plurielle de l’escalade.
Kairn.com : La FFME, c’est aussi la raquette, la randonnée, le ski-alpinisme, le canyon… on entend peu parler des enjeux de ces activités … est-ce que les adeptes sont les grands oubliés de la FFME ?
Luc Chabrol : La FFME c’est aussi la montagne, d’ailleurs tu oublies au passage l’alpinisme…
Comme je l’ai expliqué au-dessus, dans l’olympiade passée nous avons beaucoup œuvré à la structuration de la fédération, mais aussi de nos comités au travers de plans de développement, nous devons maintenant passer à une phase plus axée sur les clubs.
Le principe « un club : une salle » doit perdurer, la SAE c’est la porte d’entrée incontournable. Mais en parallèle nous proposerons des outils pour permettre aux clubs qui le souhaitent de pratiquer l’ensemble de nos activités et ainsi de développer réellement la multi activité. Il faut passer de l’envie à l’action, que les adeptes du montagnisme se rassurent, ils ont toute leur place à la ffme.
Kairn.com : La raquette, en particulier, aurait bien besoin d’un coup de balai : ce pourrait être, de par son histoire, un sport olympique. Vous y pensez ?
Luc Chabrol : La raquette olympique ? c’est surement ton coté québécois qui ressort et ma réponse ne va pas te satisfaire, mais les circuits de compétition nationaux et européens ne sont pas franchement en progression. Il n’y a pas aujourd’hui d’attrait grandissant pour la compétition de raquette à neige !
Actuellement, nous avons deux activités qui sont en route vers l’olympisme : l’escalade et le ski-alpinisme. Sincèrement malgré le potentiel énorme de ces disciplines, quand je vois les difficultés et les arcanes de ces dossiers, je ne pense pas trahir de secret en disant que la raquette aux JO ce n’est pas pour demain. En revanche (hors compétition) la raquette à neige est une activité qui a connu une forte progression et qui est très prisée par nos clubs. Pour moi ce n’est pas d’un coup de balai que la raquette a besoin mais d’une prise de conscience des pratiquants en terme de formation. Eu égard à la pratique, nos volumes de formation ne sont pas assez importants (toutes fédérations confondues). Nous le répétons sans cesse dans nos clubs : il faut former les pratiquants aux activités hivernales qui restent objectivement risquées. Si j’ai une préoccupation pour la raquette c’est plutôt celle-là !
Kairn.com : Quel est, selon toi, l’avenir de l’escalade en France ?
Luc Chabrol : Je pense que nous en sommes juste au début, nous sommes encore dans les balbutiements de son développement en France mais pas seulement. Regarde à Bercy c’était 60 nations présentes. L’escalade c’est le sport des années futures, son développement le prouve, il est régulier et constant. Nous ne sommes pas dans l’effet de mode, au contraire ce sport s’installe. Il cumule toutes les qualités, sportives éducatives, bien-être, toutes les valeurs de solidarité, de respect, de non-violence, d’engagement, etc… L’escalade est très prisée par les jeunes et les moins jeunes. Elle correspond aux attentes et aux objectifs de nombreuses politiques publiques actuelles. De plus l’escalade sera olympique et si ce n’est pas en 2020 ce sera en 2024… Je le répète, nous sommes juste au début du truc, il faut en être conscient !
Kairn.com : Est-ce qu’il existe une polarisation nord-sud à l’intérieur de la FFME ?
Luc Chabrol : C’est fou cette vision que tu as de la fédé, en escalade tu parles de schisme, là de polarisation nord-sud ?
Il faut vraiment que tu rencontres les licenciés pour constater que les passionnés d’escalade, d’alpinisme ou de canyonisme sont les mêmes au nord qu’au sud .Bien sûr le temps de trajet pour être à pied d’œuvre est un peu plus long pour certaines régions, je te l’accorde.
Plus sérieusement, pour la prochaine olympiade une de nos actions sera de proposer et d’organiser des passerelles entre les régions de montagne et celles de plaine. Les clubs et ou comités de montagne peuvent faciliter l’organisation et l’accueil des clubs de plaine dans leur secteur. Des échanges peuvent aussi se faire entre massifs, ce sera un outil fort de développent supplémentaire.
Kairn.com : Les séances du prochain conseil d’administration risquent d’être houleuses s’il n’y a pas une majorité évidente : vous avez pensé à des solutions pour faciliter les débats et la prise de décision ?
Luc Chabrol : Non, c’est encore un avantage du système d’élection en liste, celle qui arrive en tête est assurée d’avoir une majorité lui permettant de gouverner, pas de souci de ce côté-là.
Kairn.com : Quand tu retires ton chapeau de Secrétaire Général, est-ce que tu mets le casque et tu vas grimper ? Des sites favoris ? Des sites conventionnés ?
Luc Chabrol : Pour le moment, je ne te cache pas que mon baudrier n’est pas usé, entre mes fonctions de secrétaire général et celles de président du comité régional de Midi-Pyrénées, je n’avais pas trop le temps de pratiquer.
C’est une des raisons qui m’a fait prendre la décision de ne plus postuler pour le poste de président de comité régional, j’ai maintenant un successeur et j’espère bien revenir rapidement sur les sommets des Pyrénées ou d’ailleurs…
Propos recueillis par Jean-Pierre Banville