Interview : Tania Houlbert et Guillaume Temps, reportage Borealis sur la Laponie Suédoise


Au détour de différents sites sur la Laponie, nous sommes tombé sur le teaser d’un documentaire très attirant : Borealis. Tania Houlbert et Guillaume Temps, les deux réalisateurs, nous ont permis de goûter en avant-première à ce magnifique reportage

décrivant la vie de deux muschers français (Stéphanie Lesage et Rémy Dulosthe) installés depuis quelques années en Laponie.

Touchant, drôle et à la fois passionnant, Borealis vous immerge dans l’immensité des paysages suédois grâce à des prises de vue artistiques associées à un savant mélange d’humour et d’authenticité.Suite au visionnage du film nous avons voulu en savoir plus sur le documentaire et ses différents protagonistes.

Bonjour Tania et Guillaume, merci d’accepter cette interview et toutes nos félicitations pour votre travail. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Tania et Guillaume : Nous sommes tous deux de la région Orléanaise, mais ne nous sommes rencontrés qu’à Paris, nous étions dans la même promotion du BTS Audiovisuel – option montage.

Tania : Avant j’avais fait 2 ans de conservatoire d’art dramatique à Orléans, ainsi qu’une formation journalistique avec le CNED. Je suis montée sur Paris pour suivre des études audiovisuelles, puis j’ai découvert le cadre et la réalisation sur le terrain. Je suis maintenant reporter et réalisatrice dans le domaine du tourisme !

Guillaume : Moi après mon bac j’ai fait un an de prépa PCSI à Tours, puis je me suis vite rendu compte que les études d’« Ingé. » ce n’était pas pour moi et donc j’ai décidé de rejoindre un BTS audiovisuel. De fil en aiguille, je suis devenu intermittent en montage et trucage vidéo pour la tv, et maintenant je tiens une agence de communication avec des potes.

Pourquoi un documentaire sur la Laponie et le chien de traineaux ?

Tania : Le premier film que j’ai vu quand j’étais gosse, c’était Croc Blanc ! Je crois que cette relation du héros avec son chien-loup m’a marquée, je me suis mise à lire des romans de Jack London, je me rêvais dans le Grand Nord avec une meute de chiens de traîneaux…

Puis ma maman m’a offert un raid dans le Jura, pour mes 20 ans. Ce fut la révélation, j’avais envie de partager cette expérience, d’observer sur plusieurs semaines le travail du musher avec sa meute, et pourquoi pas dans une région méconnue d’Europe ! L’idée était dans un premier temps de faire vivre une aventure hors du commun au spectateur, de faire découvrir une autre vie, et de se poser la question «pourquoi pas moi ?»

Guillaume : J’avais pas mal voyagé avant de rejoindre Tania sur le documentaire (4L Trophy, Islande, Etats-Unis…), c’est mon côté baroudeur qui a dû lui plaire ! (rires)
Je ne connaissais pas du tout le métier de musher et encore moins les chiens (mes parents n’en avaient pas…), rencontrer des français expatriés dans le Grand Nord, j’avoue que l’idée m’a plu directement.

J’avais toujours eu envie de partir faire un documentaire, et là, c’était l’occasion ! Transmettre ma passion du voyage et ma soif d’apprendre. Pour ma part, je ne savais pas forcément cadrer, Tania m’a coaché sur place et je pense que nous avons vraiment beaucoup appris l’un de l’autre et l’un sur l’autre.

Pourriez-vous nous présenter votre rencontre avec Stéphanie et Rémy ?

Tania : Au départ, le documentaire devait être réalisé avec un autre musher, que j’avais rencontré lors de mon raid dans le Jura. Puis il est tombé malade et c’est un jeune couple de Français vivant en Suède qui est venu à notre rescousse, de justesse… C’était un tout autre film prévu au départ ! Quand j’ai eu Stéphanie et Rémy au téléphone pour savoir s’ils étaient d’accord pour faire partie du documentaire, leur fraîcheur, leur dynamisme et leur vision de la vie m’ont poussé à rendre ce projet encore plus personnel, à faire en sorte qu’il me ressemble.

Guillaume : Je leur ai parlé la première fois en arrivant chez eux et en déposant mes bagages dans leur chambre… ça fait bizarre de débarquer comme ça chez quelqu’un sans lui avoir parlé, mais on s’est vraiment très vite sentis à l’aise.

Qu’est-ce qui les a convaincus de faire ce documentaire avec vous ?

Tania : J’étais dans le pétrin, ils sentaient que ce projet me tenait à cœur, que j’y avais passé beaucoup de temps. On s’est eu au téléphone plusieurs fois, ils ont découvert mon travail… Et lorsqu’on a commencé à s’échanger des idées de scénario, on s’est découvert le même humour, des envies communes et surtout l’enthousiasme de faire découvrir chacun son métier.

Guillaume : Je rajoute juste que ce qui m’a vraiment rassuré c’est que Rémy dès le premier jour nous a parler de planning de tournage, de ce qu’il était possible de faire par rapport à ce qu’on voulait tourner et ils étaient vraiment content et intéressé de comprendre notre métier (tout comme nous le leur).

Comment s’est déroulé le séjour une fois sur place ?

Tania : Nous avons débarqué à Luleå, nous y avons passé quelques jours pour «prendre la température», s’acclimater, mettre au point notre organisation, avant de rejoindre Steph et Rémy plus à l’ouest. Le soleil se levait à 10h pour se coucher à 14h, forcément les journées de tournage se calait sur les heures d’ensoleillement, puis jusqu’à notre coucher : si nous étions en raid, nous filmions les discussions autour du feu, sinon, nous « dérushions » bien au chaud et organisions les journées suivantes.

Steph et Rémy tiennent une maison d’hôte, ça fait partie de l’activité, nous avions notre dortoir et étions comme chez nous ! Tout était organisé en fonction des scènes à tourner, des interviews à réaliser, nous savions quelle histoire nous voulions raconter. Parfois, nous prenions une journée pour profiter du soleil et ne faire que des images d’illustration : filmer les chiens en les suivant avec une motoneige, partir à la recherche d’un troupeau de rennes, faire un tour en raquettes pour avoir quelques images d’une rivière… Steph et Rémy se levaient souvent plus tôt pour nourrir les chiens, nous nous couchions souvent plus tard pour « dérusher ».

Guillaume : Oui.

Tania : Merci Guillaume…. (rires)

Pourriez-vous nous en dire plus sur le chien de traineau ?

Tania : Être musher, c’est d’abord quitter la société pour vivre une vie de marginal. Souvent loin de la famille, le musher doit savoir vivre en autonomie, être indépendant et fort psychologiquement. Car c’est une énorme responsabilité que de s’occuper d’une meute de chiens de traîneaux, certains ont de forts caractères, d’autres ont besoin d’être soutenus, mais tous sont très attachants. On ne décide pas de devenir musher ou d’arrêter le métier, comme on décide d’être informaticien…

Pour former un chien de traineau à devenir un leader, il faut environ 3 ans, dès qu’ils ont atteints leur taille adulte, ils sont entraînés à l’attelage. En Octobre, les chiens sont attelés à un quad pour commencer l’entraînement et tenir la saison d’hiver… Après, c’est les vacances, on joue à la balle, on pionce, on se balade, la belle vie au soleil !

Les mushers doivent d’abord être handler, Steph et Rémy ont appris comme ça, lors d’un PVT* (*Programme Vacances Travail, ndlr) au Canada ils ont assistés des mushers dans l’éducation de leur meute, et ont tout appris auprès de ces gens expérimentés : le nourrissage, l’éducation, l’entraînement, le caractère de chacun… Et puis il faut savoir se repérer dans la taïga, en France un diplôme de guide de montagne est nécessaire par exemple.

Guillaume : Dans les avantages d’être musher, je dirais que c’est de vivre en direct avec la nature, leur travail est en relation direct avec elle. L’inconvénient c’est qu’ils ne partent plus en vacances ensemble…

Pour ma part, l’apprentissage c’est passé sur place, je n’en avais jamais fait avant. Je suis plutôt sportif donc ça s’est bien passé, il faut juste être à l’écoute des chiens, ne pas hésiter à descendre du traineau pour les aider et surtout ne jamais lâcher le traineau !

Quels sont vos ressentis et impressions suite à cette expérience ?

Tania : Audiovisuellement déjà, ce fut notre premier gros projet, on a autant appris techniquement que sur l’organisation et nos lacunes, un grand pas en avant !

Humainement, le retour a été très dur. Couper son bois pour faire un feu en pleine nature un jour, et prendre le métro bondé le lendemain, la grande claque. Le voyage nous a réappris le sens des priorités, à prendre notre temps,

à communiquer, et à profiter pleinement du moment. Nous sommes partis là-bas pour tourner un documentaire, nous nous sommes faits des amis, des souvenirs, et sommes ressortis grandis !Mes plus beaux souvenirs sont les soirées autours du feu, à observer le ciel en quête d’aurores boréales et à refaire le monde : penser à nos rêves, comment les réaliser, apprendre que tout est possible auprès de Steph et Rémy…Le coup dur, ça aura été de repartir, et de voir dans le rétroviseur de la voiture la maison s’éloigner…

Guillaume : J’adore vivre dans la nature comme ça, mais dans le froid c’était une première ! Couper son bois pour survivre par -20°C c’était juste exceptionnel ! On a beaucoup appris de la philosophie de vivre de Steph et Rémy, on en est sortis grandi (non ce n’est pas vrai, je ne dis pas tout comme Tania…)

Mon coup de cœur, c’est cette nuit sous la tente par -20°C et mon coup dur, c’est cette nuit sous la tente par -20°C ! (rires) Je ne voulais pas me répéter avec le retour sur Paris qui a été horrible…

Avez-vous d’autres projets en tête ou en cours ?

Tania : Oui nous avons d’autres projets en cours, l’idée d’une série est née tout de suite après la réalisation du documentaire, ne reste qu’à trouver les prochains protagonistes…

D’après cette expérience, quels conseils donneriez-vous à un français qui souhaiterait partir faire du chien de traineau en Laponie ?

Tania : De bien choisir son musher, certains font ça pour l’argent et les touristes en ressorte avec un mauvais souvenir, et cela m’attriste car Steph et Rémy mettent vraiment en avant le côté «découvrez notre métier et notre passion», les chiens sont élevés au câlin, et la petite expérience nordique devient alors une grande aventure humano-canine. C’est sportif, car il faut descendre du traineau pour pousser quand la poudreuse est trop profonde, il faut gérer son équilibre et surtout canaliser les chiens lors de la mise à l’attelage, mais l’osmose qui découle de tout ça est absolument géniale. Alors vérifiez les

conditions de vie des chiens avant de vous lancer, histoire de tomber sur une «vraie» meute attachante et non pas des robots formatés pour le rendement… À bon entendeur 😉

Guillaume : Mon conseil, si vous voulez faire du chien de traineau et rencontrer des gens géniaux et passionnés : www.laponiemush.com. 🙂

Merci à tous les deux, nous vous souhaitons de la réussite dans vos prochains projets et attendons impatiemment la sortie officielle du DVD Boréalis prévu fin Octobre. A très bientôt !

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