Petite histoire pour bien commencer la journée.
Deux de mes Pestes de nièces ont attaché les mains de leur jeune sœur dans son dos, l’ont jetée sur un divan de salon et lui ont extrait, manu militari, une dent qui branlait…
L’autre version de l’histoire, c’est qu’elles ont attaché ses mains dans son dos et l’ont jetée sur le divan puis, de rage, elle a commencé à mordre et, mordant le divan, elle s’est arrachée une dent qui branlait.
D’une façon ou d’une autre, il y avait du sang partout… et les parents étaient à travailler au deuxième étage, c’est pour dire.
Leur père songe à les offrir en adoption, en Haïti.
Autre petite histoire.
Le Bizarre se décide, à ma grande honte, à faire de la planche à neige.
Je lui achète le requis au mieux de mon compte en banque.
Gère-Mène rencontre le professeur d’éducation physique de
Je me suis un peu fâché car je n’ai jamais porté de casque et pourtant j’ai déjà skié à un haut niveau. Mais que faire?
Donc, la semaine dernière, le Bizarre vient avec moi et, sur une pente, me dépasse. Son snowboard accroche une carre et le voilà t’y pas qu’il fait un pirouette dans les airs et retombe les deux coudes sous lui. Résultat : le souffle coupé et une ou deux côtes fêlées. Il a terminé sa soirée en planche malgré la douleur.
Il portait son casque mais pas celui qui protège les côtes !!!
Quant à la petite Peste, elle est gardien de but au hockey ( oui…) donc elle porte maintenant son casque intégral dans la maison en tout temps. Elle a d’autres dents qui branlent et elle se méfie!
Ça vous rappelle quelque chose, le principe de prévoyance?
C’est ce qui empêche les jeunes de se faire un fort de neige dans les cours d’école. C’est ce qui les empêche d’y jouer au hockey ou de se lancer des boules de neige.
C’est ce qui les empêche de glisser sur les buttes de neige qui poussent un peu partout.
C’est le principe qui est en train d’aseptiser la société!
Ne vous a-t-on pas suggéré fortement le port d’un casque dernièrement?
Ne devez-vous pas tenir compte des conventions à signer avant de vous engager sur le terrain d’un heureux propriétaire de falaise? De crainte qu’il soit poursuivi en justice?
Ne vous apprend-t-on pas la crainte de l’avocat et de l’appareil juridique dès l’achat de votre première pièce de matériel?
Et que dire de tous les règlements, notices, indications, interdictions, suggestions que vous voyez apparaître un peu partout sur votre chemin?
Je crois que nous sommes mal partis, nous, les grimpeurs…
Parce que nous sommes au bout de la chaîne alimentaire, tout simplement.
Nous sommes petits, sans visibilité, sans pouvoir réel, sans protection.
Et on a l’habitude de faire la révérence devant les autorités; devant les regroupements écologiques; devant les protecteurs des oiseaux, des mousses et des bactéries; devant les chasseurs qui ont le gros bout du bâton et le porte-monnaie qui va avec; devant les gardiens des biens culturels; devant les passéistes qui veulent les falaises d’avant Adam; devant les structures qui devraient nous représenter… et j’en oublie.
Bien sûr, c’est pas aussi pire que ça!
Ne grimpons-nous pas?
Mais les vieux de la vieille vous dirons que le milieu a bien changé depuis vingt ans. Et il va changer encore plus dans les prochaines années quand la majeure partie des pratiquants sera initiée en salle intérieure et que la plupart des sites devront être rééquipés pour cause de vétusté.
Je ne pense pas être un oiseau de mauvais augure mais on vit dans une société qui refuse de s’assumer. C’est toujours être la faute d’autrui…
Alors on tente de se blinder. On tente d’éviter le risque à tout prix.
On tombe dans un excès qui tue le plaisir et la responsabilité personnelle tout en ne servant ultimement à rien.
En ski, on se blesse beaucoup plus souvent aux jambes qu’à la tête. Or je n’ai pas encore vu de casque pour tibia. Et on peut signer toutes les conventions qu’on voudra : il y aura toujours l’accident bête et méchant ou, tout simplement, l’imbécillité crasse causée par l’irresponsabilité notoire. Celle que pas un casque ne va protéger parce qu’il n’y a rien à protéger en dessous.
Moi je n’ai pas à me plaindre : je grimpe où et quand je le veux.
Je skie sans casque et même sans tuque malgré le froid.
Je prends un minimum de précaution car la vie n’est pas un tombeau.
En sera-t-il de même pour mon fils? Dans une société de plus en plus policée, j’ai de sérieux doutes.
De toute façon, il peut se compter chanceux : il n’a pas de soeurs et il a toutes ses dents, lui!