La Chronique de JPB : Entrevue avec Mélanie Cannac, jeune grimpeuse se présentant à la FFME sous la bannière de la Liste Alternative

Mélanie Cannac, jeune grimpeuse et alpiniste fait partie de la liste Alternative FFME ‘Montagne et Escalade pour tous’. A 21 ans, cette millavoise incarne paraitement la fraîcheur et les nouvelles idées que la liste veut proposer si elle est élue fin mars aux prochaines élections au conseil d’administration de la FFME. Le chroniqueur québecois Jean-Pierre Banville est justement allé la questionner pour en savoir plus sur le programme et les 100 propositions de l’Alternative qui sont dévoilées au fur et à mesure. Vous pouvez aussi consulter le portrait de Mélanie sur le blog de la Liste.

– JPB : Comment vois-tu ton engagement dans la FFME si tu gagnes un poste à l’élection ?

– Mélanie : Mon engagement, je le vois comme une participation au renouvellement de la FFME.

Je ne souhaite pas avoir une approche ‘politicienne’, je suis et je reste avant tout une pratiquante des multiples activités de la fédération, autant Escalade en compétition qu’en falaise, mais aussi Alpinisme, Ski-Alpinisme et Randonnée. Cependant, je ne suis pas satisfaite des orientations données par l’actuelle équipe dirigeante. Or, pour ne pas agir à la marge mais faire réellement « bouger les lignes », quoi de mieux que d’être au « cœur du système »? Dans un 1er temps, j’aurai une attitude d’observatrice attentive et critique. Je ne suis pas omnisciente, il s’agira de bien prendre mes marques, de bien cerner les enjeux et de ne pas se précipiter.

– JPB : De toutes les propositions mises de l’avant par la ‘deuxième liste’, quelles sont les trois qui te tiennent le plus à cœur ?

– Mélanie : Le qualificatif de ‘deuxième liste’ sous-entend une hiérarchie entre les deux listes en compétition, je préfère donc parler de la ‘liste alternative’. Et je rappel que nous avons toutes nos chances de gagner ! Pourquoi alternative ? Car il faut changer certaines choses, proposer de nouvelles orientations.

En tant que citoyenne, une des choses qui m’a motivée pour m’impliquer dans cette élection, c’est que la gestion de la fédération est très opaque pour les simples licenciés. Je suis surprise de ne pas savoir ce qu’il se passe au Conseil d’Administration et dans les Commissions, de ne pas avoir de communication sur les choix qui ont été faits par la fédération, de même que les enjeux financiers qui y sont liés. Par exemple, combien a coûté l’organisation des Championnats du Monde à Bercy ? Certes il y a de la communication sur l’événement, mais seulement sur les résultats positifs des sportifs. Mon premier choix est donc notre proposition n°2 concernant la transparence : les comptes rendu des CA et des différentes commissions ou conseils seront en libre accès sur le site de la fédération.

En tant que jeune femme, je suis étonnée de la faible présence de femmes dans les équipes de compétition (notamment en ski-alpinisme) et parmi les équipes d’ouvreurs. C’est de plus en plus vrai quand on monte dans le niveau des compétitions. Parmi les 76 ouvreurs internationaux, il n’y a aucune femme ! On peut légitimement s’interroger sur le rôle de la fédération dans ce domaine. Je soutiens donc particulièrement notre proposition n°40 à propos de la parité homme-femme. En tant que pratiquante de l’escalade en falaise, j’ai été confrontée à la difficulté de gestion, d’accès, d’entretien, et d’autorisation de grimper sur des sites naturels. Par exemple, les Gorges du Tarn ont été déséquipées pendant un peu plus d’un an. C’est pourquoi mon troisième choix se porte sur l’évolution du plan national de développement des sites naturels d’escalade, qui est la proposition n°41.

– JPB : Est-ce que des fusions sont souhaitables avec d’autres fédérations au point de vue économique ?

– Mélanie : Notre propos c’est pour l’instant de travailler sur des rapprochements. En ce qui concerne les fusions éventuelles les enjeux se situent surtout en terme d’efficacité, de représentativité, de réponse aux attentes des pratiquants. D’un point de vue purement économique les rapprochements entre fédérations sont souhaitables ! D’ailleurs le rapport de la Cour des comptes de janvier va dans ce sens et la Ministre des Sports Valérie Fourneyron l’a approuvé. La France est le pays d’Europe qui compte le plus de fédérations sportives, elle compte 117 fédérations agréées alors que l’Allemagne n’en a que 60 et l’Italie ainsi que l’Espagne 64. Cependant, il faut bien garder à l’esprit qu’un rapprochement ne peut pas fonctionner sans un accord sur les idées, sur les enjeux ; et surtout sans une adhésion au projet, un engouement de la part des licenciés.

– JPB : Est-ce que des fusions sont souhaitables avec d’autres fédérations au point de vue culturel ? En effet, n’y-a-il pas un risque de perdre son âme en s’associant à la Randonnée ou au Ski ? D’être dilué dans la masse ?

– Mélanie : D’un point de vue culturel, il y a forcément des affinités avec d’autres fédérations. Je ne vois pas pourquoi une coopération renforcée ne serait pas envisageable. Il ne s’agira jamais de faire une « OPA » hostile sur une autre fédération mais, comme nous le proposons, de relancer un processus de rapprochement avec des coopérations bien concrètes telles que des formations et des rassemblements communs. Tout comme la diversité des pratiques représentées par la FFME en fait sa richesse, les fédérations de sport de montagne pourraient être « unies dans leur diversité » pour reprendre un slogan à la mode en Europe !

– JPB : Quel est selon toi l’avenir de l’escalade en milieu naturel ?

– Mélanie : Comme tu as pu t’en apercevoir, je suis particulièrement sensible à la problématique de l‘escalade en milieu naturel. L’avenir de cette pratique doit passer par davantage de concertation. J’ai constaté de nombreux problèmes dans ma région avec de nombreux sites interdits.

La FFME devrait déléguer aux comités départementaux et régionaux la gestion des sites et encourager leur maintenance et leur développement. D’autre part le rôle de la fédération au niveau national est d’être un facilitateur, de favoriser le dialogue entre les parties prenantes (propriétaires, associations, collectivités, comité départemental, utilisateurs des sites). C’est actuellement ce qui manque par exemple en Ariège, je regrette que les falaises n’y soient plus conventionnées, la FFME n’a pas bien assumé son rôle de rassembleur…

– JPB : La Fédération doit-elle mettre des efforts pour que la raquette et la spéléologie soient déclarées sports olympiques ? Attention : la raquette à neige a beaucoup plus d’histoire que l’escalade et des courses sérieuses existaient déjà il y a des siècles …

– Mélanie : Tu mélanges un peu tout, la spéléo n’a jamais fait partie de la FFME. Pour moi la spéléo n’aura jamais vocation à devenir un sport olympique, l’essence de la spéléo c’est l’exploration, je rejoins sur ce point ce qu’a pu exprimer Phil Bence dans son interview que j’ai pu lire sur Kairn. Dans notre programme nous affichons comme une priorité l’accès à l’olympisme pour l’Escalade et le Ski-Alpinisme.

– JPB : Est-ce qu’une fédération n’est que le porte-voix des Puissances en Place ou bien a-t-elle une autonomie propre ?

– Mélanie : La position des responsables fédéraux, comme a pu l’exprimer Olivier Obel dans l’interview qu’il a faite avec toi, est délicate, car la fédération reçoit une délégation de la part du ministère. Elle doit donc respecter certains engagements formulés dans la « convention d’objectifs » signée avec l’Etat. Cependant, cela reste un accord sur les grandes lignes, et laisse une grande latitude pour mettre en place nos propositions.

Et puis n’oublies pas que je suis originaire de Millau, entre le Larzac et la lutte antimondialisation, nous avons l’habitude des combats de résistance et de contestations face aux « Puissances en Place » !

– JPB : Si la ‘liste alternative’ entre en force, quelle sera son attitude face aux cadres et techniciens employés actuellement par la FFME ?

– Mélanie : Il n’y aura pas de ‘chasse aux sorcières’, nous ne sommes pas des révolutionnaires! Dans un premier temps il s’agira de mieux cerner les fonctions de chacun, leurs missions. De ce bilan pourront résulter des redéfinitions de poste en lien avec les nouvelles orientations que nous proposons.

– JPB : Coincée sur une île déserte, genre Lagon Bleu, avec quelle personne aimerais-tu être ?

– Mélanie : Aucune chance d’être coincée sur une île déserte, je suis plus souvent en montagne qu’en mer !

– JPB : Tu vas demander quoi le Noel prochain ? Si tu es élue … Un gilet en kevlar, peut-être ?

– Mélanie : Ça fait longtemps que je ne crois plus au père Noël. Si j’avais besoin de protections ce serait plutôt des coinceurs et des Friends !

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