Imaginez un mois de février où les pistes enneigées des Alpes ou des Pyrénées laissent place à des prairies jaunies. Ce qui semblait inimaginable il y a quelques décennies est désormais une réalité en 2024 pour plusieurs stations françaises. Mais cette absence de neige, bien plus qu’un désagrément touristique, préfigure un déséquilibre profond du cycle de l’eau, avec des conséquences directes sur les épisodes de sécheresse. Décryptage.
La neige, un manteau qui s’efface peu à peu
Le changement climatique impacte directement la quantité et la durée de l’enneigement. Selon les données du Centre d’études de la neige, l’épaisseur moyenne du manteau neigeux au Col de Porte, dans le massif de la Chartreuse, a diminué de 38 cm entre 1961 et 2020. Les massifs français perdent également en moyenne 20 kg de neige par mètre carré et par décennie.
Les Alpes du Sud et les Pyrénées sont les plus touchées, avec des pertes atteignant jusqu’à 20 % par décennie. En dessous de 2 000 mètres d’altitude, la situation est encore plus alarmante, avec une réduction pouvant atteindre 50 % d’ici 2050. Les prévisions de Météo-France indiquent qu’en basse montagne, la neige pourrait totalement disparaître certaines années.
Une fonte précoce qui perturbe le cycle de l’eau
Le rôle de la neige dans le cycle de l’eau est crucial. En hiver, elle agit comme un réservoir naturel, retenant les précipitations pour les libérer progressivement au printemps, période où la demande en eau est maximale. Ce mécanisme est essentiel pour des bassins versants comme ceux du Rhône ou de la Garonne.
Avec la hausse des températures, la fonte des neiges se produit désormais plusieurs semaines plus tôt. Une étude sur le Queyras prévoit une avance d’un mois du pic de fonte d’ici 2050, réduisant les écoulements printaniers de 20 à 30 %. Ce décalage provoque une pénurie d’eau durant les mois où elle est la plus nécessaire.
Une stabilité des précipitations… mais un problème de répartition
Fait surprenant, le volume total des précipitations dans les massifs reste stable. Cependant, la proportion de neige diminue au profit de la pluie, modifiant le rythme naturel des écoulements. Comme le souligne Simon Gascoin, hydrologue au CNRS, « le manteau neigeux retient les précipitations hivernales et les relâche quand on en a le plus besoin. Sans neige, cette régulation est compromise. »
Un impact sur l’écosystème et les ressources en eau
La disparition de la neige affecte aussi les écosystèmes montagnards. La végétation, favorisée par un verdissement des Alpes, absorbe davantage d’eau, accentuant le phénomène d’évapotranspiration. Une étude sur le bassin du Colorado a montré que cette absorption accrue réduit significativement la quantité d’eau disponible, un constat qui s’applique également aux Alpes françaises.
Par ailleurs, l’absence de neige altère la réflexion de la lumière solaire, favorisant l’absorption de chaleur et accélérant la fonte des neiges restantes. Ce cercle vicieux alimente le concept de sécheresse de neige, un phénomène de plus en plus fréquent.
Vers une gestion plus durable de l’eau
La diminution de la neige met en lumière l’urgence d’adapter nos pratiques de gestion de l’eau. Les sécheresses de neige ne sont pas seulement une menace pour les activités hivernales, mais également pour les ressources hydriques et les écosystèmes. Elles soulignent la nécessité de repenser nos modes de consommation et d’investir dans des solutions durables pour préserver ce précieux équilibre.
Face à cette réalité, il est crucial de sensibiliser et d’agir dès maintenant pour limiter l’impact des changements climatiques sur nos montagnes et leurs ressources vitales.