Non, dauphins et orques ne « remonteront » pas sur la terre ferme : une grande étude de macro-évolution montre un seuil irréversible une fois la vie entièrement aquatique adoptée. Le message scientifique est clair : certaines adaptations clés — morphologie, régime, physiologie — verrouillent ces mammifères dans l’océan, pour le meilleur… et parfois pour le pire.
De la terre à la mer : un voyage à sens unique
Il y a environ 50 millions d’années, des lignées de mammifères terrestres ont regagné la mer (origine des cétacés à l’Éocène), bien plus tard donc que les 250 millions d’années parfois avancés.¹
Des chercheurs (Univ. de Fribourg) ont comparé 5 600+ espèces et mis en évidence un point de non-retour entre formes semi-aquatiques et formes entièrement aquatiques : passé ce seuil, le « retour » à la terre devient virtuellement impossible, en cohérence avec la loi de Dollo.²
Le saviez-vous ?
La loi de Dollo ne dit pas que l’évolution « recule » jamais ; elle souligne surtout l’improbabilité de ré-évoluer à l’identique un caractère complexe perdu — ici, l’aptitude locomotrice terrestre.
Des corps façonnés par l’océan
Le succès marin s’est payé par une refonte du corps : augmentation de la masse (rétention de chaleur), adoption d’un régime carnivore (métabolisme élevé), membres antérieurs en palettes natatoires, propulsion caudale, voies aériennes réorganisées.³
Ces traits, optimisés pour la nage, la plongée et la chasse, ne sont pas de simples « options » ; ils forment un ensemble intégré difficile à inverser.
Le saviez-vous ?
Chez les ancêtres des cétacés, les narines ont migré vers le sommet du crâne (futur évent) — un classique de la transition terre-mer.

Quand la spécialisation devient une faiblesse
Être au sommet de la chaîne alimentaire marine a un prix. La spécialisation extrême rend ces espèces vulnérables aux changements rapides : réchauffement, acidification, prises accessoires, collisions…⁴
Au niveau mondial, plus d’un tiers des mammifères marins sont aujourd’hui considérés comme menacés, selon l’UICN.⁵
Un avenir lié à la santé des océans
Puisqu’ils ne peuvent plus « changer de niche » terrestre, le destin des dauphins et orques dépend directement de la qualité des écosystèmes marins : réduire les pressions humaines, protéger les habitats et atténuer le changement climatique seront déterminants pour ces prédateurs emblématiques.
Notes de bas de pages
- La grande évolution des cétacés (origine à l’Éocène, ~50 Ma) — Muséum national d’Histoire naturelle — https://www.mnhn.fr/fr/la-grande-evolution-des-cetaces-a-la-conquete-des-oceans
- Dollo meets Bergmann: morphological evolution in secondary aquatic mammals (seuil irréversible, >5 600 espèces) — Proceedings of the Royal Society B — https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2023.1099
- Histoire évolutive des cétacés (adaptations terre→mer) — MNHN (dossier grand public) — https://www.mnhn.fr/fr/cetaces
- Les cétacés, menaces (collisions, prises accessoires, climat) — WWF France — https://www.wwf.fr/especes-prioritaires/cetaces
- Appel à l’action (UICN France) : plus d’1/3 des mammifères marins menacés — UICN France (PDF) — https://uicn.fr/wp-content/uploads/2025/04/printemps_unoc_appelaction_vf_derniere_version.pdf