Montagne en Scène : la tournée est lancée !

En début de semaine passée, le public parisien était au rendez-vous pour le coup d’envoi de la tournée du festival du film outdoor itinérant Montagne En Scène. Dans la mythique salle du Grand Rex, les projections de films se sont enchainées sur deux soirées, avec le plein d’émotions, d’adrénaline, d’aventures, découvertes, exploits,… Un bon bol de dépaysement et de plein air sur grand écran orchestré par Manon Grimwood et Cyril Salomon, les deux organisateurs, qui se sont entourés d’invités de renom pour ce début de tournée dans la capitale.

Kairn était aussi présent et revient sur les projections. Nous avons aussi tendu le micro à Manon Grimwood, co-organisatrice de l’évènement.

Soirée 1

On rentre tout de suite dans le bain avec un film qui n’était pas au programme en guise d’apéro. En effet, on retient son souffle tout en voyant évoluer Alex Honnold en solo dans la grande-voie « El sendero luminoso » au Mexique. Sang-froid, maitrise, précision, aussi bien pour le grimpeur que pour le réalisateur, Cedar Wright pour arriver à capturer ces images sans déconcentrer Honnold et sans trembler. Premiers frissons dans la salle.

Le second film sera plus chaleureux, avec le mano à mano entre Chris Sharma et Adam Ondra pour conquérir la première de « La dura dura », 9b+ à Oliana. Un battle qui aura duré deux hivers, pour un film hybride entre les deux courts-métrages du Reel Rock Tour. Portraits des 2 stars, de leur styles et personnalités se mêlent avec découverte, essais dans la voie, le tout avec une pointe d’humour et des techniques de film inédites pour capturer au mieux l’action. On en a pour nos oreilles avec les rugissements de Chris qui répondent aux grognements d’Adam. Finalement, les deux réussiront, le tchèque quelques jours avant l’américain. Avec un nouveau standard de la haute-difficulté. Et Big Up Productions nous montre ici qu’ils peuvent enfin faire autre chose que du plein les yeux et du film d’action.

Nous prenons ensuite un peu de hauteur en compagnie de Jean-Baptiste Chandelier pour un film de voltige en parapente, « Dream of flight ». Paysages somptueux, que ce soit à Chamonix, au Galibier, au-dessus des villas et piscines de Santorin ou dans les dunes des déserts du Chili. De magnifiques images où maitrises techniques et plans originaux se succèdent, avec l’impression que l’homme se fond avec l’oiseau. Un « home made movie » où Jean-Baptiste Chandelier s’occupe de tout, que ce soit les manœuvres et cascades où il rase le sol, imagine les prises de vues et supervise le montage. Une belle œuvre de passionné et une belle vitrine de l’activité !

Vient le gros morceau de la soirée, « Cerro torre » (1h 36), le film retraçant la première ascension en libre de « la voie du Compresseur » au Cerro Torre par David Lama en compagnie de Peter Ortner en 2012, une entreprise semée d’embûches qui lui aura demandé pas moins de 3 séjours en Patagonie. Alors certes, le premier séjour est entaché de polémiques avec des points et des cordes fixes laissés en place dans la voie en pleine débâcle, la seconde n’est pas totalement aboutie car une partie a été gravie en artif et la troisième, finalement heureuse, aurait pu être compromise par le déséquipement rebelle d’une centaine de pitons par les grimpeurs américains juste avant l’assaut final. Filmée avec des gros moyens par le team Red Bull, les images qui alternent prises du haut par des cameramen alpinistes, go-pro et prises hélico rendent du tonnerre. Surement un des films d’alpinisme des plus aboutis et spectaculaires. Les prouesses de l’autrichien sont admirablement mises en valeur et on se rend bien compte du niveau extraordinaire du virtuose qui est vraiment dans son élément sur la paroi. Les mauvaises conditions météo forcent le prodige à gagner en humilité et en patience, lui qui pensait tout simplement transposer le plus simplement du monde ses qualités de grimpeur de compétition au caillou pour réussir sur le sommet. Poussé dans ses derniers retranchements, David a finalement réussi à exploiter au mieux d’un créneau propice pour réussir. C’est l’apprentissage du métier d’alpiniste qui rentre !

Soirée 2

La soirée débute avec le sourire de la très jeune mordue de grimpe Ashima Shiraishi. Depuis 3 ans, elle enchaîne les réalisations extrêmes et en bloc aux 4 coins du Monde. Un magnifique portrait de la gamine est dressé par Sender Films, où l’on se rend compte de son fort potentiel et de son médusant génie. Une aisance incroyable, un répertoire gestuel qui semble inné, une tenacité impresionnante. Mais ce jeune talent n’a pas éclos seul, et on se rend compte à travers ce documentaire que la complicité et le travail de son entraineur Obe Carrion sont aussi la clé de la précocité. En effet, ce jeune des banlieues, de par son histoire et sa détermination à s’en sortir semblent transmettre une forte énergie et semblent imprégner chaque coup d’éclat de la fillette. Une chose est sûre, c’est que l’histoire n’est pas finie.

Viennent ensuite les Pamalade (Para, Maynadier, Labbre et Détrie), qui malgré leur blagues et jeux de mots incessants et parfois graveleux, envoient vraiment du lourd. Rien que la marche d’approche du Gaurishankar, face vierge népalaise gravie cet automne laisse songeur. Dans la jungle et la gadoue sous la mousson, cela n’a pas l’air d’une partie de plaisir. Pour les porteurs aussi, qui ont failli faire demi-tour avant le camp de base. On se rend bien compte de l’effort et de l’abnégation qu’a dû fournir le team pour progresser vers le sommet d’étape en étapes dans ces 1900 mètres d’ascension. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont surnommé leur expé « voyage au bout de la peine ». Et jusqu’au bout, quand on voit l’engagement dans le dernier ressaut surplombant sous le sommet. En tout cas, ramener de telles images d’un sommet de plus de 7000 mètres est tout simplement unique.

Nous restons ensuite au Népal pour suivre les folles aventures d’une bande de kayakistes freeride qui ont décidé de descendre pas moins de 550 kms de rivière en partant à près de 6000 mètres d’altitude ! « Alone on the river », un carnet de bord de plus d’un mois où technicité de navigation est mêlée avec exploration. Canyon, siphons, rapides, galères, rationnement de bouffe, la partie n’a pas été simple. Chaque coup de pagaie est dosé et demande une attention de tout instant. L’isolement dans cet univers montagnard et sauvage est vraiment perceptible. Les images réalisées tout au long de la descente par Stéphane Pion sont néanmoins fort impressionnantes. On a pris un bon bouillon !

Le point d’orgue de cette soirée fut sans contest le film d’Evrard Wendenbaum sur l’expé « Chinajam » (1h 15) en compagnie des belges Hanssens, Villanueva et Favresse. Tourné avec humour, on sent que l’équipe dégage une certaine expérience et maturité, rodée aux expéditions et aux big walls. Cela parait presque facile à les voir évoluer ! Le réalisateur français Evrard Wendenbaum fait figure d’intrus dans cette bande de gais lurons puisqu’il les accompagne pour la première fois. On suit l’équipe au gré des conditions météo difficiles avec le choix de la face, puis tous les détails de l’ascension jusqu’au sommet de Kyzyl Asker (5800 mètres) qui n’aura pas été qu’une partie de plaisir. 1200 mètres de big wall avec des conditions enneigées à braver le froid, attendre les conditions propices à la grimpe en musique dans les portaledges, 3 campements dans la face,…. Stéphane Hanssens finira l’expé avec des gelures au pied qui auraient pu lui valoir à quelques détails près l’amputation. Mais le granite sculpté superbe de la face semblait en valoir la peine, avec des longueurs exceptionnelles et des difficultés pouvant avoisiner le 7c/8a, pour un big wall de caractère dans une zone reculée et des images vraiment dépaysantes qui n’ont pas été faciles à capturer. La soirée se finira avec un film bonus des belges sur le Groenland. La bande a amené leur capitaine de bateau, Bob Shepton, 79 ans, faire une course avec eux. Un hommage rendu à ce bonhomme sans qui leur précédente aventure « Vertical sailing » aurait été impossible, pour un moment de partage et de complicité hors normes.

Quelques questions à Manon Grimwood, co-organisatrice de Montagne En Scène

– Kairn : C’est la seconde année que vous lancez un tel évènement ?

– Manon : Oui, on a créé cet évènement il y a un peu plus d’un an, et c’est la 3ème édition. C’est un évènement qui est bi-annuel, avec une édition été dirigée vers les sports de montagne d’été, et une édition hivernale en novembre, d’avantage tournée vers les sports d’hiver : le ski, le snowboard, alpinisme hivernal. Ici c’est notre seconde édition « Summer » et entre temps, nous avons changé de nom de « La nuit de la montagne » à « Montagne en scène » depuis l’édition dernière.

– Kairn : Justement, qu’est-ce qui vous a fait changer de nom ?

– Manon : C’est lié à des petits problèmes de propriété intellectuelle. Il fallait que chacun prouve son identité sur ses thèmes là et du coup nous avons changé de nom pour ne pas qu’il y ai de confusion avec d’autres évènements qui pourraient s’appeler « La nuit de… » et qui était au Grand Rex. C’est un choix de changer de nom, de manière à ce que ce ne soit pas confus pour les spectateurs.

– Kairn : Là une tournée française est mise en place, c’est une première ?

– Manon : C’est plutôt une deuxième, car en novembre on a effectué une tournée dans 7 villes de France autre que Paris. Là nous avons 11 villes. On augmente au fur et à mesure et on essaie de faire profiter l’évènement au plus grand nombre de personnes possible. En novembre on a totalement occulté la partie Ouest de la France alors que là on a Nantes et Bordeaux, les nouveautés de cette année.

– Kairn : le concept Montagne en Scène ?

– Manon : Faire rêver les personnes de montagne et leur faire découvrir toutes les disciplines que l’on peut pratiquer en montagne. Mettre en avant l’amitié, un esprit cordial, un esprit de fratrie qui est assez fort.

– Kairn : Comment vous y prenez-vous pour sélectionner les films ?

– Manon : C’est une veille un peu permanente. On regarde un peu tout ce qui sort, sur Kairn notamment. On commence à avoir pas mal de contacts avec des réalisateurs, des athlètes, de marques qui nous proposent pas mal de films. Nous de notre côté on contacte aussi pas mal de gens et nous avons une veille sur un peu tout ce qui se passe pour pouvoir concoter notre sélection.

– Kairn : Là nous avons quelques premières et des films qui sont déjà sortis depuis quelques temps. Comment faites-vous ce mélange, est-ce que c’est voulu ou cela dépend de l’actualité ?

– Manon : Un peu des deux, on essaie d’avoir un vrai équilibre dans les films, en termes de nouveauté, en termes de sports présentés. Après c’est sûr que ce qui sort sur le moment, les films qui nous ont vraiment plu influent sur le choix. Ce ne sont pas forcément les dernières nouveautés, mais des coups de cœur. C’est un équilibre à trouver pour une programmation la plus sympa possible !

– Kairn : Quelles sont les difficultés à monter un projet comme cela en France ? Pas trop dur de bouger les mentalités en France où on a du mal à payer pour visionner des films de grimpe et de montagne. Quelle est votre accroche par rapport à cela ?

– Manon : Je ne sais pas si il y a une mentalité comme cela en France, je pense qu’on en était pas persuadé, on a dit « On va tenter ». A partir du moment où on explique aux gens qu’il faut que les athlètes soient payés et vivent de leur activité, les gens sont plutôt enclin à payer pour voir les films. Après notamment à Paris où il y a assez peu de choses qui sont gratuites, les gens ont vraiment l’habitude de payer pour faire des sorties et des soirées. Nous n’avons pas eu trop de mal à instituer le concept de payer, et finalement c’est un bon équilibre que les gens acceptent.

– Kairn : Quel est le message à faire passer pour faire venir les gens à Montagne en Scène ?

– Manon : Le vrai message, c’est que si vous avez envie d’évasion, de voir des aventures incroyables, des personnes mythiques en face de vous, c’est vraiment l’endroit où venir. C’est un peu toutes les émotions, à la fois de l’humour, de l’étonnement, de la peur, du stress, tout est combiné. Un très beau voyage dans plein de destinations différentes et le plein d’émotions.

A suivre bientôt sur Kairn, d’autres interviews d’athlètes et de réalisateurs en lien avec les projections de Montagne en Scène !

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