Krzysztof Wielicki
« La couronne de l’Himalaya – A la conquête
des quatorze 8000 »,
Éditions
Filigranowa
Par Rodolphe Popier
Remerciements :
Jean-Philippe Guigou
Photos : collection Wielicki
sauf exceptions mentionnées.
Disponible sur Amazon.
Si le nom de Krzysztof Wielicki ne vous dit encore rien, alors il est temps de vous procurer la dernière parution des Éditions Filigranowa ! Celle-ci consiste en la traduction de son ouvrage de 1997 relatant sa conquête du challenge des 14 8000m, ouvrage jusque là jamais retranscrit en français.
Entré dans la cour himalayenne en 1979, Krzysztof Wielicki mettra 16 ans à boucler son challenge, de 1980 à 1996. Si ses exploits égalent autant par leur conception ceux de Messner que par leur audace ceux de Kukuczka, lui est cependant parvenu à échapper au ballet médiatique de la compétition qui s’est acharnée sur les trois premiers lauréats
du challenge, car comme il l’affirme simplement en introduction : « Pour conclure la conquête de ces géants de la terre, je n’ai rivalisé avec personne et je n’ai pas suivi le chemin de ceux qui me précédaient. J’ai conquis la Couronne exclusivement pour moi-même, pour confirmer mes capacités, pour étancher ma soif d’émotions et ma volonté de m’imposer, avec le désir de retrouver ma liberté dans les choix de mes objectifs d’alpiniste ».
Sans doute est-ce cela qui aura entraîné sa moindre reconnaissance auprès du grand public ? La seule fois que son nom ait vraiment été médiatisé en France remonte à son accroc en 2004 avec Jean Christophe Lafaille, concernant la première hivernale contestée de ce dernier en face sud-ouest du Shishapangma (NDLR : contestée uniquement pour des raisons de calendrier).
Si dans ce livre l’auteur a fait le choix de ne pas développer ses ressentis et analyses personnels, reste pour l’amateur d’histoire himalayenne une passionnante recension de ses faits sur les 8000. L’auteur resitue d’abord pour chaque sommet sa topographie et l’historique de ses ascensions remarquables (jusqu’en 1996) avant de rendre compte de ses propres ascensions.
Et à l’issue de la lecture, son palmarès donne le tournis !
Spécialiste bien connu des premières hivernales sur les 8000 dans les années 80, souvent sous la direction du légendaire précurseur Andrej Zawada, on découvrira dans ce livre comment furent réalisées ces premières mythiques sur l’Everest, le Kangchenjunga et le Lhotse (NDLR : pour ce dernier, en solo et avec un corset métallique porté suite à un accident!), soit 3 premières hivernales des 5 grands sommets de 8000m, dont une en solo ! On en apprendra également sur ses tentatives non moins exceptionnelles sur le K2 l’hiver 1986-87 avec le même Zawada et sur le pilier ouest du Makalu en solo (jusqu’à 7300m) l’hiver 1990 (NDLR : la première hivernale du Makalu sera réalisée par Urubko et Moro en 2009) !
Grandes voies par Krzysztof Wielicki
A côté des ces ascensions mythiques, Krzysztof Wielicki a également répété des grandes voies techniques comme à la face Sud de l’Annapurna (voie Bonington), l’arête Nord du K2 (avec un bivouac délicat à 8300m à la descente), enchaînée juste après par la voie Kinshofer en solo au Nanga Parbat, ascension intégralement suivie depuis la vallée par les villageois ! Krzysztof Wielicki a également participé à un nombre copieux de tentatives sur certains des plus grands challenge des années 80 comme à la face Sud du Lhotse (avec 3 tentatives dont deux ont débouché sur l’arête sommitale, à 8200 et 8300m) ou au K2 en face Nord Ouest (voie terminée par la cordée Béghin Profit en 1991!) et en face Ouest (voie terminée par les russes en 2007!).
(NDLR : Il fera également partie de la « dream team » de Messner de 1989, notamment aux côtés d’un autre Christophe, Profit, qui l’introduira au Groupe de Haute Montagne en
2000)
Citons également ses ouvertures
Lors de la même expédition de l’éperon Sud Ouest du Cho Oyu puis d’une nouvelle voie en face Sud Ouest du Shishapangma en solo – ses compagnons l’avaient dissuadé de repartir de suite en solo tenter une ouverture en face sud du Cho Oyu ! Également l’ouverture épique d’une nouvelle voie en face Est du Daulaghiri (ou il ouvre cette fois à gauche de la voie McIntyre-Ghilini, sans toutefois parvenir au sommet mais en rejoignant l’arête sommitale à 7800m) ainsi que d’une nouvelle voie en face Sud Est du Manaslu.
Rappelons enfin sa rapidité remarquable, comme lorsqu’il précède Jerzy Kukuczka au sommet du Kangchenjunga lors de leur hivernale de 1986, ou encore lors de son Aller Retour en 22h10 du Broad Peak par la voie normale le 14 Juillet 1984, record que Benoit Chamoux égalera de peu deux ans plus tard en 23h (NDLR avant son record de vitesse au K2).
Après la réussite de sa « couronne impériale » et bien qu’ayant logiquement diminué son activité himalayenne, Krzysztof Wielicki a repris parfois du service ! Pionnier du grand himalayisme contemporain, on le verra notamment diriger en 2003 encore une nouvelle tentative hivernale, cette fois en face nord du K2 avec un certain Denis Urubko (voir photo ci dessous) ! La main passe…
Si on pourra regretter que l’auteur n’ait voulu davantage se livrer dans cet opus, reste un livre indispensable à caler dans sa bibliothèque de passionné d’histoire himalayenne, sa place pouvant logiquement se situer à côté du « De la mine aux sommets » de son mythique compagnon de cordée Jerzy Kukuczka !
Krzysztof
Wielicki, « La couronne de l’Himalaya – A la conquête des quatorze
8000 », aux Éditions Filigranowa.
Disponible sur Amazon