Le titre suffit à lui-même quand une certaine presse
régionale de salons toulousains découvre avec près de deux semaines de retard
une actualité malheureusement quasi quotidienne au fond des vallées
pyrénéennes. Une recherche de sensationnelle à une période de l’année où
l’information manque pour couvrir les colonnes d’un journal sans jamais
analyser le fond de la problématique de l’acceptation sociale d’une contrainte
imposée et du devenir des montagnes et des populations montagnardes
pyrénéennes.
Que veut-on faire de ces montagnes ? Un immense zoo
pour écolos en mal d’existence ou un lieu de vie et de travail de gens qui,
depuis des millénaires, occupent ces espaces et les entretiennent pour nous
offrir les paysages et la biodiversité que nous connaissons et tant appréciés
des touristes ? Est-ce à des associations externes des territoires
concernés venant de Paris, Marseille, Pau ou même d’Arbas qui n’a vu l’ours que
les jours de spectacle de lâchers, de décider de l’avenir des villages en
méprisant la représentativité des élus locaux ?
Pourquoi parle-ton toujours d’ours et d’opposition entre pro
et anti mais jamais de développement durable des vallées, de production de
qualité dans le cadre d’activités traditionnelles raisonnées et de l’exercice
d’une gouvernance démocratique par ceux qui vivent au quotidien dans ces
montagnes ? Pourquoi les éleveurs sont-ils toujours mis en accusation et,
à l’occasion, les chasseurs, sans jamais parler des forestiers, des randonneurs,
promeneurs et chercheurs de champignons qui se font agresser au détour d’un
chemin pour, parait-il, « ne pas déranger tel ou tel animal » ?
La réalité n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Il faut
venir la voir et la vivre sur le terrain. Il faut aussi s’abstenir de la colorer
d’approximations, amalgames et mensonges pour coller au politiquement correct
défini par quelques associations.
Exposé des faits
Vendredi 16 décembre au matin, P. B., un éleveur sans
histoire qui ne souhaite pas s’exprimer devant la presse, va rendre visite à
ses chevaux situés dans un enclos au fond de la vallée de l’Orle, à proximité
du parking de « La Pucelle ». Première surprise, l’enclos est ouvert et les
chevaux ont disparu. Dans l’immédiat, il pense à un petit conflit de voisinage
local. Mais, très vite, il constate la présence inhabituelle de pots de miel
dans lesquels il observe du verre pilé et… des pilules bleues. Pensant à une
vengeance personnelle et que quelqu’un en voulait à ses chevaux, il prévient
les gendarmes qui, eux, font une autre interprétation. Les chevaux ne mangent
pas de miel, même pour les empoisonner, et de toute manière l’enclos est ouvert
pour les faire partir. Au final, ce seront 37 pots qui seront découverts entre
le parking et la prairie avec un agrainage au maïs.
Qui a pu faire le
coup ?
Une analyse ADN des pots a été réalisée. Reste à confondre
cet éventuel ADN avec des suspects potentiels. Des éleveurs ? Pourquoi
pas ? Vu le niveau de colère et de désespoir dans lequel se trouve
certains d’entre eux, tout est possible. Quelques-uns vont jusqu’à dire qu’ils
n’ont « plus rien à perdre ». Pour d’autres à Sentein, « dès
qu’il y a un problème de travers, on désigne l’ASPAP. C’est toujours l’ASPAP et
ses membres qui sont suspects. Alors qu’on nous mette tous en examen, on
prendra un avocat et on verra ». Le ton monte ! Et de suite un
autre éleveur complète : « C’est peut-être que le début. Il va y
avoir des actions plus fortes. Le sous-Préfet ne fait rien. L’État sème et il
récoltera ce qu’il a semé ».
Michel Estrémé, exprime sa colère face à toutes ces
histoires autour de l’ours. « Je ne sais pas qui a fait ça. Ces pots
étaient trop en vue. Ça ne sert à rien. Pour moi c’est de la provocation mais
je ne sais pas qui. C’est trop flagrant pour que ce soit un éleveur. Sur un
parking, dans le près à côté et sur le bord d’un chemin pour que ça se voit. Un
éleveur aurait été plus subtile ». Et il poursuit : « Ici,
dans la vallée, je ne crois même pas que quelqu’un soit capable de faire ça»
Et les vigiles ?
« Je n’en ai jamais vu. Personne n’en a parlé. Ça
aussi ça devait être de la provocation » nous dit Michel.
Ainsi donc il y aurait des patrouilleurs, selon FERUS qui rendent compte à un
vigile. Des patrouilleurs très discrets qui n’ont rien vu ou qui n’existe pas.
A moins que…. Non, non, nous n’accusons personne.
Nous nageons en eau trouble. Néanmoins, du côté du Parquet
de Foix, l’enquête se poursuit.
Pour le Procureur de la République, Olivier Caracotch : « Il ressemble plus
à une provocation qu’à une véritable volonté de nuire. Les pièges ont été
déposés dans un endroit public, où on savait qu’ils seraient découverts. Ils
auraient été nettement plus efficaces, et dangereux, s’ils avaient été
dissimulés. Cet acte ressemble à un coup de pied dans la fourmilière ». Mais il précise au sujet du mode opératoire
que celui-ci ‘laisse à penser qu’il s’agissait de montrer l’opposition
à l’ours, d’un acte de provocation, plus qu’un acte destiné à porter atteinte à
l’espèce’. A-t-il pensé à la provocation écologiste, ce qui ne serait
guère nouveau ?
Par contre des enquêteurs ont pensé aux chasseurs. Mais ça ne colle pas avec le
rendu du jugement du Tribunal Administratif qui s’est fait après la découverte
des pots de miel. Donc, qui ???
Et où étaient les vigiles de FERUS et de l’ADET ?
Les bergers ont un savoir-faire.
Un savoir-faire de plusieurs siècles qui est capable de
ressortir d’un moment à l’autre. « Dans
les Asturies, ils l’utilisent couramment contre les ours et les loups. Ils
n’ont pas d’autres solutions pour protéger leurs petits troupeaux ».
Et encore : « Les anciens
l’employaient. Ils n’avaient les produits chez les commerçants. De toute
manière c’est interdit » nous dit un vieil éleveur. « On a
tout dans la nature, on la connaît, pas eux ».
Il est bien sûr question de poison. Pas besoin de miel d’autant
qu’à cette époque, normalement et officiellement, les ours sont entrés en
hivernation. On nous aurait encore menti ?
La colère est profonde….
« Il y en marre
des écolos, des ours et des gardes qui passent leur temps à nous provoquer.
Avec un sous-Préfet qui se promène et ne fait rien » (Cf. visite sur
une estive au-dessus de Seix). De son côté Michel Estrémé nous fait part du « désarroi des éleveurs ». Et
il se reprend. « C’est comme dans
une guerre. Soit on se rend ou alors il faut que les élus fassent quelque chose ».
Pour cet homme d’ordinaire calme, nous sentons qu’il est au bout du rouleau.
Le discours de Rémi Denjan, coprésident de l’ASPAP n’est
guère différent. Au sujet des pots de miel : « L’ASPAP n’a pas à juger cet acte. Ce n’est pas le fait de
l’association ». Et il poursuit : « Ni encourager, ni condamner. Vu la situation les gens se
réveillent dans le Couserans. La situation se durcie ». C’est clair.
Éventuellement l’ASPAP pourrait bien soutenir des actes isolés de désespoir.
Et il précise : « Cet acte,
d’où qu’il vienne, démontre bien qu’il n’y a pas d’acceptation sociale de la
présence de l’ours dans ce territoire. Les éleveurs hésitent à retourner en
estive. Certains resteront en bas l’été prochain. Ils ont déjà pris leurs
dispositions. Si la situation n’évolue pas, ce genre de choses risque de se
reproduire mais avec une autre proportion et avec d’autres moyens».
Philippe Lacube, que nous avons joint sur son exploitation
aux Cabanes, loin du Couserans, nous dit tout ignorer sur l’origine de ces pots
de miel. Pour lui, il s’agit d’un acte ‘symbolique de la non
acceptation de l’ours dans les Pyrénées ». Et il précise :
‘Je ne sais pas qui est derrière ça. Ce que je peux dire c’est qu’on est
dans un processus de confiscation du territoire, on en fait un territoire
réservé à l’ours, pas à l’homme, et les gens réagissent. Ils vont commencer à
se révolter’. Loin l’un de l’autre,
il tient le même discours que Jean Lassalle face au Parc National. Sans se
concerter, c’est bien le même constat qui est fait d’un bout à l’autre des
Pyrénées.
L’avertissement est clair pour les pouvoirs publics.
D’autant que sur le versant Haute-Garonne et Val d’Aran la détermination est la
même que lors de la manifestation de Lès en 2008 après l’agression d’un ours
sur un chasseur.
Et de rappeler les provocations écologistes, voir même des
services de l’Etat, de ces derniers temps :
ñ Demande
de lâcher de 17 ours versant français sur l’Ariège, la Haute-Garonne et les
Pyrénées-Atlantiques. Très probablement, au milieu, les Hautes-Pyrénées
bénéficieront des dommages collatéraux.
ñ Conférences
d’Altaïr le plus souvent avec très peu de personnes (7 à Argelès-Gazost dont 2
observatrices de l’ASPP 65)
ñ Préparation
de lâcher de 2 ourses en Navarre et Aragon (Espagne)
ñ Dossier
qualifié de « mensonger » pour la demande de lâcher de 17 ours
ñ Agressivité
physique lors de certaines réunions
ñ Attaques
informatiques
ñ Mise
en place de vigiles et patrouilleurs
ñ Existence
de caméra de surveillance sans aucune autorisation administrative et de manière
totalement illégale avec la bénédiction des Préfets
ñ Des
constats de dégâts faits n’importe comment par des personnels pas toujours
compétents
ñ Des
commissions d’indemnisation aux décisions à géométrie variable
ñ Absence
de rapport suite à l’enquête publique de février 2011
ñ Les
doutes du Procureur de la République exprimés auprès de la presse
ñ Etc…
La liste est encore longue avec de nombreux éléments qui
participent à la colère que certaines associations départementales de la chaîne
opposées aux introductions admettent difficile à contenir.
Un silence écologiste
surprenant
Alors que d’habitude les associations de protection de la
nature ont tendance à se répandre et s’offusquer de tels actes, depuis le 16
décembre que les pots de miel ont été découverts et qu’ils en ont connaissance
au même titre que les autres acteurs locaux, ils n’ont fait aucune
communication. Mieux encore. Le forum de l’ADET a disparu. Plus de dialogue, au
moins public, avec la base. Le système se ferme sur lui-même. Pourquoi ?
Depuis mercredi, toutes ces associations, que nous savons
toujours actives, sont aux abonnés absents. Auraient-elles quelque chose à se
reprocher ? Quels secrets cachent-elles ? Silence radio depuis le 9
décembre du côté d’Arbas
Chez FERUS, même silence sur ce sujet qui semble ne pas exister pour
eux alors que d’habitude ils sont les premiers à réagir. Mieux encore, ils
parviennent à publier des documents officiels avant le Ministère de l’Écologie.
Très fort !
Au FIEP
on savoure encore le fiasco du fromage Pe Descaous chez… un seul éleveur. Et
on se réjouit de voir arriver un ours en Navarre avec l’aide surprenante du
FAPAS dans les Asturies.
Ce type de silence n’augure rien de bon. Et si ces pots étaient une de leur
provocation ? Ou du moins la provocation d’un des leurs ?
L’interrogation peut exister. Voir ci-dessous « Rétrospective
et petite histoire de perturbation, miel et verre pilé »
A notre connaissance, il ne faut pas s’attendre à des
communiqués de l’ASPAP ou de l’ADDIP qui ne se sentent pas concernés par ces
pots de miel. Néanmoins, le niveau de colère est tel que nous pouvons imaginer
une explosion de colère qui pourrait venir de l’Ariège mais aussi du Béarn par
ailleurs mobilisé contre la Charte du Parc National des Pyrénées.
Les prochaines campagnes électorales avec l’alliance de la gauche et d’Europe
Écologie pourraient bien s’annoncer mouvementées.
Ils restent sur leurs
positions
Que ce soit en Haute-Garonne ou dans le Val d’Aran, les
positionnements restent les mêmes, même si actuellement personne ne fait de
bruit. Pour rappel nous proposons les interviews que nous avions réalisées à
l’issue de la manifestation de Lès, dans le Val d’Aran, le 6 décembre
2008. Des délégations de toutes les
Pyrénées, de France et d’Espagne, étaient venues signer le manifeste contre la
présence de l’ours et pour des Pyrénées vivantes avec ses habitants, ses
activités humaines traditionnelles comme l’élevage et un développement durable
avec le tourisme.
ñ Paco
Boya syndic du Val d’Aran à l’époque de la manifestation et député de Catalogne
ñ Témoignage
d’un chasseur du Val d’Aran
ñ Carlos
Baréra (ancien syndic du Val d’Aran au moment de la manifestation et à nouveau
Syndic actuellement), Marti Orriols (syndicat des éleveurs) et Francis Ader
(Chambres d’agriculture des Pyrénées)
Rétrospective et petite
histoire de perturbation, miel et verre pilé
Les « anti-ours » ont toujours été accusés de
violences et de perturbations à l’ordre public. L’image d’Arbas relooké au sang
de porcs a laissé des traces dans les esprits et chez les médias d’autant que
10 éleveurs prélevés au hasard (des photos le prouvent) ont été condamnés
probablement pour l’exemple. Néanmoins, sans ces actions remarquables et
remarquées, les éleveurs et leurs problèmes seraient passés à la trappe de
l’oubli. Et pourtant, il faut se rappeler quelques vérités….
Il y a eu un précédent au miel et au verre pilé, toujours
dans les esprits des éleveurs pyrénéens.
Le 28 avril 2006, Franska, une ourse slovène, est lâchée au Chiroulet au fond
de la vallée de Lespone dans les Hautes-Pyrénées, vers 10 h du matin,
pratiquement au milieu de randonneurs sur le chemin du lac Bleu ignorant ce qui
venait de se passer.
Le 1er mai 2006, au même endroit, comme par hasard, un
militant écologiste pro-ours (il s’est présenté à une conférence de presse
quelques jours plus tard en qualité de « Cap Ours ») découvre 12 pots
de miel avec du verre pilé et la mention
‘attention poison anti-ours’. Il ne sera fait aucune analyse de
ces pots de miel. Le Préfet des Hautes-Pyrénées et l’Association pour la protection des animaux
sauvages (Aspas) déposent plainte auprès du tribunal de grande instance de
Tarbes. Nous n’entendrons plus jamais parler de cette plainte alors que des bruits
ont couru que le « découvreur », bien connu dans la région pour ses
méthodes, était également l’auteur.
-
Plainte
du préfet contre les anti-ours (4 mai 2006) -
Du
‘poison anti-ours’ retrouvé dans les Pyrénées (4 mai 2006) -
Des
pots de miel piégés pour accueillir les ours (5 mai 2006) -
La
guerre des ours (5 mai 2006)
13 mai 2006, une manifestation
contre les introductions d’ours est organisée à Bagnères de Bigorre. Elle réunit
7000 participants selon les organisateurs. Alors que des troupeaux de brebis se
rendent à la manifestation, du verre pilé est découvert sur la route. Des
slogans pro-ours sont peints sur les murs le long du parcours de la
manifestation y compris sur celui de la gendarmerie. Il est assez peu probable
qu’il s’agisse d’actions « anti-ours ».
Dans toutes ces affaires il n’y aura aucune poursuite. A
priori, officiellement, il ne s’est rien passé. Pourquoi ?
En tout cas, la suspicion à l’égard d’une personne existe toujours d’autant
qu’elle poursuit ses provocations y compris jusqu’en vallée d’Ossau cet été.
Pourquoi pas aussi dans le Couserans ?