Au cœur de cette alerte figure l’anomalie de l’Atlantique Sud – une vaste zone où le champ magnétique terrestre faiblit considérablement¹. Située au-dessus de l’Amérique du Sud et de l’océan Atlantique Sud, elle intrigue autant qu’elle inquiète, car elle agit comme un point faible dans notre bouclier naturel².
Cette zone d’affaiblissement trouve son explication dans le géodynamo, phénomène au sein du noyau externe terrestre où le fer et le nickel en fusion produisent notre champ magnétique. Mais cette génération n’est pas uniforme : deux régulateurs majeurs viennent en perturber l’équilibre. D’abord, le décalage entre les axes magnétique et de rotation de la Terre. Ensuite, la présence, à environ 2 900 km sous l’Afrique, d’une gigantesque structure dense – connue sous le nom d’African Large Low Shear Velocity Province – qui agit comme un frelon dans l’œuf, déformant les flux magnétiques.
Le saviez-vous ? Les « superpanaches » ou provinces à faible vitesse de cisaillement (LLSVP) ont été mises en évidence dès les premières tomographies sismiques des années 1990, révélant deux énormes structures sous l’Afrique et le Pacifique³.
Une menace pour les technologies spatiales
À première vue, l’anomalie de l’Atlantique Sud n’est qu’une curiosité scientifique. Mais ce creux magnétique a un effet concret : il permet à des particules solaires hautement énergétiques de pénétrer plus près de la Terre, provoquant des SEU (single event upsets) qui peuvent corrompre des données, entraîner des pannes temporaires, voire endommager durablement les équipements. Les opérateurs de satellites adaptent leurs protocoles – extinction des systèmes non essentiels, redémarrages planifiés… – pour limiter les risques. Même la Station spatiale internationale (ISS), cruciale pour plus de 15 orbites quotidiennes, doit composer avec ces perturbations.
Une anomalie en pleine mutation
Contrairement à une tache statique sur une carte, l’anomalie évolue constamment :
- 1970–2020 : l’intensité minimale du champ magnétique dans la région est passée d’environ 24 000 nanoteslas à 22 000 nanoteslas⁴.
- Vitesse de dérive : le centre principal se déplace vers l’ouest à un rythme d’environ 20 km par an⁵.
- Depuis 2020 : un second minimum d’intensité est apparu au sud-ouest de l’Afrique, scindant l’anomalie en deux cellules.
Anticiper l’invisible
Face à ces défis, les scientifiques conjuguent données satellitaires (Swarm, SAMPEX) et modèles de dynamique du noyau terrestre. Résultat : des cartes géomagnétiques régulièrement mises à jour, notamment grâce à l’International Geomagnetic Reference Field, dont les solutions quinquennales guident la protection de l’arsenal spatial et affinent notre compréhension des profondeurs terrestres.
Petit rappel rassurant : les retournements complets des pôles magnétiques surviennent sur des centaines de milliers d’années ; le dernier, le Brunhes-Matuyama, remonte à environ 780 000 ans.
Constat et perspectives
En résumé, l’anomalie de l’Atlantique Sud n’est pas un simple phénomène géophysique : son expansion, son déplacement et sa scission en cellules distinctes ont des conséquences directes pour nos satellites et complexifient les prévisions géomagnétiques. Pour l’avenir, cela nous incite à renforcer la résilience de nos engins en orbite et à poursuivre l’exploration du noyau terrestre, cette frontière invisible qui façonne pourtant notre quotidien.
Notes et références :
- Anomalie magnétique de l’Atlantique Sud — Wikipédia. https://fr.wikipedia.org/wiki/Anomalie_magn%C3%A9tique_de_l%27Atlantique_sud
- L’EnerGeek, « La NASA garde un œil sur l’anomalie magnétique de l’Atlantique sud ». https://lenergeek.com/2025/04/02/la-nasa-garde-un-oeil-sur-lanomalie-magnetique-de-latlantique-sud/
- Superpanache — Wikipédia. https://fr.wikipedia.org/wiki/Superpanache
- CNES, « Résultats | Projets Swarm ». https://cnes.fr/projets/swarm/resultats