Longtemps dominé par les États-Unis, le marché des semi-conducteurs voit un renversement de situation spectaculaire ces dernières années, avec la Chine qui remonte rapidement la pente, notamment grâce à des géants comme Huawei et Xiaomi. Cette avancée rapide, pourtant alimentée par des sanctions sévères, souligne une stratégie de long terme qui transforme progressivement le paysage technologique mondial.
L’embargo qui a déclenché l’offensive
Depuis 2019, les sanctions américaines contre les grandes entreprises chinoises de technologie, comme Huawei, ont été un véritable choc pour l’industrie. Interdisant à Huawei d’accéder à des composants essentiels produits par des géants comme Qualcomm ou Intel, Washington espérait ainsi ralentir l’ascension technologique de Pékin, notamment dans le domaine des semi-conducteurs, jugé stratégique pour l’avenir¹.
Cependant, loin de paralyser la Chine, cet embargo a eu l’effet inverse : il a accéléré les efforts de Pékin pour devenir autonome dans la fabrication de puces électroniques. En réponse, le gouvernement chinois a investi des milliards de yuans dans des initiatives de recherche, la formation d’experts, et surtout la création d’une chaîne de production locale, bien que les puces produites en Chine soient encore techniquement moins avancées que celles fabriquées à Taïwan ou en Corée du Sud².
Le saviez-vous ? En 2020, malgré les sanctions, Huawei a continué de développer des semi-conducteurs grâce à des partenariats avec des entreprises chinoises comme SMIC et a même réussi à produire des modèles de puces avancées sur son sol. Cela a permis à Huawei de sortir le Mate 60 Pro avec un processeur Kirin 9000S, illustrant un retournement stratégique majeur dans l’industrie technologique chinoise.
Huawei et Xiaomi : les têtes de pont de la stratégie chinoise
Le retour triomphal de Huawei, avec son processeur Kirin 9000S intégré au téléphone Mate 60 Pro, a fait l’effet d’une bombe, particulièrement à Washington. Ce système sur puce, fabriqué dans les usines SMIC, prouve que la Chine est désormais capable de produire des puces avancées sur son propre sol, malgré les restrictions commerciales³.
Non seulement Huawei a réussi ce pari, mais Xiaomi a également suivi le mouvement, en développant ses propres semi-conducteurs, notamment pour ses appareils photo et la gestion de l’énergie dans ses téléphones. Même si ces puces ne rivalisent pas encore totalement avec celles de Qualcomm ou Apple, elles marquent un tournant stratégique important : la Chine se dégage enfin de sa dépendance aux technologies étrangères.
Une approche nationale et ouverte
Cette transition vers l’indépendance en matière de semi-conducteurs repose sur une stratégie multifacettes. D’abord, la création de centres de recherche, mais aussi le financement de fondeurs locaux comme SMIC et le soutien à des fabricants de machines de gravure. Le gouvernement chinois a même encouragé des techniques de rétro-ingénierie, visant à copier, puis à améliorer les technologies existantes. Il s’agit d’une approche pragmatique où l’innovation ne se fait pas uniquement par la création, mais aussi par l’amélioration de ce qui existe.
En parallèle, la Chine commence à adopter de nouvelles architectures comme RISC-V, qui est plus ouverte et moins soumise aux contrôles occidentaux que les architectures dominantes comme ARM ou x86. Ces choix permettent à la Chine de réduire sa dépendance aux modèles traditionnels et d’intégrer des standards plus adaptés à ses besoins nationaux⁴.
Une inquiétude grandissante côté américain
Cette avancée chinoise ne passe pas inaperçue aux États-Unis, où des rapports commencent à évoquer la possibilité que, d’ici une dizaine d’années, la Chine soit capable de produire des puces haut de gamme sans avoir recours à l’importation de technologies étrangères. Une telle évolution bouleverserait profondément l’équilibre technologique mondial, avec des implications non seulement pour l’industrie, mais aussi pour la géopolitique mondiale.
Les États-Unis, qui ont longtemps dominé le secteur des semi-conducteurs, commencent à sentir la pression. Huawei et Xiaomi, avec leurs succès respectifs, sont désormais les figures de proue d’une stratégie nationale de reconquête technologique. Cette situation marque un tournant dans la guerre technologique entre les deux superpuissances⁵.
Conclusion : une stratégie payante malgré les embargos
Bien que la Chine n’ait pas encore remporté la guerre des semi-conducteurs, elle prouve qu’un embargo, loin de l’arrêter, peut devenir un véritable moteur d’innovation. Huawei et Xiaomi, en prenant les devants dans cette course à l’indépendance, changent les règles du jeu et obligent les autres puissances technologiques à repenser leurs stratégies. Le défi est loin d’être terminé, mais une chose est claire : la Chine est désormais prête à affronter les géants occidentaux sur le terrain des semi-conducteurs.
Notes de bas de page
- « Huawei, ou comment survivre aux sanctions américaines ». https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/03/29/huawei-ou-comment-survivre-aux-sanctions-americaines_6119634_3234.html
- « Semi-conducteurs: la Chine investit plus de 40 milliards d’euros pour renforcer son autonomie ». https://www.lefigaro.fr/flash-eco/semi-conducteurs-la-chine-investit-plus-de-40-milliards-d-euros-pour-renforcer-son-autonomie-20240527
- « Huawei de retour sur le marché des SoC avec le Kirin 9000S ! ». https://hardwareand.co/actualites/breves/huawei-de-retour-sur-le-marche-des-soc-avec-le-kirin-9000s
- « Sécurité et nouvelle architecture Risc-V ». https://ptcc.fr/evenements/securite-et-nouvelle-architecture-risk-v/
- « Nouvelles technologies et enjeux géopolitiques ». https://www.rfi.fr/fr/emission/20180901-nouvelles-technologies-enjeux-geopolitiques-chine-monde-puissances-robots