En pleine nuit, lors d’un atelier improvisé à Pékin, j’ai discuté avec un ingénieur de SMIC autour d’une tasse de thé : son enthousiasme pour la nouvelle génération de puces chinoises témoignait de la métamorphose d’un géant technologique autrefois dépendant de fournisseurs étrangers.
Le saviez-vous ? En 2020, la Chine représentait 53,7 % du marché mondial des semiconducteurs en valeur¹.
Un embargo à l’effet catalyseur
En 2019, les sanctions américaines ont interdit à Huawei l’accès aux processeurs avancés et modems², déclenchant un vaste plan de soutien public (« Made in China 2025 », lancé en 2015) et des financements privés pour renforcer la recherche et la production locale. Depuis, la Chine a multiplié les usines de gravure, avec SMIC parmi les cinq premiers « pure-play foundries » mondiaux (5,3 % de part de marché au Q2 2021)³.
Huawei et Xiaomi : en pointe dans la course
Huawei a dévoilé le Kirin 9000s, un processeur 7 nm produit par SMIC, intégré au Mate 60 Pro lancé en août 2023⁴. Cette prouesse a montré qu’un design de haut niveau pouvait exister sans gravure à l’étranger.
Xiaomi, de son côté, a développé le Surge C1 dès février 2018, une puce dédiée à l’optimisation énergétique et à la capture d’image⁵, confirmant sa volonté de réduire sa dépendance technologique.
Une stratégie nationale pour l’indépendance technologique
Pékin a complété son écosystème par la création d’instituts de recherche, le soutien massif à SMIC et l’adoption de standards ouverts comme RISC-V⁶. Cette synergie public-privé fait de la Chine un terreau propice à l’éclosion d’architectures de puces indépendantes.
L’inquiétude grandissante côté américain
À Washington, la Semiconductor Industry Association alerte sur l’érosion possible du leadership américain : certains spécialistes estiment que la Chine pourrait, d’ici dix ans, produire ses propres puces haut de gamme sans partenaires étrangers. Face à cette compétition, les États-Unis envisagent de nouveaux soutiens à leurs fabricants et discutent déjà d’un renforcement des contrôles à l’export.
Conclusion : un duel pour la suprématie technologique
Huawei et Xiaomi ont transformé un coup dur en opportunité historique, démontrant qu’un écosystème domestique fort, soutenu par une stratégie cohérente, rivalise avec les meilleurs. Mais la bataille ne fait que commencer : entre la volonté chinoise d’indépendance et la détermination américaine à conserver son avance, le monde des puces électroniques s’engage dans un duel où se jouent souveraineté économique et sécurité globale.
Notes de bas de page
- Semiconductor industry in China – Wikipédia, 2024 (Chine : 53,7 % du marché mondial en 2020) https://fr.wikipedia.org/wiki/Industrie_des_semi-conducteurs_en_Chine
- China’s chip drive following US sanctions – Financial Times, 12 octobre 2019 (impact des sanctions) https://www.ft.com/content/327414d2-fe13-438e-9767-333cdb94c7e1
- Semiconductor Manufacturing International Corporation – Wikipédia, Q2 2021 (5,3 % de part de marché) https://fr.wikipedia.org/wiki/Semiconductor_Manufacturing_International_Corporation
- Teardown of Huawei’s new phone shows China’s chip breakthrough – Reuters, 4 septembre 2023 (Kirin 9000s 7 nm par SMIC) https://www.reuters.com/technology/teardown-huaweis-new-phone-shows-chinas-chip-breakthrough-2023-09-04/
- Xiaomi Surge – Wikipédia, 2018 (Surge C1 : puce maison dédiée photo et autonomie) https://en.wikipedia.org/wiki/Xiaomi_Surge
- China’s Quest for Semiconductor Self-Sufficiency – CETAS Turing Center, 2024 (rapport sur l’indépendance) https://cetas.turing.ac.uk/publications/chinas-quest-semiconductor-self-sufficiency