Nous avons visionné le dernier film du cinéaste américain Chuck Fryberger,qui collabore pour l’occasion avec Kyle Berkompas. Le film sorti il y a quelques jours propose 4 portraits de grimpeurs pro organisés en chapitres. Outre les parties assez classiques dédiées aux spécialistes du bloc américains Woods, Webb et Puccio, deux parties ont retiré notre attention, avec des focus sur les européens Dmitry Sharafutdinov et Alex Megos, deux mutants peu souvent mis en avant dans les films de grimpe.
La patte « Fryberger » est bien présente dans ce nouvel opus. On apprécie particulièrement l’art des ralentis, les zooms sur préhensions, les plans rapprochés, la gestion du grand angle et la musique électro hypnotique. Une savante alchimie et un cocktail qui rend bien, donnant cette fibre « action » au film, dans ce qui se fait de mieux dans le genre. Mais outre les portraits de grimpeurs à la personnalité différente, il est question aussi de partage et de complicité. Où l’on se rend compte qu’à haut-niveau, l’émulation est particulièrement importante pour se dépasser : Daniel Woods joue dans les blocs avec Jimmy Webb, Alex Puccio avec Nina Williams, Alex Megos grimpe en falaise avec Felix Neumärker. Et chaque compagnon de grimpe semble permettre à l’autre de se surpasser.
La partie sur Daniels Woods est notamment l’occasion de mettre en valeur le spot de Bishop en Californie à travers la réalisation d’impressionnants high balls et de capturer sa réalisation de nuit de « Lucid dreaming » 8C, le bloc de Paul Robinson. Le temps de se poser la question de l’apparition des cotations blocs US en V avec John Sherman que nous sommes repartis à Yekaterinburg en Russie, à la découverte du flegmatique russe Sharafutdinov, résolument tourné vers l’indoor et développant une culture de la gagne et une capacité d’entraînement hors du commun. Son mental, sa concentration et son sang-froid sont remarquables. Imperturbable, Dmitry est au plus haut niveau en compétition depuis des années, s’étant construit tout seul. Un ovni en 2014. Place ensuite à Alex Puccio, décrite comme « la plus puissante des grimpeuses de bloc actuelles ». On connaît le palmarès d’Alex sur le circuit des compétitions internationales, et on la suit ici dans les spots de suisses puis au Colorado, une parfaite illustration de sa détermination à grimper des blocs extrêmes et la mise en évidence de son niveau exceptionnel en milieu naturel. Après une avalanche de 8A+ bloc, sont présentées les réalisations de ses premiers 8B. Et on sait que l’histoire ne s’est pas arrêtée là, puisque depuis l’américaine est la seule à avoir réussi 2 8B+ bloc cette fin d’été !
Le dernier chapitre présentant le grimpeur allemand Alex Megos est la partie la plus originale du film. On y présente ce jeune talent venu d’Erlangen, premier à avoir réalisé du 9a à vue, qui arpente le Frankenjura dans la quête de son Graal : ouvrir ou réaliser la voie la plus dure des lieux. Outre le clin d’œil historique à Kurt Albert et Wolfgang Güllich, les paysages et ambiances dans le berceau du « Rotpunkt » sont admirablement mis en valeur et révèlent tout le charme des lieux. Alex présente son « Modified » (9a+) à Holzgauer Wand à Ramon Julian, marche dans « Action directe » ou dans « Janus »… Le 9a «Franken » qui ne déroule pas, sur monos et autres mauvais trous les pieds à plat ne semble pas un problème pour lui. Chaque voie, présentée comme potentiellement la plus dure de la contrée est finalement enchainée en quelques essais avec au final, presque de la déception : ce n’est que 9a… Mention spéciale pour la dernière voie présentée, le très rési et engagé « To tu jeste Nebylo » (9a, 15 mètres) sur les tours de grès tchèques de Labske, une voie superbe dont Alex réalise la première répétition après Adam Ondra.
Bref, « Exposure volume 2 » est très plaisant à regarder. Sans avoir un scénario particulièrement établi, cet enchainement de portraits de vedettes propose un beau rendu de ce qui fait leur force, leur motivation et leur singularité. Comme à son habitude, Chuck Fryberger nous présente des images de grimpe spectaculaires et magnifiques. Un beau film d’action pour égayer les premières et longues soirées hivernales !