L’objet de ce numéro thématique de la revue Journal of Alpine Research | Revue de Géographie Alpine est d’aborder la montagne sous l’angle de la conflictualité, plus particulièrement dans la relation entre conflit et territoire.
Le conflit est envisagé ici dans un sens large, d’opposition et de lutte, armée ou non, qui couvre les aspects politiques, mais aussi les aspects militaires, sociaux et culturels, recoupant les notions de résistances ou de réactions, dans leur capacité à générer de l’innovation.
Le contexte montagnard invite à examiner les dimensions territoriales du conflit : que produit cette situation aux échelles locales ? Et en quoi fait-elle intervenir des spécificités morphologiques, des valeurs ou des identités montagnardes ?
Cette territorialité se pose – entre autres – en regard de la situation frontalière de certains massifs, qui conduit à faire d’ axes de circulation des sites stratégiques. Dans l’histoire et dans une perspective militaire, ils ont représenté des lieux de conquête et/ou de défense de territoire. Dans une perspective contemporaine et aménagiste, via tunnels et infrastructures ferroviaires par exemple, ils peuvent constituer des objets de domination et de déterritorialisation. Lieux et objets de conflits peuvent donc constituer des objets heuristiques pour analyser le rapport entre territoires et réseaux, que ce soit du point de vue des échelles (territoire local vs réseaux internationaux), des identités (le passage comme identité territoriale), ou du développement (ancrage territorial vs une attractivité et des activités fondées sur le flux).
Au travers du territoire, nous souhaitons également envisager les dimensions du conflit sur la longue durée. Cela invite à la pluridisciplinarité au travers d’une approche qui peut combiner la dimension événementielle et des processus déclinés sur le long terme : patrimonialisation des conflits historiques, mémoire et identité, temporalités, mutations. On pourra également prendre en considération l’impact direct ou indirect sur le milieu naturel, par des effets de modification ou de destruction.
Cette perspective conduit à contextualiser le conflit, à en scruter les conséquences immédiates, et à examiner les éventuelles rémanences d’une situation historique sur une autre. Quels objets conflictuels actuels, quelle mémoire et quelle mobilisation ou réinvention de la mémoire de conflits passés en regard des problèmes actuels ?
La relation au territoire, au delà de la mémoire, est aussi celle de l’innovation, des opportunités de changement et des visions du futur. Si les mobilisations identitaires dans les conflits sont des sujets bien traités, on connaît moins les effets de cette situation en termes de projet territorial : quelles conséquences dans la représentation du groupe, dans l’engagement politique, dans les modèles de développement ? Le conflit conduit à une confrontation entre le local et l’englobant, entre des éléments endogènes et exogènes. Est-il blocage et enfermement dans une posture réactive, voire réactionnaire, ou offre-t-il une ouverture et des opportunités nouvelles ?
Nous proposons donc de le saisir comme le levier d’une bifurcation territoriale : au travers d’une situation particulière et momentanée, le territoire montagnard est amené à mobiliser une trajectoire historique. Il est confronté à un récit sur le milieu naturel, son instrumentalisation, et ses valeurs. Il se trouve également dans une position d’interscalarité et d’interspatialité. Quelle territorialité en est issue ?
Dans ce contexte, le Journal of Alpine Research | Revue de Géographie Alpine propose un appel à articles sur le thème Montagne et conflictualité. Le conflit facteur d’adaptations et d’innovations territoriales. Le numéro souhaite donner une large place aux propositions émanant de l’ensemble des sciences des sociétés. Ces propositions pourront couvrir les différentes périodes historiques ou se référer à l’actualité, et porter tant sur les Alpes que sur d’autres massifs montagneux de la planète.