Interview : James Pearson revient sur sa réalisation de Rhapsody, E11

La semaine passée, James Pearson a signé la 4ème ascension d’une des voies en trad les plus difficiles de Grande-Bretagne, ‘Rhapsody’, E11 à Dumbarton Rock (Ecosse). Retour avec l’intéressé sur cette belle réalisation grâce à la complicité de Caroline Ciavaldini pour la traduction. Les photos qui illustrent proviennent d’Hot Aches Productions.

– Kairn : Bravo James pour cette réalisation qui semblait te tenir à coeur ! Décris-nous les sensations que tu as ressenti lors de l’essai victorieux ?

– James : Dans la voie, j’étais vide, juste concentré. Apres, un énorme soulagement. Je n’avais jamais ressenti ça avant.

– Kairn : Après l’avoir défriché et Echoué il y a quelques années tu n’avais pas envie d’y retourner et c’est Caroline qui t’a convaincu de t’y réatteler. Explique-nous !

– James : C’est un peu plus compliqué que ça. J’étais allé dans la voie quand j’avais 22ans. J’étais très fort en bloc, mais je n’avais pas d’endurance. J’ai fait les mouvements immédiatement, mais j’ai aussitôt décrété publiquement (quelle erreur) que « Rhapsody » ne valait pas E11. Je pense que sans me l’avouer, j’étais conscient de mes limites, je savais que je ne pourrai pas enchainer facilement la voie. J’étais jeune, et dénigrer « Rhapsody » sans l’avoir fait a été une belle erreur. Je l’ai payé cher, je me suis fait descendre par la communauté anglaise. Alors y revenir, et l’enchainer, c’est un peu effacer mes erreurs de jeunesse… C’est pour ça que Caro voulait que j’y retourne. Pas pour la voie, mais pour m’apprendre à regarder ma jeunesse avec compassion.

– Kairn : Tu sembles t’être préparé spécifiquement pour cette voie, raconte-nous ?

– James : Complètement. C’est la première fois que je m’investis autant dans un projet. Assez bizarrement, j’y ai seulement mis une semaine cet automne. Mais j’étais allé faire un tour dedans en mai, pour retenir les mouvements afin de m’entrainer spécifiquement. J’ai créé un circuit assez similaire sur le pan que Caro et moi avons maintenant à la maison. Un peu avant de partir, j’ai enchainé mon circuit… bon signe !

– Kairn : Peux-tu revenir brièvement sur une description de la voie. Ses difficultés, le crux, la chute potentielle et ses risques ? Quel stopper est utilisé pour le point sous le crux ?

– James : A vrai dire, je ne pense pas que « Rhapsody » soit très dangereuse. Ok, toute la section dure est protégée seulement par des coinceurs à 8 mètres du sommet, et ce sont des petits nuts. Mais bon, ils tiennent, je me suis pris 20m de plomb sans soucis d’ailleurs. C’est impressionnant, mais si tu sais poser tes coinceurs, ce n’est pas dangereux. Juste dur.

– Kairn : A voir les vidéos de certains autres ascensionnistes, les protections étaient posées, déjà en place. Est-ce trop dangereux de placer ses protections depuis le bas lors de chaque tentative dans des ascensions extrêmes comme « Rhapsody » ?

– James : En fait, Dave (McLeod) posait toutes ses projections avant de désescalader 15 mètres jusqu’en bas, Sonnie a fini par faire la voie en posant les coinceurs. Steve avait les protections préposées. Pour ma part, j’ai tenu à poser mes protections pendant ma grimpe. c’est plus fatigant, mais c’est l’esprit du trad tel que je le conçois. Après, chacun fait ses choix.

– Kairn : Est-ce la voie la plus dure que tu as réalisé en trad ? Si tu peux comparer avec d’autres standards que tu as réalisé comme par exemple « Walk of life » ?

– James : Allez, avouons-le, « The walk of life » a été décoté, et pas qu’un peu. Ça aussi, c’était une grosse erreur de jeunesse. Je dirai que les autres voies les plus dures que j’ai fait sont : « The Groove » (E10), et « Equilibrium » (E10). Récemment j’ai aussi réussi « Muy caliente » (E10) sans la travailler en moulinette, je suis parti du bas. C’est dur à expliquer, mai c’est une très grosse différence en Trad… Et il y a quelques jours, j’ai flashé « Something’s burning ». C’est le 1er E9 flash de l’histoire. Il y a des voies qui m’ont pris plus de temps que « Rhapsody », mais plutôt parce qu’elles tapaient dans mes points faibles. « Rhapsody » est très dure, mais safe. Dans « Equilibrium », on n’a pas le droit de tomber… dur à comparer non ? Moi je comparerais plutot « Rhapsody » à « Escalatamasters », un 9a que j’ai fait, et où je sautais pas mal de paires… (bon tout est relatif hein, il n’empêche qu’il y a une grosse différence entre un spit et un micro nut… Pas pour James, mais pour le reste du monde, oui. Note de Caroline)

– Kairn : Vos projets du moment ?

– James : SPOT ! Allez jeter un œil, il s’agit de tendre la main à d’autres grimpeurs… Pas si dur, et Caro et moi on s’est dit qu’il était temps de faire un petit truc pour la communauté grimpeuse… Alors voici SPOT, allez voir !

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