La Charte du Parc National des Pyrénées : une nouvelle carte des montagnes et des vallées se dessinent… en réduction

Si le Conseil d’Administration du Parc National des Pyrénées a adopté la Charte à l’unanimité des élus, nous pouvons nous interroger sur la représentativité de ce collège d’élus au regard des résultats des votes des conseils municipaux.

Dans un communiqué adressé hier aux membres du Conseil d’Administration du Parc que nous avons pu nous procurer, le Président André Berdou estime que : «Les résultats, sous réserve d’une validation par le contrôle de légalité, sont très bons ». Il précise : « Près des trois quarts des communes se sont prononcées favorablement. Ces approbations crédibilisent la charte de territoire ».

Quels sont les résultats ?

Selon André Berdou, « 51 communes sur 56 ont adhéré dans les Hautes-Pyrénées soit 91% ; 12 communes sur 30 ont délibéré favorablement dans les Pyrénées-Atlantiques soit 40%. Les résultats sont très serrés dans plusieurs communes ». Nous sommes loin de l’unanimité du Conseil d’Administration.

André Berdou explique que cette différence entre Béarn et Bigorre « perdure depuis la création du Parc national ». Ce qui confirme que le Parc National a été imposé en même temps que sa zone périphérique devenue le temps de l’élaboration de la Charte « zone potentielle d’adhésion ».Aujourd’hui, les communes ont le droit de se prononcer démocratiquement et les compteurs sont remis à zéro. Mais le Président du Parc précise : « Elle découle, sans doute, de la longue campagne de mensonges, orchestrée depuis plus de trois ans par les opposants au parc national. Elle a reçu un écho favorable en Béarn. Mais elle n’a pas eu le moindre effet en Bigorre ». Serait-ce un déni de démocratie ? Le président et le directeur ont fait des réunions dans chaque vallée, chaque canton, ont-ils vraiment convaincu ? C’est peut-être la vraie question. Le Béarn n’a pas été majoritairement convaincu mais est-ce si différent en Bigorre ? Les élus que nous avons pu interroger et qui ont voté en faveur de la charte ne l’on pas tous fait par conviction mais le plus souvent par intérêt que nous qualifierons de « supposés » et… « Ponctuels ».

Des intérêts « supposés » et une gouvernance à reconsidérer

Selon le message d’André Berdou aux élus du Conseil d’Administration du Parc, les communes qui ont refusé l’adhésion se privent « de l’image du Parc national »… « Des aides spécifiques » notamment pour les agriculteurs, elles empêchent « les socioprofessionnels travaillant sur le territoire administratif de la commune de pouvoir bénéficier de la « marque Parc national » », s’exclu « de la dynamique de territoire, de l’ingénierie et du conseil gratuit apporté par le Parc national ».

Voilà des affirmations qui posent questions. Les communes qui auraient fait un choix différent, seront-elles punies comme des mauvais élèves à l’école ? Les aides ne sont-elles pas les mêmes pour toutes les collectivités locales de France ? Existe-t-il une discrimination ? Le Parc National se réduit-il à une image et une marque commerciale ? A des aides ? Toyal, le restaurant ou le plombier de la vallée, sont-ils intéressés par la « marque Parc National » ? Et par des aides ? Qu’apporte-t-elle ? Est-ce précisé dans la Charte ?…. Beaucoup d’interrogations malgré un fascicule sur les avantages d’une adhésion. Mais peut-être que des communes ne croient plus aux promesses. D’autres en ont sans doute un peu marre de la police des gardes qui se renforce régulièrement. Et puis « doit-on aliéner sa liberté pour des aides » ? Les aides sont-elles durables ? « Nos territoires ne sont pas à vendre » diront les opposants.

L’ingénierie et le Conseil…. ?? En Béarn, l’IPHB le fait depuis 1994. N’est-ce pas aussi le rôle des chambres consulaires notamment la chambre d’agriculture ? Pourquoi déposséder ces structures de leurs prérogatives bien plus anciennes que le Parc National ?

Même si la liste des 36 actions du plan quadriennal 2013-2016 paraissent intéressantes, n’y a-t-il pas eu un défaut de communication, les réunions appartenant bien souvent au passé ? La population et l’ensemble des élus ont-ils eu les moyens de s’approprier cette charte ? Les élus et la population ne sont-ils pas déçus de promesses rarement tenues ? N’y a-t-il pas eu l’expression d’un ras le bal des contraintes et des réprimandes permanentes et intempestives liées au caractère ou à l’humeur de gardes ? Ou pire encore, certaines vallées ne se sentent-elles pas déposséder d’un bien que leur sont transmis de génération en génération ? Et dans ce cas, n’est-ce pas la loi 2006 et ses décrets qu’il faut modifier pour ouvrir les Parcs Nationaux à une meilleure démocratie, une gouvernance qui vient de la base et non d’un Ministère obscure, et assurer une meilleure information publique ? Est-il normal que le public puisse assister à un Conseil municipal, communautaire ou une assemblée du Conseil Général alors que le Conseil d’Administration des Parcs se fait à huit clos ?

Autant de questions actuellement sans réponse pour ne citer que les plus usuels qui font que les territoires se sentent totalement dépendant d’une administration qui se présente comme toute puissante en exerçant parfois une sorte de pression pour ne pas dire de chantage.

63 communes sur 86

Le constat est que 23 communes sur 86 n’ont pas adhéré à la charte et se trouve de ce fait retirées de la zone d’influence du Parc National. C’est peu en quantité mais quelle est la proportion de territoire concernée ? En Béarn, ce sont 80% du territoire qui n’adhère pas et la« solidarité écologique » mises à mal. La carte nous montre une absence de cohérence dans la continuité d’une commune à l’autre.

Sur les Hautes-Pyrénées, cette « solidarité » manque de lisibilité du côté de la vallée d’Aure tandis que la vallée de l’Adour (Bagnères et Campan) apparait incongrue dans un ensemble brisé par le refus d’Aragnouet.

Globalement, le Parc National pourrait bien être affaibli si on pense à la situation ubuesque dans laquelle se trouvent certaines vallées avec des maisons du parc dans des communes « hostiles » comme c’est le cas à Laruns. Ou encore, qu’adviendra-t-il des communes qui ont adhérée mais qui ne se situe pas dans un rapport de « continuité » écologique ? Nous retrouvons la même situation dans d’autres parcs. Ce sera peut-être l’occasion de revoir la loi de 2006 qualifiée de « scélérat » par certains fonctionnaires du ministère de l’intérieur inquiets de la suite qui sera donnée à de telles situations

Et chez les opposants ?

La réflexion qui revient le plus couramment c’est qu’une fois de plus « le Parc National a largement divisé la population…. Bravo pour l’harmonie locale du PNP ». Pour beaucoup, le Parc National a été incapable en plus de 40 ans d’existence, de créer un lien entre tous. « Pourquoi voudriez-vous qu’il réussisse avec une charte ». Pour d’autres, « les chartes, on connait, on en a déjà une (1), ça nous suffit »

Pour Robert Casadebaig, maire de Laruns, la principale commune ayant rejeté la charte, « c’est un virage historique ». « Nous ne vendrons pas notre liberté pour quelques subsides… Que diraient nos aïeux qui ont acquis chèrement cette liberté ? » Et de nous raconter l’histoire de cette bolivienne, un verre de Jurançon à la main, trempant ses doigts dedans pour en offrir quelque goûtes à la terre « la terre de nos ancêtres, je la remercie ». Pour le maire de Laruns, ce geste est « l’expression de l’attachement à la terre », une terre dont il faut conserver la maitrise. « Le vote du Conseil Municipal de Laruns est un vote responsable…. Le respect de nos aïeux ». Pour lui, laisser le Parc National s’ingérer dans les affaires de la communes correspond à « une spoliation » et de rappeler qu’il y a déjà la zone cœur sur laquelle le maire n’a pratiquement plus de pouvoir.

Pour les uns, le parc national est un espoir. Pour les autres, une spoliation du territoire, un abandon à une administration qui dispose de tous les droits. Mais au-delà des différences d’idées et de conception locales, il s’agit d’un enjeu bien plus vaste lié à une idéologie planétaire qui se joue à petite dose d’un point à l’autre jusqu’à les réunir comme le projet franco-italien actuellement en cours sur lequel nous reviendrions. Dans ce cas, les communes adhérentes pourraient bien, à moyen terme, payer le prix fort alors que le Béarn sera libre de mener le combat pour sa liberté et sans doute aussi celle des autres.

Louis Dollo

(1) Il s’agit de la charte de l’IPHB pour laquelle l’état s’est désengagé sans tenir ses engagements au seul motif que les membres se sont exprimés démocratiquement contre l’introduction d’ours.

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