Grimper, voler et mourir: a-t-on encore le droit de prendre des risques?

En mai 2015 aux Etats-Unis, la mort de Dean Potter, célèbre grimpeur californien et adepte de BASE jump (1), a fait la une de nombreux journaux et déclenché un début de polémique. Le New York Times a ainsi relayé ce débat si récurrent entre prise de risque mesurée et inconscience, voire suicide programmé pour certains. Ainsi, la chronique de Timothy Egan ‘To Fly and Die’ a fait réagir la communauté de l’Outdoor et plusieurs éditorialistes ont pris la défense de Dean Potter pour expliquer sa philosophie de vie et son engagement aux limites du possible.

Bohème et talentueux, Dean Potter était un touche-à-tout qui pratiquait les sports les plus extrêmes, comme l’escalade en solitaire, le saut en parachute en wingsuit (2) et la highline. Véritable funambule du vide, il est et restera probablement une source d’inspiration pour de nombreux jeunes Américains en quête de dépassement de soi et de retour vers une nature sauvage. Ce moment vécu intensément dans l’escalade en solitaire ou lors de la pratique du BASE jump constitue un instant d’éternité qui mobilise toutes les ressources intérieures. Les exploits de Dean Potter avaient conduit le National Geographic à le désigner comme aventurier de l’année en 2009 pour son exploit à l’Eiger en Suisse lorsqu’il avait grimpé en solitaire (free soloing) une voie d’escalade difficile avec un parachute sur le dos qu’il pouvait utiliser en cas de chute, ce qui fut le cas. Les images sur YouTube sont impressionnantes.

L’immense paradoxe de cette reconnaissance médiatique a été de sortir Dean Potter du face-à-face qu’il entretenait avec lui-même, dans cette intimité propice à la réalisation équilibrée de soi. D’un coup, poussé dans la lumière, il devait continuer d’incarner cette prise de risque sans filet. Une forme de surenchère peut-être pour une prise de risque qui effraie, mais qui fascine aussi. Dean Potter était un explorateur de l’âme humaine, de ses propres limites émotionnelles, de ses peurs, de ses rêves et de son altérité. Il expliquait son jeu avec le vide comme une quête spirituelle, un chemin intérieur vers la pleine conscience. Son rêve était de se poser sur Terre après un saut en ‘Wingsuit’, sans ouvrir son parachute, freiné par la simple portance de sa combinaison.

L’histoire de l’alpinisme a connu de nombreux exemples de ces héros du vide, de ces conquérants de l’inutile en quête perpétuelle des limites du risque, celui que l’on dompte par l’intelligence, la préparation, la maîtrise technique et émotionnelle, et la volonté aussi. Il est parfois difficile d’expliquer le sens de l’alpinisme, si l’on ne vient pas sur ce terrain du voyage intérieur. Aucun alpiniste n’est suicidaire. Chaque alpiniste essaie de maîtriser son risque, le bon risque, qui permet de franchir les difficultés et de grandir, à distinguer toujours du mauvais risque, qui conduit à l’accident et, parfois, à la mort. La montagne permet ce jeu avec les forces de la nature, avec le hasard, ce jeu qui nous révèle à nous-même, sans fard, et permet de vivre des instants intenses, avec le goût de la vie au bout des doigts. C’est cette force créatrice qui a poussé Dean Potter à aller au plus loin de ses capacités au péril de sa vie.

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