Interview : Paul Bonhomme après son projet  »Run through the borders »

Après son projet ‘Run through the Borders’ dans le Queyras, Kairn.com est allé posé quelques questions à Paul Bonhomme


au ravitaillement au col d’izoard jeudi

Comment t’est venue cette idée ?

L’idée m’est venue par des créneaux multiples en réalité :

– Ayant habité en face du Queyras pendant longtemps, j’avais déjà pas mal regardé l’idée d’un tour par les arêtes en hivernale …

– J’ai eu la chance de croiser la route de 2 personnes employées par des ONG durant l’été 2015 (Boris Martin et Agnès Varraine-Leca). Elles sont devenues des amis et nous avons pas mal discuté à propos de l’engagement, des possibilités d’actions, etc … de mon côté, j’ai évoqué avec eux ma profonde conviction que les valeurs de la montagne pouvaient, devaient servir la société et qu’à mon humble niveau, je me faisais un point d’honneur de me servir de ce que me donnait la montagne afin de le partager du mieux possible (cf mes chroniques dans KAIRN.com ou sur mon blog : http://www.uppl.fr)

– Depuis l’été 2014 j’avais repris la course en montagne que j’avais délaissé pendant plusieurs années.

– Une discussion avec ma femme suite au tapage médiatique à propos des réfugiés a fini de me décider d’essayer quelque chose avec ce que je savais faire le mieux : aller en montagne !

vue sur la font sancte depuis la tête du Longet … j’y serais 7h00 plus tard ;-)))

– Comment récolte t-on des fonds en faisant ce genre d’action et Pourquoi la croix rouge ?

Un rapide coup de fil à Boris m’a guidé dans mes choix pour aller plutôt vers une organisation saine et à « large spectre » : la Croix Rouge. En effet, je souhaitais lever des fonds mais pas sur une problématique unique : les réfugiés. Même si de mon côté j’avais déjà contribué au soutien direct d’amis au Népal suite au tremblement de terre, je voulais une organisation qui agisse également là-bas. Enfin, je ne voulais pas être exclusif, il existe des personnes ayant besoin de la Croix Rouge tous les jours, au coin de la rue … J’ai donc chercher à rentrer en contact avec l’organisation et c’est en cherchant ce qui existait déjà comme levées de fonds que je suis tombé sur le site hébergeur Alvarum. Après quelques recherches rapides j’ai vu qu’ils ne prenaient aucune commissions sur les dons et que tout semblait très sain, du coup j’ai créé ma page dans la foulée : http://www.alvarum.com/paulbonhomme

Le principe était simple : trouver un projet suffisamment ‘dingue et improbable » (mais qui me plaisait), communiquer dessus et ainsi créer de l’intérêt à « miser » sur sa réussite en donnant à la Croix Rouge > du style : « T’es dingue mais on te suit pour voir !!! » et ça a marché : aujourd’hui on en est à plus de 5300 euros de dons ! C’est énorme !!!

au ravitaillement au col girardin

– Qu’est ce qui a été le plus difficile dans ce projet ?

Pas mal de difficultés en fait :

– La première c’était l’année dernière : je devais partir début octobre 2015 mais en montant mon ravitaillement à Nino Soardi, j’ai dû me rendre à l’évidence que ça n’allait pas être jouable : j’enfonçais jusqu’aux genoux dans la neige en baskets ! Du coup il a fallu attendre, se ré-entrainer, garder la caisse tout l’hiver sans se blesser (merci à la femme de mon osthéo au passage qui, alors que je l’emmenais en cascade m’a permis de « comprendre » une blessure récurrente du tendon fascia-lata 😉

– Ensuite, outre l’entrainement (800 kms depuis fin avril, pas loin de 80000 mètres de dénivelé) sur le terrain, ça a été vraiment une autre histoire :

> d’abord le manque d’informations : le Queyras c’est pas Chamonix, et les arêtes du Queyras, c’est pas du beau granit bien dur alors il n’y a pas grand monde qui y monte là haut … du coup dans pas mal de coin, j’ai dû y aller à l’instinct. Quand tu cumules ça avec le fait que sans le vouloir, j’avais pris une semaine sans lune, je peux te dire que 2 heures après mon départ de Guillestre, je faisais pas le malin en baskets dans le 3+ sur la crête de Catinat, au milieu des mouflons et des boucs qui me sifflaient sur la frontale ! Ce manque d’infos m’a aussi valu de porter pas mal de matériel que je n’ai pas eu à utiliser au final : corde, baudrier, chaussons …(mais qui aurait pu me sauver la mise si mon instinct m’avait jouer des tours … du coup pas de regrets ;-)))

> l’enchainement des sections tout au long de la journée aussi, un truc très propre à l’alpinisme : hors sentier / sentier / terrain à chamois / escalade …sauf que là, faut s’en coller pour 74 bornes et 6800 de dénivelé dès le premier jour ! En fait, tu es toujours en train de changer de rythme, et pour le corps et le coeur, c’est pas quelque chose qui s’improvise … j’étais content de m’être entrainé à ça spécifiquement.

> enfin, une évidence dès les premières heures : je n’allais pas faire ce que j’avais prévu, mais pas du tout ! Et il allait falloir que je m’adapte en permanence : au terrain (parce que sans infos, on peut difficilement anticiper), au timing (tenir les délais pour les potes qui m’attendaient aux différents ravitos), à ma condition physique (parce qu’avec ces changements de rythmes permanents, il fallait que j’arrive à me préserver des sections « reposantes » aux bons moments).

en répondant aux questions du Dauphiné Libéré

– Es-tu content du résultat sportif et économique ?

Sur le plan de la levée de fonds, je suis super content pour la CROIX ROUGE ! 5345 euros à ce jour ce n’est pas une broutille (et j’espère que ça va encore monter un peu 😉

Sur le plan « sportif », je n’en sais rien … je ne l’ai pas vécu comme un challenge sportif mais plutôt comme un voyage. Je n’ai pas essayé d’établir un record en fait (samedi, en descendant sur Guillestre, j’ai croisé un pote de promo à Basse-Rua et j’ai bu un Orangina en parlant de la saison, c’est pour dire …). Un grand voyage dans l’inconnu tout près de chez moi … une super aventure quoi !

Pour être tout à fait honnête, je souhaitais aussi par ce projet préciser à quel point il était important pour moi de ne pas confondre un sport comme peut l’être le trail d’une activité plus complexe en terme d’apprentissage comme peut l’être l’alpinisme et ce, même sur un terrain à priori « débonnaire ». Rien d’arrogant dans mes propos vu que je pratique le trail pour mon entrainement, mais là, croyez-moi, ce n’était pas le même caramel ;-)))

au ravitaillement au col de la Traversette

– Quels sont tes prochains projets ?

On part en Novembre sur le Pumori avec Benjamin Ribeyre et Erin Smart, essayé de finir un truc qu’on avait commencé avec Nico Brun en 2010 … je te donnerais des news dans pas longtemps je pense 😉

J’ai aussi un début de projet en cours avec Boris et Agnès, un mixte d’alpinisme, de voyage, d’écriture, d’images et d’humanitaire … faut encore qu’on prenne un peu de temps pour monter tout ça !

Le projet

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