Choisir ses chausson : tout un art!

Suite à la publication par le site grimpe à vue.com d’une vidéo sur le choix des chaussons, les réactions ont étés multiples.

Voici la video

Voici celle de Stéphanie Didier, bien connue pour avoir anime le site www.pofroad.com puis The climbing shop que nous reprenons avec son accord :

‘Votre coup de gueule me force à exprimer le mien, bien retenu depuis la lecture de votre guide ‘comment bien choisir ses chaussons en 5 étapes’ il y a maintenant presque un an.
Pour commencer, il me semble que la belle connerie serait just
ement de ne pas tenir compte d’avis d’autres grimpeurs. Un grimpeur d’expérience se connaît, il sait quelle forme lui convient le mieux, il sait ce qu’il est capable de supporter, et il sait quels sont ses besoins. Qui a t’-il de ridicule à ce qu’il demande un avis ou ressenti sur un modèle particulier ? Nous mêmes nous sommes capable de conseiller un grimpeur sur un nouveau modèle, s’il nous indique les modèles avec lesquels il grimpe et qu’il nous décrit ses envies et besoins. Et je suis persuadée que n’importe quel grimpeur d’expérience peut apporter des conseils de qualité qui permettent de déterminer si un chausson peut convenir ou non.
Ensuite, vos conseils pour choisir un chausson. Pour avoir vendu quelques centaines de paires en magasin après avoir pris le temps de toutes les avoir faites essayer, permettez moi quelques commentaires.
1 . ‘Le type de pied, grec, romain ou égyptien, pour déterminer l’asymétrie la plus confortable’. Dans la réalité, cela n’a pas d’importance, et même si c’est La Sportiva qui le dit. Pour le confort, il est plus important de considérer le chaussant, fin ou large, et éventuellement la position de la pointe, qu’elle soit asymétrique ou non (chez La Sportiva la pointe est généralement plus ‘centrée’ que chez Scarpa). Le but de l’asymétrie n’est pas d’apporter du confort (quel pied est naturellement tourné vers l’intérieur ?) mais de concentrer la puissance sur le gros orteil. Je vous accorde néanmoins l’exception du Miura VS, plus qu’asymétrique, qui demeure le seul chausson dont l’asymétrie apporte, à la bonne pointure, du confort à une forme très particulière de pied (mais qui par expérience n’a pas grande chose à voir avec le fait qu’il soit grec, romain ou égyptien).
2. ‘Le type d’escalade, dévers, vertical ou déversant pour déterminer la cambrure.’ Certes la cambrure permet de griffer plus facilement, ce qui lui vaut la réputation de convenir uniquement à des profils déversants. Mais c’est oublier que la cambrure a également pour but de transférer la puissance en pointe pour apporter plus d’efficacité et de précision. La cambrure s’appréciera donc aussi bien en dalle, qu’en vertical ou dévers. A noter que sur les chaussons récents disposants d’une semelle en deux parties la cambrure n’empêche plus les adhérences. On ne peut donc plus vraiment reprocher à la cambrure le défaut de ne pas pouvoir adhérer de ‘face’. Le choix de la cambrure se détermine avant tout en prenant en compte la forme de pied (tout le monde ne supporte le plat ou la cambrure, quelque soit le niveau de pratique), et du degré de précision et d’efficacité recherchés. Le profil est plus secondaire.
3. ‘Le type d’escalade, bloc, falaise ou grande voie pour déterminer le type de fermeture’. Là encore, permettez moi de dire qu’on s’en fout. Ce qu’il est important de considérer, c’est la nécessité ou non de bénéficier d’un serrage qui permette de plus ou moins serrer, et de manière efficace. Le seul cas qui peut éventuellement imposer le choix du lacet qui offrira un réglage plus bas, est une forme de pied soit trop fine soit trop large. Pour les autres besoins, pied qui gonfle par pratique extérieure – chaleur ou marche d’approche -, ou simple envie de pouvoir bien ajuster, que le serrages soit à lacets ou à velcro, dans la plupart des cas le client s’en fiche . Et il a raison. Ce qui lui importe, c’est qu’il soit efficace. Je vois venir l’argument : les lacets c’est long à ajuster, à serrer, à desserrer…. Certes. Mais avant. Car tous les nouveaux modèles à lacets se dispensent maintenant d’oeillets (Katana Laces, Genius, nouveaux Quantum), ce qui les rend aussi faciles et rapides à (de)serrer que des modèles à velcro. Quant à l’argument de pas de lacets en bloc… franchement, qui retire beaucoup plus ces chaussons en bloc qu’en couenne ?
4. ‘La pointure, rien ne sert de prendre petit’. Nous aurions presque pu être d’accord, mais votre exemple ‘ma pointure ville c’est du 45-46 mes chaussons de grande voie – des futura – c’est du 45’, est de trop mauvaise foi. La seule pratique pour laquelle il est compliqué de choisir la bonne pointure et pour laquelle on évitera de trop descendre en pointure c’est justement la grande voie. Et vous limitez votre exemple à cette pratique…
Dans des chaussons cambrés, il convient de ne pas avoir les orteils qui bougent. C’est un pré-requis, sinon la cambrure n’apporte pas grand chose, du confort peut être mais en tous cas pas d’efficacité. Donc même s’il ne sert à rien de s’imposer de trop descendre en pointure et d’avoir inutilement mal dans ses chaussons – nous sommes d’accord sur ce point -, des chaussons cambrés à la bonne pointure ne seront jamais très confortables. Car la cambrure nécessite que les orteils soient pliés. Et sur la durée de la séance, la douleur finira par apparaître. Au bout d’une ou deux heures, c’est la pliure des orteils qui est douloureuse, même si le chaussant est de base confortable. Et que le chausson cambré soit détendu ou non. Car la cambrure (sur les meilleurs modèles) et la poussée du talon resteront constantes dans le temps et les orteils resteront donc toujours pliés de la même manière. Donc choisir des Futura en 45 pour la grande voie… oui éventuellement. Mais pour tout autre pratique ca n’a beaucoup pas de sens. Chaussez-vous vraiment les Futura en 45 pour votre pratique bloc ? J’en doute fortement.
Le choix de la pointure dépend avant tout du chausson, de la pratique, et de ce que chacun souhaite privilégier (confort ou performances). Conseiller des Futura en 45 pour une pointure ville de 45-46, en grande voie, c’est assez peu malin. Comme le tableau, dans votre guide ‘comment bien choisir ses chaussons en 5 étapes’, emprunté à Approach pour choisir sa pointure en fonction de la marque. Les modèles d’une même marque ne chaussent pas tous pareil et par expérience, descendre en pointure dépend finalement assez peu du niveau de pratique.
Enfin, vos conclusions :
– ‘Les chaussons ca ne fait pas mieux grimper’. Je vous invite dans ce cas à échanger vos Futura contre des chausson aussi plats que droits. Au final, vous prétendrez ne pas avoir grimpé moins bien parce que vous aurez coché votre croix, mais il vous faudra quand même serrer un peu plus les fesses. Et grimper avec plus d’effort, n’est-ce pas là déjà suffisant pour considérer que c’est grimper moins bien ?
– ‘Il n’y a pas de mauvais chaussons’. Le marché du chausson est comme tout marché. Il profite de belles réussites comme de beaux ratés.
J’ai pas mal de paires de chaussons, et tous bien asymétriques, malgré mes pieds bien grecs. Ils sont plus ou moins confortables et quand ils le sont moins, c’est parce que je le choisis, pour bénéficier de telle ou telle particularité. Je grimpe avec des Genius à lacets, en bloc, et je pratique de la grande voie en Futura, 2.5 pointure en dessous de ma pointure ville. J’aime à lire les avis sur les chaussons, sur les forums ou autre magazine et il m’arrive d’en tenir compte. Et tout va bien. En tout cas mieux que si j’avais suivi les conseils de votre guide qui m’auraient fait acheter des Katana, bien trop étroits pour mes pieds, et dans lesquels j’aurais eu vraiment bien mal…’
Stephanie Didier

Comme quoi le debat sur le choix des chaussons a encore de beaux jour devant lui

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