Nous n’avons pas fait grand bruit autour de la mort probable de l’ours Camille. C’était le dernier ours pyrénéen mais pas le dernier ours dans les Pyrénées.
Certes nous avons ressenti de la tristesse : cet ours était l’ultime témoin d’un noyau de population que l’Etat a laissé s’éteindre sans le protéger ni le renforcer ; Camille en disparaissant ne fait qu’achever la trajectoire implacable maintenue tout au long du siècle dernier.
Nous avons jugé pitoyable l’indécence des opposants à l’ours, qui ont semblé regretter les animaux de souche pyrénéenne et même faire retomber leur extinction sur leurs protecteurs.
Ils oublient qu’ils s’étaient engagés avec l’Etat, la région Aquitaine et le département des Pyrénées-Atlantiques, en signant le deuxième contrat de charte de l’IPHB en 2004, à renforcer avec deux femelles la population que l’on avait recomptée de façon « patrimoniale » cette année là et qui ne comptait plus que la femelle Cannelle. On sait comment, par la suite, le président de cette institution qui se dit aujourd’hui « accablé » par la mort de Camille a mis son « véto » au plan de l’Etat et a empêché le lâcher de deux femelles en Béarn en 2006, reniant ainsi sa signature.
Ne rouvrons pas de vieilles querelles, la souche pyrénéenne d’ours a disparu du seul fait des hommes et notamment des armes à feu. Ceux qui portaient ces armes, ceux qui les ont excités sous de faux prétextes, ceux qui se sont opposés à toutes les mesures destinées à rendre possible la cohabitation avec l’ours ont perdu une bonne occasion de se taire. Le vieux Camille, qu’ils avaient naguère privé de femelles, n’était plus depuis longtemps porteur d’aucun espoir.
Heureusement, l’espèce Ursus arctos est toujours présente dans nos montagnes. C’est davantage à ces ours des Pyrénées que nous devons penser, en renforcant notamment les mesures pour leur protection et un bien meilleur état de conservation de cette population d’ours.
Sans états d’âme, car même si elle est bien prudente par rapport à d’autres pays, la France n’a jamais hésité à restaurer des espèces en danger par des apports extérieurs.
Les chasseurs l’ont fait avec les cerfs, perdrix, et lièvres d’Europe de l’Est, les pêcheurs avec les farios danoises, les protecteurs avec les vautours espagnols, vos services avec les lynx tchèques et slovaques. En ce moment la France se vante de donner des esturgeons à l’Allemagne, heureusement que personne ne combat sur les bords de l’Elbe le déversement de ces poissons étrangers ! Demain vous importerez sans doute des lamantins pour recréer une population en Guadeloupe …
Tous ces débats d’un autre temps ont eu lieu, vous avez pris une décision que nous jugeons timide mais au moins vous l’avez prise. Faites en sorte, Madame la Ministre, qu’elle ne reste pas lettre morte. Nous demandons sur l’ours de la fermeté, de la constance, un zeste de ce volontarisme qui caractérise l’action du président de la République … dans d’autres domaines.
Dans celui de la biodiversité, l’ours est pourtant un grand chantier, le plus visible pour nos concitoyens.
Alors, remaniement ou pas, assumez vos responsabilités, desserez le frein et faites en sorte, en prenant les dispositions nécessaires dès maintenant, que des femelles rejoignent les mâles du Béarn dès le printemps prochain. Et pour ceux qui mettent en scène l’identité pyrénéenne des ours, ce serait en outre la dernière chance d’en conserver vivante la trace à travers le fils de Cannelle.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, nos plus respectueuses salutations.
Les associations membres de CAP – Ours signataires :
Association Pyrénéenne des Accompagnateurs en Montagne 66, section Catalane du Syndicat National des Accompagnateurs en Montagne (APAM 66), APATURA, Association Nature Comminges (ANC), Comité Ecologique Ariégeois (CEA), Conseil International Associatif pour la Protection des Pyrénées (CIAPP), FERUS (Groupe Loup France/ARTUS), Fonds d’Intervention Eco-Pastoral – Groupe Ours Pyrénées (FIEP), France Nature Environnement Hautes-Pyrénées (FNE 65), Mille Traces, Nature Midi-Pyrénées, Nature Midi-Pyrénées comité local Hautes-Pyrénées, Pays de l’Ours-ADET (Association pour le Développement Durable des Pyrénées), Société d’Etude de Protection et d’Aménagement de la Nature dans le Sud Ouest section Béarn (SEPANSO Béarn), Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères (SFEPM),
Sours, WWF France.