Sauver l’ours DES Pyrénées ? Une escroquerie, un alibi pour gogos volontaires.

 

19 heures, journal de FR3 Midi Pyrénées, dimanche 31 octobre 2010 : interrogé sur la mort de « Camille », le dernier ours autochtone pyrénéen, M. Arcangeli, président de l’ADET et Conseiller Régional, ne trouve qu’à souligner le caractère « symbolique » de cette disparition qui ne l’émeut guère.

Pour celles et ceux qui croiraient encore que l’objectif d’abord de l’Europe et de l’Etat français, ensuite de l’ADET et associations similaires, était de sauver l’ours des Pyrénées, l’attitude est révélatrice. Elle relève totalement de ce que le FAPAS asturien (le premier à annoncer l’événement) appelle dans son avis de décès : « peut-être la plus grande escroquerie commise quant à la conservation de la biodiversité en Europe ».

Sauver effectivement cet ours, ou au moins ses gênes en permettant que ses ultimes exemplaires puissent se reproduire avec des spécimens venus d’ailleurs, fut pendant longtemps l’objectif exhibé pour « justifier » les importations d’ours slovènes. Exhibé, car, en fait déjà, dès 1994, en choisissant d’introduire ces ours dans les Pyrénées Centrales, les responsables de ce programme savaient bien que ces ours n’avaient aucune chance d’y croiser quelque ours pyrénéen que ce soit. C’est ce qu’écrivait le 18 mai de cette année Gilbert Simon, alors Directeur de la Nature et des Paysages au Ministère de l’Environnement, dans un courrier officiel en réponse au Docteur Lang qui s’inquiétait des possibles problèmes liés à ces importations:

« De toute manière, dans les Pyrénées Centrales il n’y a plus d’ours : nous ne craignons donc plus, hélas, ni consanguinité, ni incompatibilités génétiques ou morphologiques, ni propagation d’épizooties dans la population ursine indigène ! » (Source : Archives Nationales comme tous les autres courriers cités ci dessous).

En fait, dans le processus d’introduction d’ours slovènes dans les Pyrénées Centrales, deux volontés différentes ont joué au chat et à la souris, au petit jeu de qui bernerait l’autre : l’ADET d’une part, M. Simon de l’autre.

Comme le rappelle le FAPAS dans son communiqué, il s’agissait, d’un côté, d’une opération qui n’avait rien à voir avec le biologie de l’espèce: « il est impossible de masquer le fait que la réintroduction dans les Pyrénées d’ours provenant de Slovénie obéissait en son temps à une stratégie planifiée par les organisations françaises de tourisme, qui prétendaient l’utiliser pour une campagne de promotion. C’est la raison pour laquelle le biologiste nord américain, Tony Clevenger, avait refusé de diriger ce projet de réintroduction le considérant comme une escroquerie : l’objectif en effet, une fois les ours relâchés, était de les enfermer dans une réserve clôturée où ils seraient utilisés comme produits d’appel touristique » (voir ce communiqué et lettre de démission de Clevenger à http://www.aspap.info/contenu/13.htm#30.10.2010 )

L’ADET fut créée à cet effet par M. Rigoni, maire de Melles où les premiers ours seraient importés en 1996.

Quant à l’autre côté, M. Simon et autres représentants de l’Etat, leur objectif était tout autre. Dès 1991, M. Simon, alors simple conseiller technique, dans un rapport au Directeur de Cabinet du Ministère, rendait compte d’une visite à Melles, où la manipulation était clairement revendiquée :



  • côté face, possibilité intéressante de créer : « une petite structure bâtie pour l’occasion, permettant ainsi au projet d’être moins parisien » (Note du 28 janvier 1991). Idée que l’on retrouve en 1993 dans un rapport « confidentiel » au Préfet des Pyrénées Atlantiques, rapport annoté ainsi au crayon, en marge : « on ne le diffuse pas » : « je pense qu’il peut être utile de donner l’impression que les Parisiens ne s’en mêlent pas trop ».

Pour l’Ouest c’est toute l’histoire de l’IPHB qu’il faudrait reprendre, avec y compris ses ombres très sombres, mais concrètement c’est dans les Pyrénées Centrales que les ours furent réintroduits. Et l’ADET serait créée pour être, en fait, cette petite structure moins parisienne.



  • côté pile, autre musique. Tandis que « un ou deux ours » seraient lâchés à Melles à titre expérimental (y compris pour les « contreparties financières »), M. Gilbert Simon concluait son compte rendu en soulignant ainsi l’objectif réel de l’opération : « suivi des ces ours pendant que le programme lourd de réintroduction évoqué par ailleurs continuerait d’être discuté ». Par ailleurs, c’est tout dire !


L’escroquerie dont fait état le communiqué du FAPAS était d’abord un jeu de poker menteur où aussi bien l’ours pyrénéen que l’ADET n’étaient que des pseudo partenaires pour une règle du jeu totalement manipulée par les représentants de l’Etat. Mais cet aspect de l’escroquerie, le FAPAS « oublie » d’en parler. Reprenons les informations des courriers cités:

– « partenaire » (si l’on peut dire !) 1, l’ours des Pyrénées, courrier de 94 : là où l’on choisit d’introduire, il n’y a plus de « population indigène » ! L’objectif n’est donc vraiment pas de tenter de sauver ce qui peut encore l’être.

– partenaire 2, les petites structures locales, Pyrénées Centrales (courrier de 91), Pyrénées Atlantiques (rapport confidentiel de 93) : elles se croyaient reines, maîtresses de la situation ? On leur agitait le leurre d’un développement économique autour de quelques ours symboles ? Elles étaient là pour faire « moins parisien ».

– celui qui tirait les ficelles, M. Gilbert Simon : pendant qu’ainsi on faisait taire les locaux en leur laissant l’apparence d’une maîtrise de leur destin sur quelques aspects ponctuels, « le programme lourd de réintroduction évoqué par ailleurs continuerait d’être discuté ». Quant au lien entre les Pyrénées Centrales et de l’Ouest, c’est un courrier de la DIREN Midi Pyrénées du 14 janvier 1993 qui vend la mèche ; il précise que les problématiques sont liées, que les informations doivent circuler entre les deux, mais … «  tout en affichant une séparation méthodologique stricte entre les deux zones » (je mets en gras. Cet affichage, équivalent du « donner l’impression » de 1993, permettait bien sûr de masquer le « programme lourd » bien réel dont M. Simon faisait état en 91).

Dans ce dernier courrier cité, une note au crayon en marge suffirait pour conclure : le courrier souligne au second § qu’il existe toujours « une forte opposition locale à la présence de l’ours et à tout ce que cette présence implique » ; la note marginale remet les pendules à l’heure : « est-ce à la présence de l’ours ou a la politique menée pour sa protection … ». Bonne question !

L’indifférence de M. Arcangeli à la disparition du dernier véritable ours pyrénéen, n’est jamais que la suite de ce poker menteur où l’enjeu ce n’est pas cet ours, pas ce qui aurait pu en être sauvé au moins a minima (un patrimoine génétique), mais tout autre chose : ce « programme lourd » dont on sait que pour atteindre une population d’ours naturellement viable, il ne supposerait pas du tout simplement une cinquantaine d’ours sur la chaine, comme l’écrivent Ferus et l’Adet, mais des centaines d’ours sur des milliers de km2 comme l’analysent tous les spécialistes, notamment espagnols.

Sous l’apparence « affichée » d’un développement économique locale où les « partenaires » étaient des gogos, mais gogos volontaires il faut le rappeler, ce véritable objectif d’ensauvagement du massif était non pas prévu mais, pire, déjà présenté comme une réalité dans le premier programme européen concernant l’ours. Intitulé « Première phase d’un programme de conservation des vertébrés des Pyrénées », ce programme en 1993 décrivait ainsi le massif : « Jusqu’à il y a peu encore région isolée et inaccessible » …

C’est à transformer en réalité cette description qu’ont travaillé et que travaillent ceux qui, sous couvert de sauver un ours pyrénéen dont tous en réalité se moquaient, participèrent et participent encore à ce qui, le FAPAS a encore plus raison qu’il ne le croit, est vraiment une escroquerie, une gigantesque supercherie.

Remerciements : Je remercie Madé Maylin de m’avoir permis de consulter son dépouillement des Archives Nationales

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