Cela faisait près de six siècles que les marins s’appuyaient sur leurs carnets de bord pour consigner vents, cap, incidents ou autres détails de leurs longues traversées. Une tradition héritée des grandes expéditions maritimes, où chaque page rédigée à la main racontait un morceau de l’aventure. Mais en 2025, la page se tourne. Un acteur français décide d’écrire le futur de la mer… à l’aide de capteurs, d’algorithmes et de plateformes intelligentes.
Une révolution numérique embarquée
Le groupe maritime TSM vient de sceller un partenariat avec Ascenz Marorka, la division « navigation intelligente » de GTT, leader mondial du transport de gaz liquéfié. Objectif ? Connecter les 130 navires de sa flotte — pétroliers, porte-conteneurs, méthaniers — à une plateforme centralisée capable de récolter, analyser et optimiser les données de navigation en temps réel.
Adieu carnets de bord traditionnels : place à une mer truffée de capteurs haute fréquence, qui mesurent vitesse, météo, consommation, état des cuves ou pression des gaz. Moins de paperasse pour les marins, plus d’informations utiles pour anticiper et optimiser chaque mouvement.
TSM et GTT : deux piliers français de la mer
Basée à Rouen, TSM (fondée en 1905) est une figure du remorquage et un pionnier dans les énergies marines renouvelables. Avec un investissement récent de plus de 3 millions d’euros à Dieppe, le groupe affiche clairement son ambition : devenir un acteur incontournable du transport maritime durable.
Face à lui, GTT, entreprise fondée en 1965, spécialiste des technologies cryogéniques pour le GNL, propulse cette révolution numérique avec Ascenz Marorka. Ce duo représente à lui seul un savoir-faire français tourné vers l’avenir… et la planète.
Un cockpit digital à bord
Chaque navire bénéficiera désormais d’un tableau de bord numérique centralisé : un véritable cockpit qui compile toutes les données du navire en temps réel. Maintenance, itinéraires, performances énergétiques — tout est pilotable à distance, avec une précision chirurgicale.
Et pour aller encore plus loin, un module baptisé VESPER affine l’analyse à l’échelle individuelle de chaque bateau. Grâce à l’intelligence artificielle, ce système anticipe les pannes, ajuste automatiquement la vitesse, et propose des trajectoires optimisées avant même que le capitaine n’envisage de changer de cap.
Des outils pointus pour les transporteurs de GNL
Pour les navires transportant du gaz naturel liquéfié, deux modules supplémentaires viennent renforcer l’efficacité à bord :
- LNG Optim, qui conseille en temps réel sur la vitesse idéale, la pression des cuves, et l’usage du gaz embarqué ;
- Heel Management, conçu pour minimiser les pertes de GNL lors du retour à vide et maintenir un refroidissement optimal des réservoirs.
À l’échelle d’une flotte, ces ajustements fins peuvent représenter des économies de plusieurs millions d’euros.
Le numérique au service des marins
Mais attention : cette transition ne signifie pas la disparition de l’humain à bord. Le mot d’ordre est clair : digitaliser sans déshumaniser. Les technologies d’Ascenz Marorka sont pensées pour assister les équipages, pas les remplacer. Chaque décision reste collective, depuis la salle des machines jusqu’au siège social.
En allégeant les tâches administratives, les équipes peuvent se concentrer sur l’essentiel : naviguer, anticiper, entretenir, décider. Le numérique devient alors un coéquipier discret mais redoutablement efficace.
Une nouvelle ère pour le transport maritime
Avec ce virage stratégique, TSM ne cherche pas seulement à gagner en efficacité : il inscrit sa flotte dans une démarche durable et compétitive. Pour GTT et Ascenz Marorka, c’est l’opportunité de s’imposer comme des leaders dans la décarbonation du transport maritime, un enjeu devenu vital pour l’avenir de la planète.
Quand 130 navires deviennent intelligents, c’est tout un pan de la marine marchande qui entre dans une nouvelle ère. Une ère où la performance ne s’évalue plus seulement en nœuds ou en tonnes, mais en données, en réactivité et en conscience environnementale.