Elle pourrait passer inaperçue sur une carte. Et pourtant, Romans-sur-Isère, paisible commune de la Drôme, joue depuis peu un rôle capital dans la filière nucléaire européenne. En soixante-cinq ans, cette ville au pied du Vercors est devenue un maillon essentiel de la chaîne de production de combustibles spécialisés et d’isotopes médicaux. Un centre de haute précision où l’industrie nucléaire française conjugue innovation, savoir-faire et enjeux de santé publique mondiale.
Une extension stratégique pour répondre à une demande croissante
Framatome, l’un des piliers de la filière nucléaire tricolore, a récemment inauguré un nouveau bâtiment sur son site de Romans, au sein de l’unité CERCA. L’objectif ? Renforcer la production de combustibles destinés aux réacteurs de recherche et aux isotopes médicaux, notamment le technétium-99m, utilisé chaque jour dans des millions de scintigraphies à travers le monde.
Dans cette nouvelle infrastructure, tout a été repensé : sécurité, ergonomie, traçabilité, performance. On est loin du simple atelier industriel. Il s’agit d’un outil de pointe pour un secteur où la fiabilité n’est pas une option, mais une exigence vitale.
Un savoir-faire français forgé depuis 1959
L’histoire de ce site remonte à 1959. À l’époque, alors que la France amorce son virage nucléaire, CERCA se spécialise dans la fabrication de combustibles non électrogènes. Concrètement, il s’agit de ceux qui ne produisent pas d’électricité, mais qui alimentent la recherche, les tests de matériaux ou la production d’isotopes pour la médecine.
Depuis, plus de 20 000 éléments combustibles sont sortis de Romans, exportés dans toute l’Europe, mais aussi bien au-delà. Un quasi-monopole continental qui place la France en tête dans ce créneau ultra-technique.
Une « zone uranium » revue de fond en comble
Le cœur névralgique du site, c’est la fameuse “zone uranium”. Un espace hautement sécurisé où la poudre d’uranium est façonnée pour devenir combustible. C’est aussi là qu’on prépare les “cibles” irradiables, qui génèrent les isotopes médicaux une fois passées dans les réacteurs.
Avec ce nouveau bâtiment, Framatome met fin à une infrastructure vieillissante pour laisser place à une chaîne de production modernisée, répondant aux normes actuelles en radioprotection, qualité industrielle et impact environnemental. Une étape cruciale dans la modernisation de la filière nucléaire française.
Romans : carrefour mondial de la médecine nucléaire
Ce que l’on sait peu, c’est que 75 % des scintigraphies médicales mondiales utilisant du technétium-99m dépendent d’éléments produits ici, dans cette commune discrète de la Drôme. Ce radio-isotope est incontournable pour des diagnostics en cardiologie, en oncologie ou en neurologie.
Cela donne à Romans un poids stratégique insoupçonné dans le domaine de la santé mondiale, où chaque retard ou rupture de livraison peut avoir des conséquences directes sur les hôpitaux du monde entier.
Un rôle moteur dans la recherche nucléaire européenne
Au-delà du médical, CERCA alimente les réacteurs de recherche de plusieurs pays européens. Ces installations, moins connues du grand public, sont pourtant essentielles pour former les ingénieurs de demain, tester de nouveaux matériaux, et simuler des scénarios complexes pour les grands réacteurs.
La production de combustibles pour ces centres impose un haut niveau de technicité : densité énergétique maîtrisée, comportement sous irradiation, stabilité mécanique… Chaque élément est le fruit d’un processus rigoureux.
Un projet à dimension locale et internationale
L’inauguration du nouveau bâtiment a rassemblé à la fois des représentants internationaux et des élus locaux, preuve que ce site ne concerne pas uniquement l’élite technologique. Romans-sur-Isère devient un carrefour stratégique du nucléaire, à la croisée de l’industrie, de la science et de la santé publique.
En investissant ici, Framatome donne corps à une vision du nucléaire sobre, utile, ancré dans les besoins réels du monde : médecine, innovation, sécurité. Un nucléaire sans tapage, mais d’une efficacité vitale.