Ce pays anti-nucléaire investit pourtant en France dans des réacteurs de nouvelle génération

On ne l’avait pas vue venir, celle-là : l’Italie, farouchement anti-nucléaire depuis les années 1980, s’apprête à remettre un pied dans l’atome. Pas n’importe comment. Loin des mastodontes des années passées, Rome parie désormais sur une start-up innovante, à cheval entre Paris et Turin : Newcleo. Le gouvernement italien a d’ailleurs annoncé envisager un investissement public à hauteur de 200 millions d’euros. Un virage discret, mais assumé, qui remet la question énergétique au cœur de la souveraineté nationale.

Une vieille idée revisitée avec une sauce high-tech

Le pari de Newcleo ? Des réacteurs dits LFR – comprenez « lead-cooled fast reactors », ou réacteurs rapides refroidis au plomb. Une technologie pas franchement neuve (les Soviétiques l’avaient explorée pour leurs sous-marins), mais totalement remise au goût du jour. Leur modèle vise à recycler les déchets radioactifs, à se passer d’uranium enrichi, et à assurer une sécurité maximale grâce au plomb.

Un prototype préliminaire (non nucléaire) devrait voir le jour en 2026 en Italie, tandis que la première version réellement opérationnelle est attendue en France, à l’horizon 2031. Oui, c’est bien en France que cette renaissance prendra forme – cocorico discret, mais réel.

L’Italie sort de sa torpeur atomique

Longtemps, le mot “nucléaire” était quasi-tabou dans la péninsule. Depuis la fermeture de ses centrales dans les années 90, l’Italie s’était mise en retrait. Pourtant, avec l’urgence climatique et l’obsession de la neutralité carbone d’ici 2050, les lignes bougent. En février, une loi a jeté les bases d’un cadre juridique pour la réintégration du nucléaire dans le mix énergétique national.

Et il ne s’agit pas seulement de consommer du courant made in ailleurs : Rome veut reconstruire une filière, former des ingénieurs, créer des emplois qualifiés, et pourquoi pas, redevenir compétitive sur un terrain technologique hautement stratégique.

Quand l’industrie se met à l’(é)lectrique

Il faut bien l’admettre : reconstruire un écosystème nucléaire en Italie, c’est un peu comme vouloir rejouer un opéra avec un orchestre dispersé. Mais quelques instruments subsistent : des ingénieurs, des instituts de recherche comme l’ENEA, et désormais, Newcleo en chef d’orchestre.

Dernier mouvement en date : un partenariat avec le géant de la sidérurgie Danieli. Objectif ? Décarboner la production d’acier grâce à une source d’énergie continue, propre et indépendante des aléas du marché du gaz. Une alliance peu glamour sur le papier, mais redoutablement efficace.

Paris, Londres, Rome : un triangle énergétique

Newcleo, c’est un peu le symbole de l’Europe qui ose. Siège à Paris, essais en Italie, financement venu du Royaume-Uni… La start-up a déjà levé plus de 400 millions d’euros, sans prototype actif, mais avec une vision bien affûtée. Et depuis peu, c’est dans le Gard, à Chusclan, qu’elle installera son centre de recherche.

Un pied en France, donc, qui ne doit rien au hasard : la technologie modulaire proposée par Newcleo – avec des réacteurs de petite taille, souples et faciles à intégrer dans les réseaux existants – colle parfaitement aux ambitions européennes.

Une relance sous haute surveillance

Ne nous emballons pas trop vite : en Italie, le sujet reste politiquement sensible. Le projet de loi actuel ne prévoit pas encore de construction immédiate, mais plutôt un retour progressif, bien encadré. L’idée, c’est de rassurer l’opinion tout en gardant une longueur d’avance technologique.

Newcleo, en misant sur une approche plus « douce » du nucléaire – recyclable, modulaire, sans uranium enrichi – pourrait bien devenir le laboratoire idéal pour ce retour prudent mais stratégique.

Parce qu’au fond, il ne s’agit plus seulement de faire la lumière dans les foyers. Il est désormais question d’indépendance énergétique, de compétitivité industrielle, et de climat. Et à ce jeu-là, même les anciens anti-nucléaires peuvent revoir leur partition.

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