Face à la crise climatique qui secoue la planète, les écologistes, traditionnellement vus comme des défenseurs de l’environnement, se retrouvent aujourd’hui accusés de provoquer les catastrophes qu’ils avaient pourtant anticipées. Ce phénomène, observé dans divers pays comme la France, les États-Unis et le Brésil, met en lumière la montée de l’extrême droite et des discours de désinformation. En effet, les écologistes sont de plus en plus désignés comme bouc émissaires dans cette lutte contre les dérèglements environnementaux.
Le retour des accusations en Espagne et aux États-Unis
Un exemple frappant de cette tendance a eu lieu en Espagne, après des inondations dévastatrices à Valence, qui ont fait plus de 200 victimes. L’extrême droite espagnole, représentée par le parti Vox, a accusé les écologistes d’avoir aggravé la situation en refusant d’entretenir les rivières et en démolissant des barrages. En réalité, ces destructions étaient limitées à de petites structures vieillissantes et ne pouvaient pas expliquer l’ampleur des dégâts. Cette manipulation de l’information permet d’instrumentaliser la catastrophe pour faire passer les écologistes pour les vrais responsables des drames environnementaux.
De l’autre côté de l’Atlantique, aux États-Unis, lors des ouragans Helene et Milton, des météorologues ont été menacés de mort, et l’ex-président Donald Trump a participé à une campagne de diffamation à l’encontre des climatologues. L’argument avancé ? Que le gouvernement démocrate, dirigé par Joe Biden, aurait manipulé les fonds destinés aux régions sinistrées pour les réorienter vers l’aide aux migrants, ou même que ce gouvernement contrôlait la météo. Cette rhétorique de climatoscepticisme a dérivé vers un climatocomplotisme, rendant encore plus difficile le débat rationnel sur le changement climatique.
Une vague de désinformation amplifiée par les réseaux sociaux
Le phénomène de la désinformation climatique ne s’arrête pas aux États-Unis. Le retour en force des discours négatifs sur les écologistes s’intensifie avec le rôle des réseaux sociaux. Le rachat de Twitter par Elon Musk a permis la réactivation de nombreux comptes qui, auparavant, avaient été bannis pour diffusion de fake news. Une explosion de désinformation climatique a suivi, où les mensonges concernant les événements météorologiques se sont multipliés, noyant les faits sous une couche de fake news.
L’augmentation des catastrophes climatiques aurait dû servir de révélation pour ceux qui doutaient encore de l’urgence climatique. Pourtant, c’est le contraire qui se produit : plutôt que de voir dans ces événements une occasion de rassembler les forces autour de la nécessité d’agir pour la planète, les écologistes sont stigmatisés et réduits à des coupables à abattre.
L’émergence d’une politique de dénigrement systématique
Selon l’historienne Laure Teulière, cette montée de l’attaque contre les écologistes s’inscrit dans une stratégie politique bien plus large. Le but est de protéger le statu quo, qui profite aux industries polluantes et aux responsables politiques qui s’appuient sur la division pour régner. Le phénomène dépasse le simple cadre des polémiques climatiques. Les écologistes deviennent des scapegoats dans une bataille où ceux qui font avancer les problématiques environnementales sont désignés comme des éléments nuisibles à l’ordre établi.
Le phénomène global : du Brésil au Canada
Cette dynamique est bien loin d’être isolée. Au Brésil, l’ancien président Jair Bolsonaro n’a pas hésité à accuser les ONG écologistes d’être responsables des incendies de l’Amazonie, parlant même de « cancer » à éradiquer. En 2023, lorsque les mégafeux ont ravagé le Canada, un ancien ministre des Affaires étrangères a également insinué que les « terroristes verts » étaient responsables des feux de forêts, dans une logique de désinformation totalement déconnectée des réalités scientifiques.

Le « greenbashing » : une nouvelle forme de répression
Le « greenbashing » ou le « greenblaming » est devenu une stratégie courante dans les discours publics, notamment en France. Les accusations se multiplient, comme lors des incendies dans les Landes, où les écologistes ont été accusés de ne pas vouloir aménager les forêts pour éviter les feux. De même, après les inondations dans le Nord, certains ont tenté de faire porter la responsabilité des dégâts sur ceux qui préconisent une gestion écologique des canaux, alors que le problème venait des politiques d’urbanisation et de gestion des eaux pluviales.
Cette stratégie se base sur une répression idéologique qui cherche à étouffer le mouvement écologique en l’associant à des intérêts politiques et économiques bien établis. Elle s’appuie sur la peur et le sentiment de perte de contrôle, comme l’explique l’étude de Daniel Jolley et Iwan Dinnick sur le climatoscepticisme. Les catastrophes naturelles, loin d’encourager à prendre des mesures radicales contre le changement climatique, sont vues par une partie de la population comme une menace qu’il est plus facile de nier.
Un climat de plus en plus polarisé
Cette attaque contre les écologistes témoigne de l’ampleur du clivage qui se creuse dans notre société. Au lieu de nous concentrer sur la réalité du changement climatique, le débat est détourné, et l’on cherche à discréditer ceux qui osent avertir des dangers. Les écologistes, comme des Cassandre modernes, voient leurs voix étouffées par des discours de plus en plus violents et polarisants.
Dans cette guerre de l’information, la vérité semble de plus en plus relatif et manipulable. Les enjeux climatiques doivent pourtant nous rassembler, mais au lieu de cela, nous sommes plongés dans une bataille idéologique où l’écologie devient un combat pour la survie de la planète, mais aussi pour la survie de la vérité. Il est plus que jamais nécessaire de soutenir ceux qui luttent pour notre avenir commun.