Escalade en Crête : Raki à Zorba’s beach

 

Les plages de Stravros ou Stavros, selon l’humeur, n’inspire pas, à priori, à l’escalade mais plus facilement au « farniente ». Pourtant, Anne et Alain Bruzy, un couple des Pyrénées, inséparable dans la vie, en montagne et en escalade depuis plusieurs dizaines d’années, nous montre le contraire. Une fois encore, Alain s’est mis en tête de grimper entraînant Anne dans sa nouvelle aventure.

Comme toujours, il nous fait part de sa réalisation en nous envoyant son récit et son croquis assorti de quelques notes personnelles.

Avec Olivier Dupuy, il ouvrira deux nouvelles voies

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Nous étions déjà venus à Stravros la semaine dernière mais la pluie nous avait chassés dès le début de matinée. Après une montée rapide à la grotte (où a été tourné ‘Zorba le grec’) la pluie nous avait obligés à nous abriter dans la cavité. J’aurais bien fait quelques longueurs sur ce calcaire tellement adhérent que la pluie ne constitue pas vraiment un frein à l’escalade, mais Olivier lui n’imaginait pas grimper ainsi. N’ayant pas de matériel pour partir en solo je m’étais résolu à redescendre, réveiller les filles, plier la tente sous l’orage et partir vers des cieux plus riants au sud de l’île.

Mais aujourd’hui il fait beau. Le vent du nord encore violent hier soir s’est calmé. La mer encore secouée par la tempête est encore très énervée et des vagues gigantesques déferlent sur cette cote rocheuse. Moi qui croyais que la méditerranée était une mer toujours calme et bleue…

Seul l’estomac n’est pas encore calmé de la tempête d’Ouzo, de vin rosé et de Raki que je lui ai fait subir hier soir dans la ‘super paillote sunset beach’ qui nous régale de mets sublimes et d’alcools forts chaque fois que nous passons ici (une des meilleurs adresses de Crête à notre avis).

Olivier et Mounia partent vers la paroi qui domine la grotte(de Zorba)

Avec Anne nous avons jeté notre dévolu sur la paroi située plus vers le cap, face à la mer, plus haute et plus raide que celle de la grotte.

Montés au pied depuis la plage tout droit, dans les piquants, nous arrivons au pied déjà bien en sueur. La paroi, légèrement concave, nous abrite complètement du vent. Seul le bruit des vagues qui claquent sur la plage rocheuse occupe l’espace sonore. Il y a peu de bruit dans les rangs…la paroi est fort raide, la fissure que nous allons emprunter est plus que verticale, le rocher n’a pas l’air super…de plus je n’ai qu’un seul gros friend car j’ai partagé le matos avec Olivier et je vois déjà que compte tenu de la largeur de la fissure je n’aurai droit qu’à un seul joker par longueur.

Comme souvent en Crête à cette époque, les magnifiques corolles des serpentaires garnissent la base de la paroi. Cette fleur violette, énorme et à l’aspect de velours, occupe tout l’espace olfactif. En deux mots ‘ça pue’.

Petit ‘mal des rimayes’, je démarre un peu crispé mais rapidement tout va mieux. Le rocher qui me semblait douteux est magnifiquement solide et adhérent. J’arrive à placer toute ma quincaillerie de petite taille à droite ou à gauche de la fissure ce qui me laisse sereinement le loisir de poser mon n°4 quand je le juge le plus utile. Emporté par cette escalade enthousiasmante j’ai dépassé le relais vers lequel je dois redescendre. Un piton plus un maillon…voici les traces d’une retraite…la pression recommence à monter surtout quand je regarde la tête de la fissure dièdre qui nous domine, raide raide et raide…

Anne est contente de cette première longueur qu’elle gravit bien plus aisément et rapidement que moi.

Je repars rapidement. Le début est assez facile bien que raide mais je n’arrive pas à me protéger correctement et depuis ma chute il y a deux ans j’ai toujours un peu de mal à monter très haut au dessus des terrasses sans protections fiables.

Un piton me sourit enfin après 20 mètres mais la cordelette qu’il me faut mousquetonner est brûlée par le vent et le sel…Enfin au dessus je rejoins une double fissure et je peux m’assurer. Ma corde ne touche plus le rocher entre mes points ce qui signifie que la zone est fort raide: fissure, double dièdre rouge et gris magnifique, Patapou et patapam, me voici en haut pour un super relais. Un piton.

Anne monte plus lentement cette fois, ce qui flatte passagèrement mon ego; mais c’est parait il parce que ‘je lui ai confié mes chaussures qui alourdissent trop son baudrier’

Dernière très longue longueur moins raide et tout aussi belle sur des dalles puis à gauche d’un grand surplomb. Je débouche au sommet.

Une chèvre couchée au bord du vide détalle, surprise de voir sortir un humain de la paroi. Un gros bateau passe au large. La cote jusqu’à Xania est soulignée par l’écume blanche des vagues. Plus loin au sud la neige apparaît sur les sommets. Nous dominons le cap blanc et arrondi qui défie la mer.

Que c’est beau !

Le retour est rapide et joli par un vallon à droite. Dans le petit passage de désescalade, il faut suivre l’urine des chèvres qui indique le cheminement à suivre.

A la voiture où j’arrive avant mes camarades(nous avons retrouvé Mounia et Olivier sur le plateau) un vieux monsieur vient me voir. Je comprends juste qu’il nous a vus et que nous somme très forts pour grimper ainsi (il me montre mes biceps…je suppose que c’est ce qu’il veut me dire…). Il m’invite aussi à entrer dans sa propriété pour cuisiner car il trouve qu’il y a encore trop de vent pour mon réchaud. Il m’ouvre son portail et m’indique d’autorité l’endroit où je dois m’installer. Peu de sourires mais de la gentillesse pure.

Voilà une journée à l’image de ce petit voyage en Crête.

Un bon repas pas cher et bien arrosé, un paysage majestueux, une escalade exceptionnelle bien que un peu courte et la gentillesse un peu bourrue des Crêtois qui nous a presque fait oublier les mauvais souvenir de voyage en Grèce continentale…

Avis au voyageur grimpeurs; la Crête est vraiment un bon plan

Références:


  • Le topo annoté par Alain Bruzy

  • Stavros se situe au Nord de Xania à l’extrémité NO de la péninsule

  • Carte IGN 1/150 000 Crête pas mal

  • Topo ‘climbing in chania’ Aghna éditions Anabash Athène : vraiment bien

  • La voie « EYATTENOS » n°6 du topo du paragraphe Stavros : magnifique 130m, 6a+ max,TD 

  • Paillote sur la plage de Stavros ‘sunset beach’ : super cuisine éclectique et raki ‘a tope’

Les voies ouvertes par Alain Bruzy et Olivier Dupuy

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