Prélèvement d’un loup dans la Drôme : les éleveurs de montagne en colère

 « Berger, vous faites un beau métier…. c’est agréable… vous travaillez au milieu d’un beau paysage de montagne…. elle est mignonne votre cabane… ». Ces observations, au demeurant très sympathiques, tous les bergers et éleveurs les ont entendues, les jours de beau temps, sous un soleil radieux, de la part de touristes et randonneurs dans les alpages des Alpes ou les estives des Pyrénées. Mais avec la présence du loup, la vie n’y est pas un long fleuve tranquille, loin de là. Rajouté au travail des foins dans la vallée, aux contraintes administratives diverses et aux risques de procédures judiciaires parce qu’un patou aura mordu un randonneur…. C’est parfois l’enfer. Ce qui se passe actuellement dans la Drôme est un court résumé de la problématique pastorale qui se retrouve dans toutes les montagnes

A la suite nombreuses prédations de loups sur des troupeaux de moutons dans le secteur des communes de Boulc, Glandage et Lus le Croix Haute, le préfet de la Drôme a pris un arrêté, hier 6 mai, « autorisant la mise en œuvre de tirs de prélèvement d’un individus de l’espèce canis lupus sur les unités pastorales ».

Une autorisation attendue mais tardive est prise suite à un coup de colère de la part des éleveurs victimes de prédations régulières depuis l’an dernier.

Le préfet prend en considération « la vulnérabilité particulière des exploitations d’élevages ovins » sur ce secteur « due à la conduite en lot de faible effectif…. ». Il considère que « la mise en œuvre de ces tirs de prélèvement ne nuira pas au maintien du loup dans un état de conservation favorable dans son aire de répartition naturelle… ». Pour lui, « les tirs de prélèvement permettent d’assurer un moyen supplémentaire de protection des troupeaux domestiques en prévision de la mise à l’herbe en mai prochain, la présence du loup étant constatée régulièrement ces derniers mois… » Cet arrêté est valable un mois. Et le délai de recours devant le tribunal administratif est de deux mois.

Quelle efficacité ?

Les éleveurs concernés ont déjà pris des mesures de protection préconisées par les divers donneurs de leçon, qui, en général, ne sont ni éleveur ni berger. Mais manifestement inefficaces. La preuve : des dégâts importants ont eu lieu en octobre et novembre 2010 puis, plus récemment les 22 avril et le 5 mai 2011. Des tirs de défense ont eu lieu à proximité des troupeaux, comme l’an dernier. Mais sans succès. Le 22 octobre 2010, une autorisation de tirs de prélèvement avait déjà été prise. Mais aucun résultat. Pas un loup à l’horizon… comme par hasard. De là à penser que cette fois il y aura efficacité, c’est assez peu probable.

Pourquoi ?

Parce que le tir n’est pas instantané, immédiat dès que le trouble est constaté. D’autre part, dés que les associations de protection des loups prennent connaissances de ces arrêtés, le plus souvent elles organisent discrètement des opérations d’effarouchement envoyant ainsi les loups faire des dégâts chez les voisins. Certains éleveurs n’hésitant d’ailleurs pas à accuser des agents de l’ONCFS de « complicité » afin de rendre les tirs inefficaces. Nous pouvons d’ailleurs nous interroger sur le fait que pour l’ensemble des autorisations de 2010, aucun loup n’a été tué alors qu’ils ont été photographiés à proximité des troupeaux.

La colère gronde, l’État responsable

Actuellement, la colère est montée d’un cran chez les éleveurs des unités pastorales des communes de Boulc, Glandage et Lus le Croix Haute. Partis l’an dernier d’une volonté de dialogue et d’apaisement, le constat de néant de la part des pouvoirs publics pourraient bien faire changer sérieusement d’attitude. D’autant que depuis la loi du 27 juillet 2010, c’est à l’état d’assurer la protection.


Dans un communiqué du 29 avril dernier, la Fédération des Acteurs Ruraux le rappelle : « Il appartient aujourd’hui à l’État d’assumer ses responsabilités : « assurer la sécurité des biens et des personnes » en prenant des mesures qui puissent être mises en place de manière simple, efficaces, rapides, et cela afin de respecter la loi qu’il a lui-même écrite le 27 juillet 2010 : article L113.1 du code rural ».

Dans cette affaire, l’état est pris dans l’étau de ses obligations de protection des troupeaux mais aussi de protection du loup. Une belle preuve s’il en fallait une que la cohabitation du loup et du mouton est impossible.
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Rappel de l’article L113.1 du code rural

Par leur contribution à la production, à l’emploi, à l’entretien des sols, à la protection des paysages, à la gestion et au développement de la biodiversité, l’agriculture, le pastoralisme et la forêt de montagne sont reconnus d’intérêt général comme activités de base de la vie montagnarde et comme gestionnaires centraux de l’espace montagnard.

En conformité avec les dispositions des traités instituant la Communauté économique européenne, le Gouvernement, reconnaissant ces rôles fondamentaux de l’agriculture, du pastoralisme et de la forêt de montagne, s’attache à :

1° Encourager des types de développement adaptés à la montagne, notamment en consentant un effort particulier de recherche appropriée aux potentialités, aux contraintes et aux traditions de la montagne et en diffusant les connaissances acquises ;

2° Mettre en œuvre une politique agricole différenciée favorisant l’élevage et l’économie laitière dans les secteurs qui n’ont pas la possibilité de productions alternatives ;

3° Promouvoir les productions de qualité et faire prendre en compte leurs spécificités dans le cadre de l’organisation et de la gestion des marchés agricoles et forestiers, notamment dans le cadre des organisations interprofessionnelles reconnues ;

4° Assurer la préservation des terres agricoles, pastorales et forestières ;

5° Prendre en compte les handicaps naturels de l’agriculture par des mesures particulières visant notamment à compenser financièrement les surcoûts qu’ils génèrent, ainsi qu’à financer les investissements et le fonctionnement des services collectifs d’assistance technique aux exploitations et à leurs groupements ;

6° Faciliter, en tant que de besoin, la pluriactivité par la complémentarité des activités économiques ;

7° Conforter la fonction environnementale de l’activité agricole en montagne, notamment par la voie contractuelle ;

8° Assurer la pérennité des exploitations agricoles et le maintien du pastoralisme, en particulier en protégeant les troupeaux des attaques du loup et de l’ours dans les territoires exposés à ce risque.

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