Interview : Florent Wolff, réalisateur de High Limit

Interview de l’alsacien Florent Wolff, grimpeur-réalisateur du film ‘High Limit’.

– Kairn : Pourquoi le nom de « High Limit » pour ton film ?

– Florent : Je souhaitais un titre un peu énigmatique. Peut-être faudrait-il d’ailleurs que je continue à cultiver le mystère en ne répondant pas à ta question…Mais comme personne ne le comprend sinon, je me lance dans l’explication ! Dans les casinos de Las Vegas, il y a des secteurs dits ‘High Limit’ où la mise minimale est plus grande qu’ailleurs. Je trouvais que cela représentait un peu notre engagement pour ce voyage puisque Pierre et moi même avons quitté nos emplois respectifs pour se lancer dans ce projet.
Enfin, il s’agit aussi de rappeler que les nouvelles expériences du voyage nous confrontent à nos propres limites.

– Kairn : Qu’est ce qu’il vous attirait initialement dans chacun des sites parcourus ? Comment avez-vous choisi les destinations du road-trip ?

– Florent : Ayant habité au Canada, j’avais déjà grimpé aux Etats-Unis, et j’avoue, un peu honteusement, que le ‘rêve américain’, ses rochers, ses grands espaces, me parle tout à fait. De façon contradictoire, je suis fasciné par l’Amérique du Nord, presque autant que certains aspects de leurs styles de vie peuvent me répugner. Il s’agissait donc de confronter certains de mes rêves (issus de lectures, de films, de photos) à la réalité, et ce en prenant plus de temps que de simples vacances qui finissent toujours trop vite. Le choix des sites s’est fait ensuite fait en fonction de nos inspirations, et en suivant une certaine logique (géographique, climatique…).

– Kairn : A travers ce documentaire, qu’est-ce qu’il te semblait important de montrer au public ?

– Florent : Ce film n’est qu’un modeste carnet de voyage, et ne prétend relater que certaines de nos expériences là-bas. Il s’agissait de montrer cela, pas uniquement à travers l’escalade. Si cela peut motiver certains grimpeurs à aller découvrir Smith Rock plutôt que de retourner pour la énième fois en Catalogne ou à Kalymnos, ce n’est pas plus mal !
D’un point de vue ‘filmique’, et aussi parce que je n’en avais pas les moyens, je souhaitais me démarquer d’une certaine tendance des films ‘clips’ qui ne montrent qu’une débauche de haute difficulté, avec des athlètes beuglant. Même si souvent, les images sont très belles, cela tourne un peu rond et je me demande si nous ne sommes en face d’une impasse artistique.

– Kairn : Quelle est ta principale satisfaction, ton meilleur souvenir et ton coup de cœur de ce voyage ? Et pourquoi ?

– Florent : Smith Rock : je fus vraiment ému de découvrir toutes ces lignes, ces mythes fondateurs de l’escalade sportive nord-américaine. J’étais dans le même état d’esprit que lors de ma première visite à Buoux, en 1996 je crois. Et au-delà de ça, je fus très marqué par la qualité de l’escalade là-bas etl’accueil chaleureux des gens.

– Kairn : A l’inverse, quel est ton plus grand regret ? Et ton plus mauvais souvenir du voyage ?

– Florent : Ce qui m’a le plus déplu est le côté ‘parc d’attraction’ (et tout le cortège de contraintes qui vont avec) du Yosemite, sa promiscuité.

– Kairn : Un truc que vous n’avez pas eu le temps de faire ?

– Florent : Il y aurait beaucoup à dire. Mais je retiendrai qu’à la fin du séjour, nous étions devenus un peu casaniers, alors qu’il y avait encore beaucoup de sites à découvrir dans le coin où nous étions : Zion et tous les sites du Sud de l’Utah, Mount Charleston aussi, Joshua Tree et Bishop.

– Kairn : Quelle est pour toi la principale difficulté que vous avez rencontré dans ce voyage itinérant ?

– Florent : Garder un certain niveau en escalade, sans pouvoir s’entraîner. Car contrairement à ce que l’on pourrait croire, être en road trip n’est pas la meilleure solution pour être ‘fort’. La fatigue, l’inconfort, le froid pouvaient mettre à mal notre motivation et notre état de forme.
Enfin, j’ai rencontré une vraie difficulté à grimper en fissures, un style que je ne connaissais  pas trop et que je n’affectionne toujours pas tellement, principalement à cause des douleurs que cela implique.

– Kairn : Pour toi, qu’est-ce qui caractérise la grimpe aux US par rapport à l’Europe ?

– Florent : Les fissures justement ! Un genre d’escalade très différent et finalement peu populaire ici. Sinon, je dirai que les abords des falaises sont beaucoup plus propres qu’en France. Les gens ramènent leurs ordures, il y a plus de toilettes sèches, etc. Nous avons globalement été très bien accueillis ; mais peut-être que cette impression est biaisée par le fait que nous étions français et que cela surprenait un peu plus les locaux qui en devenaient du coup très aimables ! Après, il est difficile de parler des Etats-Unis en général, c’est un pays continent avec des différences très marquées d’un état à un autre (et pas seulement au niveau de l’escalade).

– Kairn : Que conseillerais-tu de particulier aux grimpeurs qui ont envie d’aller faire un tour là-bas ?

– Florent : Je conseillerai de partir aussi longtemps que possible (quitte à voyager loin, autant partir longtemps : il n’est pas écologiquement très responsable de traverser la planète pour rester trois jours sur place…). Et aussi parce que les expériences sont souvent plus riches quand nous prenons un peu de temps sur place. Sinon, il m’est difficile de donner des conseils plus précis car cela dépend beaucoup de ce que l’on veut faire : bloc, fissures, big wall, couennes, etc. On peut faire tout cela en Amérique, et sur des sites exceptionnels.

– Kairn : Quelle est la prochaine destination grimpe que tu comptes visiter ?

– Florent : En Europe, l’Écosse et la Roumanie m’attirent particulièrement, et ailleurs, l’Australie est en pole position. Je tâcherai d’aller dans un de ces trois endroits cette année. Merci à tous ceux qui nous ont accueilli et soutenu lors de ce voyage.

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