Interview : Jordi Pou, gardien du gîte de Margalef

Kairn est allé à la rencontre de Jordi Pou, grand équipeur de Margalef, tenant du gîte et figure incontournable de la grimpe locale.

– Kairn : Commençons par les présentations
– Jordi : Je viens d’un bled à côté de Barcelone. Je suis arrivé à Margalef en 1996 car j’avais envie d’équiper des falaises et d’ouvrir un gîte et bien-sûr d’avoir le luxe de vivre sur place et de pouvoir baigner dans l’escalade.

– Kairn : Et tu grimpais déjà depuis longtemps ?
– Jordi :
J’ai commencé à grimper quand j’étais enfant, il y a 36 ans ! Je suis d’ailleurs venu beaucoup en France !

– Kairn : Pourquoi faire un nouveau gîte à Margalef ?
– Jordi : C’était une chose nécessaire en ce moment car il y avait un manque de service à ce niveau pour les grimpeurs et touristes en général. Margalef est maintenant connu, beaucoup de monde vient depuis la découverte du site et il n’y avait pas assez d’accueil.

– Kairn : Qu’est-ce qui change avec ce nouveau gîte/ancien ?
– Jordi : C’est très différent. L’ancien gîte est très petit, dans une très vieille maison. C’était assez rustique, avec une proximité entre les personnes. Au bout de quelques jours, tout le monde se connait, tout le monde parle ensemble. Mais c’était petit et il m’arrivait souvent d’être complet. Dans ce nouveau gîte, c’est très grand. Ce qu’il manque ici, c’est un peu l’histoire de Margalef. Je n’ai pas encore eu le temps de mettre des fresques ou poser de photos au mur. Comme dans l’ancien gîte.

– Kairn : L’ancien gîte, tu vas le ré-ouvrir plus tard ?
– Jordi : Oui, je vais le réhabiliter et je vais le ré-ouvrir, mais je le garderai davantage pour les groupes ou louer toute la maison.

– Kairn : Quand tu es arrivé à Margalef il y a 16 ans, où en était l’escalade ?
– Jordi : Il n’y avait rien ! Tout le potentiel était là mais aucun secteur n’était développé.

– Kairn : Qui a commencé à équiper avec toi au début ?
– Jordi : Au début, j’étais tout seul à équiper. Pendant environ 3 années. Puis ensuite j’ai quelques copains qui sont venus et puis au fur et à mesure beaucoup de monde. Aujourd’hui, pas mal de gens équipent dans le niveau haut. Il y a beaucoup de nouveautés très dures quasiment chaque jour ! Mais dans les niveaux plus bas (7ème degré et moins) il n’y a pas beaucoup de nouveautés actuellement. Du coup, ça fait un endroit assez orienté haut niveau maintenant. 

– Kairn : Mais c’était confidentiel au début ? Ou alors il s’est peu développé à cause de l’effet de mode sur Siurana dans les 90’s ?
– Jordi : Non, le site n’était pas du tout confidentiel. Mais il est vrai que quand j’ai commencé à équiper ici tout le monde allait à Siurana à l’époque. Mais c’est encore vrai maintenant. Aller sur les deux sites, c’est assez complémentaire, deux styles assez différents d’escalade.

– Kairn : Que penses-tu du développement de l’escalade et de la médiatisation de Margalef ces 5 dernières années ?
– Jordi : Ben c’est assez beau de voir ça car il y a un potentiel de voies dans le 8ème degré assez incroyable ici. Tout le gratin vient ici et aligne les exploits, c’est assez gratifiant pour moi de voir ça. Après, il y a aussi des problèmes liés à la surpopulation  comme tous les grands sites, idem pour Siurana avec des ordures et des déchets qui apparaissent ça et là. Il y a des endroits qui restent sales. Le comportement des grimpeurs est généralement assez bon mais il y a toujours des exceptions. Je pense que la voie c’est l’éducation et l’appel au civisme. On doit apprendre aux grimpeurs à respecter les lieux.

– Kairn : l’équipement est collaboratif ici ?
– Jordi : C’est vrai qu’il y a des falaises où les locaux sont assez réticents au fait que des étrangers viennent coller des lignes. Ici c’est vrai c’est assez ouvert. J’espère juste que les gens qui équipent ici font bien les choses maintenant comme éviter la taille et le bricolage. Il y a des voies en 9 naturelles, pourquoi tailler des voies plus faciles !

– Kairn : Y a-t-il des locaux à Margalef ? Des officionados ?
– Jordi : Oh oui, il y en a pas mal qui aimeraient bien vivre ici et qui sont souvent là. Iker Pou par exemple. Dani Andrada, et aussi pas mal de français comme Enzo qui reviennent très souvent.

– Kairn : Comment la municipalité de Margalef voit le développement de l’escalade ici ?
– Jordi :
Le maire comprend parfaitement que l’escalade est bénéfique pour le village et ses habitants. La mairie a toujours soutenu l’escalade dès les débuts et nous a aidé, en faisant le nécessaire pour qu’on ait les autorisations pour qu’on puisse équiper et grimper sans problèmes. Les accès aux secteurs ont aussi été améliorés : la piste goudronnée pour Espadelles, il y a un nouveau parking à Finestra, et aussi ce nouveau gîte qui est ouvert et que je gère et qui est subventionné par la mairie, une véritable auberge de grimpeurs.

– Kairn : Comment expliques-tu le succès de l’escalade en Catalogne ?
– Jordi : Il y a beaucoup de raisons. La première c’est la quantité de bon caillou. Ensuite, le climat, c’est parfait. Et puis aussi la dynamique d’équipement, avec tout le temps de nouvelles voies, de nouveaux secteurs, des nouvelles voies dures à essayer. Ici, cela fait plus de 20 ans qu’on équipe et on trouve encore de nouveaux secteurs ! Ensuite la proximité avec les autres sites, Montsant, Siurana, Cammarrassa, Santa Linya, Terradets, tout est proche et c’est pratique de jongler entre les sites à la journée. Il y a aussi la venue de nombreux grimpeurs professionnels qui en ont fait la réputation.

– Kairn : Ton secteur préféré à Margalef ?
– Jordi :
Il y a quelques secteurs de Margalef qui même si ils étaient seuls, vaudraient le coup. Raco De La Finestra est pour moi incroyable. C’est le premier grand secteur que nous avons équipé. Mais après d’autres secteurs m’attirent comme Espadelles, ou l’Ermitage. Les grands secteurs de Margalef me marquent beaucoup !

– Kairn : Des voies coups de cœur ici ?
– Jordi :
Ben c’est simple, c’est les voies où tu arrives et où il y a la queue et beaucoup de monde qui essaye ! (rires) Plus sérieusement, dans chaque difficulté, il y a de petits trésors. Dans le 6ème degré, il ne faut pas manquer d’aller au Cami de l’Ermita, c’est là pour moi où il y a les plus belles voies de ce niveau ici. Pour les voies en 7ème degré, à la Finestra bien-sûr. Et je recommande aussi le secteur de l’Escut dans la vallée de Coma Closa ou pas grand monde ne va, il recèle de belles voies dont un 7c que pas mal considèrent comme la plus belle voie de Margalef. Et tu es tranquille en plus !

– Kairn : Un message à faire passer ?
– Jordi : ici, tout le monde est bienvenu. J’insiste juste dans le comportement respectueux des grimpeurs car les lieux sont ultra-fréquentés. Un peu de civisme s’il vous plaît !
 
Pour contacter Jordi pour un hébergement à Margalef : refumargalef@yahoo.es

Laisser un commentaire

onze + 3 =