Interview : Mathieu Bouyoud

A presque 21 ans, Mathieu Bouyoud incarne la nouvelle génération de jeunes grimpeurs très motivés par l’escalade sportive en falaise. Le grimpeur chambérien est un véritable touche à tout : équipeur de voies, exécuteur de voies dures, globe-trotteur et défricheur de nouveaux spots magiques, répétiteur de grandes voies,…On rappelle notamment que Mathieu a gravi ses deux premiers 9a cet été sur la falaise de la Balme. Portrait d’un des falaisistes français les plus actifs du moment. Les photos sont issues de sa collection photo personnelle.

 – Kairn : Peux-tu nous en dire plus sur la première ascension à La Balme, « Classée dure » 9a, que tu as réalisé il y a quelques jours ? Compare avec « Shortut », la voie que tu avais ouverte en juillet.
– Mathieu :
Tout d’abord je n’ai pas ouvert « ShortCut », c’est une voie qui existait déjà, c’est la suite logique de « Dissidence » 8c dans le 8b+ « Agenda 21 ». Par contre, « Classée dure » je l’ai ouverte l’année dernière et je pense que cette voie est plus difficile que « Short Cut » car elle est encore plus physique, surtout dans le toit final (les 4 dernières dégaines). Elle fait 35 mètres de développé environ. La particularité de cette voie, c’est qu’elle se situe sur une arche de la grotte, cela donne des mouvements peu commodes, l’ensemble est  besogneux tout de même.

– Kairn : A quel âge as-tu commencé à grimper ? et en falaise ? Raconte tes débuts.
– Mathieu :
J’ai commencé à grimper dès que j’ai pu sur les falaises de St Alban Leysse juste au dessus de chez moi. C’est un site qui m’a permis de découvrir l’escalade. J’ai aussi beaucoup accroché à l’activité lorsque je la pratiquais avec Clément Savonitti au collège. Un horaire aménagé nous permettait de grimper le mardi après midi. Déjà nous réalisions des premières dans des nouvelles voies que mon père équipait exprès pour nous.
Et puis, on m’a parlé de la Balme. J’ai fait comme tout le monde, j’ai travaillé les voies et le niveau est monté très rapidement.

– Kairn : Il me semble que tu as commencé aussi à équiper très jeune, ce qui est rare. Raconte aussi tes débuts et comment t’es-tu retrouvé avec un perfo entre les mains.
– Mathieu :
J’ai commencé à équiper à 15 ans au Mt Peney un secteur de couennes. Mon père avait déjà équipé pas mal de grandes voies, donc le perfo, les goujons étaient déjà à la maison. J’ai fait mes armes, équipement du bas en artif, équipement du haut, remonté dans les arbres… Enfin bref j’ai fait un peu de tout… Et maintenant j’ouvre dans pas mal d’endroits : La Balme, la grotte de Bange, La Chambotte, Les Fontaines, Le Peney, Antalya en Turquie, Yangshuo en Chine, Tonsai en Thaïlande…

– Kairn : Tu réalises du coup beaucoup de premières ascensions. Le parfum particulier des premières t’attire ?
– Mathieu :
C’est sûr que de faire la première d’une voie que j’ai équipé, est très satisfaisant. Je pense que l’équipeur, s’il a le niveau, doit faire la première de sa voie. C’est un peu la seule récompense qu’il peut s’offrir après son travail. C’est un peu comme un retour sur investissement.
Par contre, je ne cours pas après les premières des voies que je n’ai pas équipées même si par manque de projet je profite souvent de nouvelles voies équipées par David Laurent dans des falaises en Savoie.

– Kairn : Combien de temps consacres-tu à l’escalade en ce moment ? Tu fais des études ?
– Mathieu :
Je suis actuellement en 3ème année de DUT de techniques de commercialisation au CESNI, au Bourget du Lac (Savoie). Je suis aussi en cours de formation du brevet d’état d’escalade au CREPS de Voiron.
J’ai l’avantage d’avoir un emploi du temps aménagé qui me permet d’avoir du temps pour grimper.
Je pratique donc l’escalade dès que j’ai du temps libre, en moyenne un jour sur deux.

– Kairn : Ton style préféré d’escalade.
– Mathieu :
C’est sûr, j’aime tout particulièrement les voies longues, ce qui ne m’empêche pas de faire des voies courtes ou un peu de blocs. C’est très intéressant de varier les styles.

– Kairn : On te voit t’aligner sur les compétitions nationales régulièrement. Est-ce réellement un objectif pour toi ?
– Mathieu :
J’aime bien aussi faire des compétitions, mais je n’arrive pas à retrouver les mêmes sensations qu’en falaise. Etre dehors, c’est quand même autre chose, c’est un petit plus qui me permet de mieux grimper. Les voies en extérieur ne sont pas éphémères.

– Kairn : L’entraînement. Est-ce une part importante de ta pratique ou tu préfères grimper dehors ?
– Mathieu :
Je m’entraine en salle seulement l’hiver et en début de printemps, c’est sûr que je préfère grimper en falaise !

– Kairn : Tu es au club très dynamique de Chambéry Escalade. Qu’est-ce qui fait sa force selon toi ?
– Mathieu :
C’est un club très bien structuré où les entraineurs ainsi que l’équipe dirigeante sont autant motivés que les jeunes pour progresser. Même si toutefois, il y a un petit hic, les structures utilisées commencent à vraiment dater et ne correspondent plus aux attentes et besoins des grimpeurs de haut niveau. Le futur s’annonce peut-être meilleur, les dirigeants font tout pour, je leur souhaite bon courage !

– Kairn : Tu as plié beaucoup de voies dures partout dans le Monde.  Peut-on dire que tu possèdes un côté collectionneur de voies extrêmes, un profil un peu à la Dani Andrada ?
– Mathieu :
J’aime bien collectionner les voies dures. Je n’en suis pas par contre encore au niveau de Dani ! Je n’ai pas encore atteint les mille voies dans le huit ! Peut-être un jour !

– Kairn : Tu es allé l’an dernier en Chine et en Turquie dans des falaises en plein développement (Antalya, Yangshuo), que retiens-tu et peux-tu nous apprendre de ces deux trips dans ces destinations exotiques ?
– Mathieu :
J’ai pu constater, que souvent, ce n’est qu’une seule personne qui a développé l’activité dans ce genre de sites à l’étranger (ex : Tobias Haug en Turquie) et que sans eux, il n’y aurait pas grand-chose à ce jour. Les deux sites que tu mentionnes, sont je pense, à la fin de leur développement. Par contre en Chine comme en Turquie, il y a plein d’autres endroits non développés qui vont devenir des sites phare dans quelques années. Il y encore tout à découvrir dans ces pays.

– Kairn : Tu étais aussi en Thaïlande en février. Surfait ou destination à conseiller ?
– Mathieu :
C’est très beau, c’est sûr ! Par contre pour grimper, il faut vraiment être très motivé car la chaleur (40 degrés à l’ombre le matin, sans parler de l’humidité) a vite fait de te clouer au sol !
Avec Chloé Graftiaux, nous avions trouvé une petite parade, soit il faut grimper aux alentours de 7 heures du matin ou sinon de nuit !

– Kairn : Tu as pas mal grimpé en Espagne, sur les falaises catalanes « à la mode » où nombre de grimpeurs français trouvent les cotations très « discount ». Ton avis sur la question.

– Mathieu : Il y a de tout en Espagne, des sites élitistes où « discount » comme tu dis. Je regrette un peu que l’ensemble des grimpeurs ne retiennent pas l’Espagne comme un endroit où il y a des voies uniques et extraordinaires.
Une cotation est faite pour évoluer, la majorité des grimpeurs pensent que la cotation donnée par l’équipeur doit être tout de suite la bonne.
Il est un peu regrettable qu’il n’y est pas un vrai dialogue entre les grimpeurs pour ajuster une côte. Un équipeur serre une cote ainsi qu’un grimpeur décote souvent dans le seul but de se faire mousser. C’est dommage.

– Kairn : Tu es plutôt à vue ou après-travail ?
– Mathieu :
A vue ! Le ‘à vue’ est un très bel effort, qui requière plus d’expérience que le après travail. C’est un essai qui demande aussi pas mal d’intuition et de chance.

– Kairn : Et le bloc dans tout cela ?
– Mathieu :
J’aborde le bloc plus comme un jeu, je n’en fais pas beaucoup car il n’y en a pas à Chambéry. Mais je vais aller à Fontainebleau bientôt.

– Kairn : Récemment, tu as répété une grande voie dure à l’Aulp du Seuil, un hommage amer. Est-ce que cela t’a donné envie de t’investir dans d’autres projets du même type ?
– Mathieu :
Tout de suite après avoir enchainé cette voie, je suis allé repérer « Carnet d’adresse » au Rocher du Midi avec Jean Elie Crestin-Billet, maintenant il faut que j’aille tenter ma chance. C’est vraiment une belle voie, je la préfère à celle de l’Aulp du Seuil car il y a moins de longueurs de liaisons entre celles en huit.

– Kairn : Ton top 3 de falaises préférées. Et en France ?
– Mathieu :
Juste trois ! St Léger du Ventoux : c’est là-bas que j’ai fait mes premières voies dures. Les Gorges du Tarn car il y a plein de voies longues. Les Rochers de Presles : des couennes, des grandes voies, il n’y a qu’à choisir !

– Kairn : Ton top 3 de voies ?
– Mathieu : « Solitude » 8b à Chindrieux , Euphorie 8b+ à « Voralpsee » et « Hulkosaure » 8b au Verdon

– Kairn : Les projets qui te tiennent à cœur pour cet hiver.
– Mathieu :
Découvrir des nouvelles falaises, grimper le plus possible !

– Kairn : Un truc à rajouter.
– Mathieu :
Merci à Millet et Cilao qui m’aident dans tous mes projets.
Mais aussi au dirigeant du site internet Jegrimpe.com qui me fournit du matériel pour équiper et des solutions pour évoluer dans ma formation professionnelle.

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