Le Mont Blanc broie du noir

Luna Park ou site classé ? L’avenir du toit de l’Europe, menacé par la surfréquentation, reste en suspens.

Le 15 décembre dernier, le quotidien genevois Le Temps dressait un portrait apocalyptique de l’A41, un an après sa mise en service. “Le succès n’est pas au rendez-vous pour l’autoroute qui relie Annecy à Genève en moins de trente minutes. C’est le trafic pendulaire qui marque le pas.” En clair, “les automobilistes qui effectuent un trajet domicile-travail ne sont pas au rendez-vous”. Et puis sont venues les vacances de Noël et la reprise de janvier. Soulagement général : “Le taux de fréquentation a enfin décollé et a été jugé bon par l’entreprise concessionnaire.” Quant au nombre des abonnements, il est enfin en phase avec les prévisions.
Pour Jean-Marc Peillex, le maire de Saint-Gervais-les-Bains (Haute-Savoie), la surfréquentation du sommet, avec son cortège de décès et de nuisances écologiques, “n’est plus tolérable : le mont Blanc est devenu un parc d’attractions”, répète-t-il. Il a une solution : instaurer un permis d’ascension, idée rejetée par le milieu montagnard, qui plaide pour plus d’information. La mortalité dans les montagnes françaises est stable : une centaine de morts chaque été, dont un quart de randonneurs et une dizaine d’alpinistes sur le seul mont Blanc. Les grands jours, plus de 300 personnes se lancent sur ses pentes. La célèbre montagne souffre, outre de son irrépressible aura de point culminant, d’un accès trop banalisé en raison des remontées mécaniques sur ses flancs et d’une promotion locale historique. Le maire de Saint-Gervais est à cet égard un parfait tartuffe : il n’a de cesse d’utiliser le mont Blanc pour sa communication, invitant à tour de bras journalistes et “pipeules”, Gérard Holtz et PPDA en tête, à venir le gravir, rebaptisant sa commune “Saint-Gervais-Mont-Blanc” sur ses brochures, bataillant comme un forcené pour faire monter plus haut le train touristique de Saint-Gervais et ses 150 000 passagers annuels, au-delà de son terminus actuel à 2 400 mètres. Jean-Paul Trichet, vice-président de ProMont-Blanc, fédération franco-italo-helvétique des associations de défense du massif, grince : “C’est un adepte de l’egologie ; il fait feu de tout bois, sans reculer devant les pires contradictions. Il focalise l’intérêt des médias sur la fréquentation du sommet au détriment des vraies menaces.”

Si le massif du Mont-Blanc est effectivement devenu un parc d’attractions, les 20 000 à 30 000 alpinistes attirés chaque année par son sommet ne représentent qu’une goutte d’eau parmi les quelque 5 millions de visiteurs annuels, Français, Italiens et Suisses confondus. L’économie locale vit du tourisme, une manne dont profite avant tout la vallée de l’Arve, c’est-à-dire Chamonix et ses voisines, mais aussi Courmayeur, en Italie, ou Saint-Gervais… Cet afflux de skieurs et de touristes génère de sérieux soucis : trafic routier, pollution de l’air, nuisances sonores du trafic et des survols incessants du massif, pression urbanistique. On a beaucoup construit et on construit encore, à Chamonix comme à Courmayeur. La spéculation immobilière chasse habitants permanents et travailleurs saisonniers vers le bas des vallées, augmentant d’autant le trafic automobile.


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