Le plus grand gisement de fer au monde découvert : un trésor de 6 000 milliards qui pourrait tout changer

L’annonce a beaucoup circulé en ligne, mais elle mélange deux réalités : il ne s’agit pas d’un « nouveau gisement » unique tout juste découvert, mais de la province de Hamersley (Pilbara, Australie-Occidentale), connue et exploitée depuis des décennies, dont l’ampleur (> 55 milliards de tonnes) est régulièrement rappelée dans la littérature scientifique et de vulgarisation.

La « valeur » de 6 000 milliards $ relève d’extrapolations médiatiques, non d’une évaluation officielle : aucune autorité géologique n’a annoncé une telle découverte ni chiffrage consolidé à ce montant.

Un trésor enfoui au cœur du Pilbara

La découverte aurait eu lieu dans la région du Hamersley, déjà célèbre pour ses ressources minières. En réalité, l’immensité du Pilbara est documentée de longue date et fournit l’essentiel du minerai de fer australien, dans des mines à ciel ouvert parmi les plus productives du monde. L’« effet wahou » tient surtout à la mise en perspective d’un inventaire régional plutôt qu’à l’irruption d’un gisement inédit.¹

Le saviez-vous ?
La province de Hamersley alimente à elle seule une part considérable du fer mondial, avec des corridors ferroviaires et portuaires parmi les plus denses de l’industrie.

Carte géologique du craton de Pilbara avec les emplacements d’échantillonnage indiqués par des étoiles bleues (à gauche). Colonne stratigraphique (à droite) montrant le groupe de Hamersley, qui abrite tous les gisements d’hématite à microplatines martites et les groupes sus-jacents contenant des fragments de minerai d’hématite. Crédit : Actes de l’Académie nationale des sciences

Quand la science redessine le passé

La nouveauté est scientifique : une étude parue en 2024 a recalé l’âge d’enrichissement des grands gisements du Pilbara. Les hautes teneurs minières (hématite > 60 % Fe) ne se seraient pas formées vers 2,2 milliards d’années, comme on l’a longtemps pensé, mais entre 1,4 et 1,1 milliard d’années, en lien avec les cycles de supercontinents.

Le saviez-vous ?
Les formations de fer rubané (BIF) contiennent au départ ~30 % Fe ; des processus ultérieurs d’enrichissement les ont portées à des teneurs exploitables (> 60 %).²

Images numérisées de chaque échantillon (à gauche) et du bloc poli rond correspondant de 2,5 cm (1 pouce) extrait de l’échantillon (à droite). Les échantillons A et B proviennent de lits de conglomérat, et les échantillons C à H de gisements actifs de martite et d’hématite microplaquette. Le rubanement visible dans la plupart des échantillons est un vestige de la stratification BIF d’origine. L’échantillon G du gisement de Channar se distingue de tous les autres échantillons par sa recristallisation par métamorphisme de contact. L’échantillon (H) contient de fines interstratifications de goethite orange. Crédit : Actes de l’Académie nationale des sciences

Une avancée technologique au service de l’exploitation

Les méthodes d’analyse isotopique (U-Pb in situ sur oxydes de fer) ont permis ce recalage chronologique, ce qui améliore la ciblage de futures zones prospectives. Concrètement, cela n’implique pas qu’un « super-gisement » inédit de 55 milliards de tonnes ait surgi, mais bien que l’on comprend mieux quand et comment les gisements existants ont atteint leur haute teneur

Des conséquences économiques mondiales

L’Australie domine déjà le marché du minerai de fer, et le Pilbara en est la plaque tournante. Dans cette région, on extrait plus de 90 % du fer australien et une part majeure des flux mondiaux, ce qui explique l’écho donné à toute actualisation scientifique sur Hamersley.³
En revanche, parler d’un « choc de 6 000 milliards $ » suppose un prix et une quantité mobilisable qu’aucune agence publique n’a validés ; les rapports officiels (USGS, gouvernements) ne font état que de réserves et ressources agrégées, sans découverte unique de cette ampleur en 2025.⁴

Une découverte qui ne fait que commencer

Si cette « découverte » est surtout une mise à jour géologique, elle ouvre des pistes : recouper l’âge des gisements avec la tectonique aide à guider l’exploration, en Australie comme ailleurs. Le Pilbara reste un cas d’école où se rencontrent géologie fondamentale, infrastructures industrielles et marchés mondiaux.

Notes de bas de pages

  1. Comment la rupture d’un supercontinent a créé les plus grands gisements de fer — SciencePost — https://sciencepost.fr/rupture-supercontinent-a-cree-gisements-fer/
  2. A billion-year shift in the formation of Earth’s largest ore deposits (PNAS, 2024) — Proceedings of the National Academy of Sciences — https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2405741121
  3. Australie – Cap Lambert, synapse du système productif minier du Pilbara — CNES / Geoimage — https://cnes.fr/geoimage/australie-cap-lambert-synapse-systeme-productif-minier-pilbara-australie-occidentale
  4. Mineral Commodity Summaries 2025 – Iron ore (données mondiales) — USGS — https://pubs.usgs.gov/periodicals/mcs2025/mcs2025.pdf ; Faits sur le minerai de fer (2025) — Ressources naturelles Canada — https://ressources-naturelles.canada.ca/mineraux-exploitation-miniere/donnees-statistiques-analyses-exploitation-miniere/faits-mineraux-metaux/faits-minerai-fer

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