Quand on pense au Texas, on imagine souvent ses vastes étendues désertiques, ses ranchs et son pétrole. Mais aujourd’hui, l’État américain pourrait bien se retrouver au cœur d’une nouvelle bataille géopolitique, bien loin des cowboys et de l’or noir : celle du lithium.
Une dépendance mondiale au lithium
Le lithium est devenu un véritable enjeu stratégique. Depuis des années, la Chine domine l’extraction et le raffinage de ce métal, s’assurant ainsi un contrôle crucial sur l’approvisionnement mondial, notamment pour la production de batteries. Cependant, la dépendance croissante du monde entier au lithium a poussé certains pays à chercher des alternatives locales. Cette dynamique a accéléré les discussions autour de la sécurisation de l’approvisionnement en lithium au-delà des frontières chinoises.
En février 2025, un événement majeur a secoué le marché : la société Jiangsu Jiuwu Hi-Tech a arrêté l’exportation de ses équipements de filtration, nécessaires à l’extraction du lithium. Ce geste, bien qu’officiellement lié à des tensions commerciales, a renforcé l’idée de la domination de la Chine dans ce secteur stratégique, créant une onde de choc au sein des marchés internationaux.
Le Texas : un nouvel eldorado pour le lithium
C’est ici que le Texas entre en scène. L’entreprise GeoFrame Energy, installée dans l’État, a repéré une véritable mine d’or – ou plutôt de lithium – au cœur de ses terres. GeoFrame est implantée dans la Smackover Formation, une zone géologique initialement exploitée pour le pétrole. Aujourd’hui, ce même sous-sol cache des concentrations de lithium parmi les plus élevées du continent. La société détient plus de 3 000 hectares de terrain riche en saumure géothermale, une ressource que l’entreprise entend exploiter pour répondre à la demande croissante de lithium.
GeoFrame bénéficie de deux décennies d’expérience en matière de forages, avec plus de 6 700 puits déjà étudiés. Cette expertise, combinée aux données collectées, devrait permettre à l’entreprise de se positionner comme un acteur majeur dans la production de lithium aux États-Unis. En 2026, l’entreprise prévoit de produire 3 000 tonnes de lithium, avec l’objectif d’atteindre 83 500 tonnes par an d’ici 2029, couvrant ainsi la totalité de la demande intérieure des États-Unis.
Une extraction plus propre et durable
L’innovation majeure de GeoFrame réside dans sa méthode d’extraction. Fini le temps des mines à ciel ouvert, place à une technologie d’extraction appelée DLE (Direct Lithium Extraction), qui permet d’extraire le lithium de manière plus douce et respectueuse de l’environnement. Cette méthode, développée en collaboration avec des institutions de recherche reconnues, consiste à extraire le lithium des saumures en utilisant des solvants peu agressifs, puis à réinjecter la solution purifiée dans le sous-sol. Résultat ? Un processus plus respectueux, sans destruction de paysages et sans pollution des nappes phréatiques.
Cette méthode d’extraction, qui permet de récupérer entre 92 et 95 % du lithium, nécessite moins de terrain et de ressources naturelles, réduisant ainsi l’impact écologique. L’énorme avantage est aussi que la production sera alimentée par de l’énergie géothermique, une source propre, issue du même sous-sol que le lithium lui-même. Cela permet de garantir une extraction quasiment sans émission de gaz à effet de serre, avec même la possibilité de revendre l’excédent d’énergie au réseau local.
Un tournant géopolitique majeur
Si GeoFrame atteint ses objectifs, elle pourrait changer la donne dans la lutte pour l’indépendance énergétique des États-Unis. Un lithium 100 % américain, extrait et raffiné localement, représenterait une véritable rupture avec la dépendance actuelle aux chaînes logistiques chinoises. Ce modèle permettrait de sécuriser l’approvisionnement des États-Unis en lithium sans avoir à recourir à des importations de réactifs ou de savoir-faire étrangers.
L’enjeu est stratégique, dépassant largement le cadre industriel. Il touche à l’autonomie énergétique des États-Unis et à la puissance géopolitique du pays. Un lithium « made in USA », propre et compétitif, pourrait constituer un levier majeur pour contrer l’influence chinoise et repositionner les États-Unis comme un acteur central dans le secteur de la transition énergétique mondiale.
Une course contre la montre
Cependant, rien n’est encore gagné. GeoFrame en est encore au stade de démonstration, et les infrastructures nécessaires à la production à grande échelle sont en construction. De plus, la concurrence reste féroce, notamment avec des pays comme le Chili, l’Australie ou même la Chine, où des projets d’extraction de lithium se développent à grande vitesse.
Si la route est encore semée d’embûches, le Texas pourrait bien être la clé d’un nouveau modèle énergétique mondial, redessinant les cartes géopolitiques et donnant un coup d’accélérateur à la transition énergétique. D’ici quelques années, l’État du Texas pourrait devenir non seulement le cœur de l’industrie pétrolière, mais aussi l’épicentre de la révolution verte.