La ville de Leh (27 500 habitants) est la capitale du Ladakh, région bouddhiste de l’Himalaya indien, centrée sur la vallée de l’Indus. Par voie de terre, elle n’est accessible que par une série de cols à plus de 4 500 mètres ; en hiver, l’aéroport Kushok Bakula Rinpoche est le seul lien avec le monde extérieur. Malgré son isolement, cette région a une importance géopolitique et géostratégique capitale, car elle est ceinturée par deux « frontières chaudes ».
À l’ouest et au nord, l’Inde est ainsi aux prises avec le vieil ennemi pakistanais depuis 1949, et la fin de la première guerre indo-pakistanaise pour le contrôle du Cachemire. En 1965, 1971, 1984 et 1999, le fragile équilibre est rompu, et des combats éclatent sur des théâtres d’opération extrêmes : le conflit de 1984, pour le contrôle du glacier du Siachen, fut alors qualifié de « guerre la plus haute du monde » et celui de 1999, autour de Kargil, fut une « guerre des glaces ». En août 2014, les incursions et les pilonnages pakistanais sur le territoire indien se multiplient, donnant lieu à une nouvelle poussée de fièvre politique et nationaliste. À l’est, l’ambitieuse puissance chinoise menace également. En 1951, les forces de Mao Tse Tung annexent le Tibet et, au nom de la proximité culturelle entre les deux régions, prolongent leur avancée vers le Ladakh. En 1962, une courte guerre voit la victoire des Chinois, qui occupent 37 500 km² de terrain. Depuis, de régulières escarmouches rappellent la précarité du statu quo.
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Comme dans tout conflit, la lutte des symboles est forte, et l’on peut remarquer que l’oropolitique a aussi ses propres enjeux de propagande et de rivalité. Ainsi, l’armée marque symboliquement la souveraineté indienne sur le territoire par d’immenses messages à caractère politique, tracés sur les glacis arides à l’aide de pierres peintes, et visibles depuis la vallée et le ciel. À l’ouest de Leh, un de ces messages exhorte par exemple les soldats de la Bharatya Thalsena, surnom de l’armée indienne, à « toucher le ciel avec gloire ». Le Khardung La est lui-même l’objet de revendications contraires : si l’Inde affirme que ses 5359 mètres d’altitude en font le plus haut col routier du monde, ce record est contesté par la Chine, pour qui le Semo La, situé au Tibet, culminerait à 5565 m.