Le dernier numéro (104) de la revue Pastum de l’Association Française de Pastoralisme (AFP) nous livre une revue bibliographique de la restauration des loups aux USA, plus précisément dans les Montagnes Rocheuses du nord, là se situe, notamment, le Parc national de Yellowstone. Les auteurs, Michel Meuret et Pierre-Louis Osty, et l’éditeur de la revue, ont bien voulu nous autoriser à reproduire cet article pour compléter nos connaissances sur le milieu de ces montagnes de l’ouest américain. Nous les en remercions.
‘Plusieurs populations de loups vivent actuellement sur le territoire continental des ÉtatsUnis (figure 1), toutes ayant fait l’objet d’une politique nationale de restauration. Cette politique devient une saga à rebondissements lorsque, mise en opérationnalité et déclinée localement, s’y bousculent le biologique et le juridique, le symbolique et l’économique. Nous nous sommes focalisés sur un exemple typique : la restauration d’une population de loups au nord des Montagnes Rocheuses, comportant ceux du Parc National de Yellowstone.
De l’éradication d’un nuisible à la restauration d’un protégé
‘En raison de leur prédation sur troupeaux domestiques et gros gibier, les loups des États-Unis ont été chassés sous l’autorité de l’administration du début du 20 ième siècle, jusqu’à leur disparition dans les années 1930 des 48 États continentaux, Alaska mis à part. N’ont subsisté qu’une petite population transfrontalière dans la région des Grands Lacs, au nord du Minnesota, quelques individus à l’est dans le massif des Appalaches et quelques autres encore dans les Rocheuses près de la frontière canadienne. L’éradication incombait à l’organisme fédéral US Biological Survey. Requali?é depuis en US Fish and Wildlife Service (FWS : Service de la Pêche, de la Faune et de la Flore), c’est le même qui, en 1974, s’est vu confier le programme de restauration des populations de loups. En décembre 1973, Richard Nixon avait en effet signé la Loi fédérale renforçant la protection des espèces et de leurs habitats (ESA : Endangered Species Act). Parmi les têtes de liste, le loup gris, Canis lupus, était classé ‘en danger d’extinction’, c’est-à-dire au plus haut niveau de protection. À la même période, l’imposante population de loups du sud-ouest canadien, dite de l’Alberta, retrouvait une dynamique positive, après que plusieurs milliers d’individus aient été tués dans cette région au cours des années 1950 et 1960. À partir de 1974, les loups venant du Canada pouvaient donc s’aventurer aux États-Unis en sécurité. À partir de 1986, certains réussirent même un début d’installation dans les Rocheuses du Montana.
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En guise de conclusion
‘Que peut-on souligner dans cette chronique ? Des découvertes, des surprises, et peut-être quelques envies d’en savoir plus.
‘On en sait déjà plus, en premier lieu, sur le Parc de Yellowstone, emblème du grandiose des États-Unis. On devine, jusque dans les démêlés judiciaires, l’ardeur des porteurs de projets, les loups manquaient vraiment dans la Wilderness… Mais, mis à part le glamour de ces vedettes, de quels effets, dans la durée, peut-on créditer leur restauration ? David Mech proteste contre l’idole que s’en font certains. Leurs envolées rhétoriques prématurées sont dangereuses, surtout lorsque qu’elles émanent de scientifiques ayant les financeurs et médias aux aguets par dessus leurs épaules. Il faut des approches sans modèles-postulats ni jugements de valeur. C’est indispensable face au gisement de questions que suscitent les milieux où les loups reviennent. Il y faut du temps, des suivis multi-facettes et du débat sur pièces.
‘Les économies… Le contribuable, le tax-payer, s’exprime moins que le militant de tous bords, mais il est très vite convoqué dans les débats. Y compris quand il s’agit des attentes du public pour écouter les chants d’oiseaux, pêcher à la mouche et, bien sûr, voire surtout, pour chasser le gros gibier. Ces pays si peu habités – sorti des villes, il n’y a guère qu’un habitant au km 2 – peuvent être aussi, les week-ends, extrêmement parcourus et fréquentés. Ce public est tissé d’associations. Un plan fédéral de mise en œuvre de l’Endangered Species Act peut mobiliser vivement une diversité de porteurs d’enjeux ….
‘Cette diversité organisée, il se pourrait qu’à l’avenir, elle s’affaire à nouveau autour du futur des pâturages sur les terres fédérales. Pour connecter le territoire des meutes, pour étendre et sécuriser leurs terrains de chasse, va-t-on pousser à la résiliation des permis de pâturer ? Si l’élevage est en e?et en di?culté, il est temps d’évaluer ce qu’on peut attendre de lui. Faut-il que les loups essaiment des aires de Wilderness pour qu’on considère, mises en perspective par Courtney White [5], par exemple, les avancées que praticiens et chercheurs réalisent sur les terres à pâturage ? Vers la prise en compte concrète de ce que le soin du troupeau peut aussi être le soin des autres habitants des prairies et fourrés, de la santé du bassin versant, de la longue durée du paysage… ‘
Les auteurs :
Michel Meuret, Écologue, directeur de recherche à l’INRA
Pierre-Louis Osty, Agronome, directeur de recherche INRA honoraire, Conseil scientifique de l’Entente inter-départementale pour la gestion du Bien UNESCO Causses et Cévennes
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