Nus et culottés : à la rencontre de Nans

« Nus et culottés » est une émission diffusée sur France 5 où Nans (Nans Thomassey) et Mouts (Guillaume Mouton) tentent des expériences itinérantes culottées en partant nus après s’être fixé un objectif en vue de concrétiser un de leurs rêves.

Équipés d’un balluchon et de trois caméras discrètes, Nans et Mouts partent nus et sans argent. Grâce au troc, des services rendus et à la générosité des personnes rencontrées, ils vont trouver vêtements, nourriture, logement et aide pour se déplacer (à pieds, vélo, voiture, péniche, parapente, avions par exemple). Ils vont ainsi partir nus de l’endroit initial et tenter de rejoindre leur objectif à plusieurs centaines de kilomètres afin de réaliser leur rêve.

Leurs six objectifs pour cette saison 2 sont encore plus fous que pour la saison 1, ils sont allés encore plus loin dans leurs rêves ; manger un chocolat avec le roi de Belgique, rencontrer un druide en Bretagne, voir une aurore boréale en Islande, voir un ours dans les Pyrénées, peindre une fresque en Sardaigne et faire un bivouac sur les toits de Paris.

Je suis parti à la rencontre de Nans pour en savoir un peu plus sur leur projet, d’où leur vient cette idée de voyage et ce qu’ils recherchent à travers ces voyages.

– Comment vous organisez-vous pour préparer tous ces voyages et d’où proviennent vos idées ?

Nous avons réalisé un répertoire avec tous nos rêves d’enfant. Ensuite, nous les avons passé au crible :

Tout d’abord, nous avons sélectionné lesquels de ces rêves pouvaient être réalisés dans un film… Construire une maison est un de nos rêves mais ne peut pas convenir à ce projet.

Puis nous avons gardé ceux qui étaient vraiment réalisables, qui ne nous accaparerait pas trop d’énergie pour nous laisser du temps à la rencontre. Nous avions par exemple le rêve de monter à bord d’un engin spatial mais l’idée de passer les dix prochaines années de notre vie à chercher des gens de la NASA ne nous enchantait guère et nous éloignait beaucoup de notre véritable destination : prendre le temps de rencontrer.

Enfin, un dernier tri pour garder les rêves les plus fous afin d’ouvrir la curiosité des gens, donner envie de nous aider lors de notre périple et faire rêver les téléspectateurs.

Dans la vie de tous les jours, nous essayons de réaliser nos autres rêves, nous suivons ce que l’on a dans nos tripes.

Concernant la préparation, on peut déjà parler de la préparation du matériel de tournage qui est très sommaire (caméras, autorisation droit à l’image). Ensuite, on retrouve le matériel de voyage, là c’est assez rapide, il s’agit d’un couteau.

La préparation technique est un peu plus complexe. On cherche un lieu de départ qui se trouve à environ 500 kilomètres de notre objectif, un endroit assez marqué culturellement, et enfin un endroit sauvage pour commencer tout nu avec un petit point d’eau. Ce point d’eau répond à plusieurs objectifs. Tout d’abord, c’est pour nous un point symbolique de la naissance, partir de rien, d’un point d’eau. De plus, de ce point d’eau, on commence à poils et on finit à poils comme dans la vie. Ensuite, on souhaite partir d’un point d’eau d’un point de vue vital et si jamais on se fait repérer par la police, on peut donner l’excuse que l’on est en train de nous baigner.

– Comment est né le projet ?

Les voyages Nus et Culottés sont une étape d’un long processus que nous avons entamé en 2006. Ce processus, c’est celui de la recherche de l’aventure au sens “découverte passionnée de l’inconnu”. Comme découvrir, c’est enlever des couches, nous avons toujours cherché l’allègement dans nos voyages.

Au début on partait avec le gros sac à dos, la guitare et les planches de surf,… au fur et à mesure des voyages, on a laissé les objets encombrants, allégé les sacs à dos, réduit les budgets jusqu’à 0 et pour finir, tenté l’expérience de partir sans rien du tout pour être entièrement dans l’inconnu.

En Juillet 2010, nous nous sommes jetés à l’eau tout nus depuis la Drôme avec le rêve d’arriver à Paris en décapotable rouge pour sortir en boîte de nuit habillés en costard…

– Pourquoi avoir choisi le voyage alternatif comme moyen d’aventure ?

Le voyage alternatif est pour nous la continuité logique entre nos études d’ingénieur et cet appel de l’aventure. Nous avons étudié 5 années le génie civil apprenant ainsi à concevoir des maisons qui offrent un confort optimal pour une empreinte écologique minimale. Aujourd’hui nous continuons cette recherche de sobriété heureuse dans un mode itinérant, passant du génie civil au génie humain !

– Pourquoi avoir choisi de partir complètement nus ?

La toute première fois que nous sommes partis nus, nous voulions retrouver chez nous les sensations de voyage que nous avions trouvé à l’autre bout du monde. Et puis au fur et à mesure des périples on s’est rendus compte de la partie immergée de l’iceberg…

En partant nus, on réveille le côté sauvage qui dort en nous et ça, ça vivifie, ça rend vivant ! Car même si se frotter au froid, à la faim, à la peur, aux blessures, peut être vécu comme un inconfort, on retrouve aussi l’émerveillement devant un rayon de soleil, une rivière, une grotte ou un pommier.

Au niveau des rencontres, ça joue aussi. Aujourd’hui, on a mille raisons de se sentir différents les uns des autres entre nos origines, nos métiers, nos générations, etc. mais manger, dormir, se déplacer et échanger restent des besoins que nous partageons tous. Alors commencer un voyage à la rencontre de nos semblables sur ce dénominateur commun là, voilà un bon moyen de découvrir notre pays !

– Après tous ces périples, quelles ont été vos rencontres les plus marquantes ?

Je vais retenir trois rencontres sur cette saison.

Tout d’abord, Vanna à Paris que l’on a rencontré dans un cinéma. On a parlé durant une heure et on ressentait une très bonne connexion. Au bout d’une heure elle nous a proposé un lit pour la nuit. Comme elle avait encore du travail, elle nous a donné les clefs de chez elle et nous a dit qu’elle nous rejoignerait le soir. Jamais quelqu’un ne nous avait fait confiance comme ça. C’est le plus beau cadeau que l’on puisse nous faire : nous accueillir comme un membre de la famille.

Ensuite, je pense à Dominique en Corse qui a été proxénète, assassin, il a tout fait au niveau délit. A priori, c’est quelqu’un que l’on met dans une case, quelqu’un d’inhumain dans ses actes, … mais dans la rencontre il nous a offert son humanité. Il a réussi à se laver se toutes ses fautes en travaillant avec les porcs, les chevaux tout seul, il voulait se laver seul, non pas au niveau de la justice car cela est déjà fait, mais à son niveau, sa justice à lui.

Dans un autre registre, je pense également à Olivia, dans l’épisode de la Bretagne, une femme de notre âge. On est souvent seuls Mouts et moi, entre hommes, on ressent un besoin de tendresse qui monte au cours de notre aventure et on a du mal à lui laisser de la place car les besoins de manger et de trouver un hébergement priment. Quand on tombe sur ces moments là, rigoler, jouer, ce sont des moments qui nous remplissent énormément de bonheur. On a par exemple passé trois heures à nous maquiller les uns et les autres, les rires, … C’est un vrai cadeau en tant que voyageur.

– Comment arrivez-vous à faire face à certaines moqueries, certains refus ?

Les gens rigolent et on le prend comme un étonnement. Ça nous flatte, on est très contents de provoquer du rire.

Au niveau des refus, on arrive à y faire face car on a choisi cette situation, ce type de voyage, c’est donc plus facile d’encaisser les moments difficiles. On se soutient mutuellement, on a le syndrome du capitaine : lorsqu’il y en a un de nous deux qui ne va pas bien, l’autre le soutient, prend les choses en main, le pousse et inversement.

On se met souvent dans une dynamique d’apprentissage, on se remet en question, on modifie notre approche. Je peux te donner l’exemple de l’Allemagne où nous avons subi une cinquantaine de refus avant d’avoir un oui. Après chaque refus, on se posait pour repenser à notre approche, à notre discours. On est un peu des chercheurs en vagabondage, on essaie de comprendre comment fonctionne la rencontre. Et tout ça rend les refus enrichissants !

– D’après votre expérience, la rencontre sans argent apporte-t-il autre chose à la rencontre ?

Voyager sans argent, c’est accepter de ne plus décider qui on rencontre ni où l’on dort ni où l’on mange et il se produit quelque chose de très étrange : ce n’est plus nous qui faisons le voyage mais ce sont les gens et les évènements qui prennent le relais. Alors on découvre des univers jusque là inexplorés et on s’ouvre, on apprend.

– Vous dites que ce type de voyage est un énorme apprentissage sur soi-même, pouvez-vous nous en dire plus ?

Dans la nature, se mettre nus physiquement nous met dans une position de grande vulnérabilité. Les nuits à zéro degré, les marches pieds nus sur les cailloux, le manque de nourriture, etc. sont autant d’occasions d’apprendre sur nos limites mais aussi sur nos ressources ! C’est dingue la puissance cachée et la créativité que l’on a lorsqu’il est question de sur-vivre !

Dans les rencontres, c’est la même chose. Assumer notre vulnérabilité dans l’émerveillement, la joie, la jalousie, la méfiance, la colère, l’attirance, la déprime, la tranquillité, l’ennui, l’inspiration etc… et se mettre à nu devant l’autre, c’est apprendre sur soi. Il arrive souvent que des rencontres très intenses passent par les larmes ou les rires. Pour moi la plus grande rencontre de ces voyages aura été celle de Mouts !

– Les premiers instants d’une rencontre sont souvent très importants, comment faites-vous pour les capter et nous les retransmettre aussi bien ?

Les cinq premières minutes, on ne parle pas des caméras aux gens pour garder ces premiers instants sans artifice. La caméra sur le baluchon ne se voit quasiment pas, du coup cela facilite l’approche, et notre caméra de point est souvent posée derrière nous pour filmer en plan large, donc les gens ne la voient pas non plus. On parle ensuite des caméras pour savoir si ça ne les dérange pas. C’est une fois que l’on part qu’on leur explique notre émission et qu’on leur fait signer une autorisation, pas avant pour ne pas truquer nos échanges.

Enfin, un des points très importants, on est voyageurs avant d’être réalisateurs, on oublie nous-mêmes les caméras…

– Comment vivez-vous le décalage après voyage (retour à la vie ‘matérialiste’) ?

C’est assez surprenant. Par exemple dans le voyage des Pyrénées, après 15 jours sans utiliser de carte bancaire, je ne me rappelais plus du numéro de ma carte. J’ai fait un premier code, un second, un troisième et ma carte s’est bloquée.

Il me faut 2 à 3 jours pour me remettre dans le bain.

Quand je rentre, je cherche dans un premier temps à être seul, je ne vais pas sortir pendant un ou deux jours et après j’aime retrouver mes proches. Ces moments-là passés avec mes amis sont essentiels pour moi et entre deux voyages, cela me permet de recharger les batteries !

– Qu’avez-vous appris de tous ces voyages, de ce voyage rempli de rencontres et de partage ?

J’ai appris (et suis toujours en train d’apprendre) qu’un bon moyen de réaliser ses rêves est d’oser se jeter à l’eau. Le simple fait d’oser est le lieu de tous les possibles…

Dans chaque voyage, on retrouve des apprentissages différents en fonction des rencontres que l’on peut faire et de ce que l’on peut vivre.

Il y a cependant une chose qui ressort, ces voyages m’ont fait prendre conscience de l’humanité que l’on a tous au fond de soi.

C’est aussi un apprentissage de connexion avec les gens, de comprendre ces gens là mais aussi notre famille, nos amis. C’est une incitation à se mettre en lien, à accueillir l’autre dans ce qu’il est.

Du fait de notre situation, partir nus et sans argent, on ne peut pas choisir les gens chez qui l’on se rend, on a dû rencontrer des univers complètement différents, cela a développé notre sens de l’empathie, de la curiosité. Enfin, on observe que l’on a tous besoin de la même chose : aimer et être aimé.

Photos : ©Bonne Pioche / Paul Villecourt / Nans et Mouts

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