Il était une fois l’histoire d’un projet initié il y a 20 ans par Jean-Christophe Lafaille à Presles. Cette ligne rayant la partie la plus déversante de la Paroi Rouge semblait avoir été abandonnée par le maître depuis de nombreuses années. Entre Octobre 2010 et 2011 trois jeunes se sont lancés dans l’aventure de redécouvrir et de compléter le Projet Lafaille tel qu’il est nommé dans le topo de D.Duhaut.
Octobre 2010
Léo et moi sommes à la recherche d’un projet d’ouverture dans le secteur de la Paroi Rouge à Presles… Après un minutieux repérage il faut nous rendre à l’évidence, ce secteur a atteint la saturation. A vrai dire il ne reste plus qu’une voie en chantier et dont l’auteur ne pourra malheureusement pas finaliser son œuvre.
La ligne en question se nomme « Projet Lafaille » et le topo annonce : « pas de renseignements »… Nous contactons Bernard Gravier pour essayer de glaner quelques infos. Nous apprenons ainsi que JC Lafaille avait commencé l’équipement (par le haut) de cette ligne avec des stagiaires de l’ENSA. Mais Bernard n’en sait pas plus. Nous lui demandons si au niveau de l’éthique cela pose un problème si nous tentons de partir dans cette ligne ? Pour lui la question ne se pose même pas car les falaises appartiennent à tout le monde.
Vacances de la Toussaint, nous voilà donc partis pour commencer la répétition/ouverture du projet Lafaille. Ce n’est pas la première fois que nous grimpons ensemble Léo et moi, pendant l’été nous avons ouvert « Le désespoir de mouches » (TD+/A3/6b) à Glandasse.
Notre cordée de choc, complétée par Lise, la sœur de Léo, venu nous aider pour le portage, se dirigea sous un beau soleil vers cette impressionnante face. Il nous a fallu au moins une heure d’observations et de tergiversations pour qu’enfin j’attaque L1 dans un mur orange et blanc très compact.
Dans le mur compact de L1
Je commence à évoluer en artif dès le début car le rocher est trop compact pour permettre de passer en libre. A peine 2 pitons étaient places que je dus me résoudre à sortir les crochets goutte d’eau. Trois pas sur crochet plus tard je demande le perfo car l’idée de m’écraser sur la vire ne m’enchante guère. Léo me regarde avec dans la main un perfo mais dont l’appendice foreur manque à l’appel ! Dans la précipitation nous avons oublié la mèche dans la voiture ! La retraite me semble difficile et ma position est très précaire… Léo part sans tarder en courant à la voiture, qui se trouve à une heure de marche aller/retour, me chercher l’objet manquant. Je ne me sens pas d’attendre tout ce temps dans mon baudard sans bouger. Je décide donc d’avancer en direction d’une belle fissure horizontale une petite dizaine de mètres au-dessus. Pendant cette remontée je suis en sursis, la moindre défaillance dans la pose d’un de mes crochets me projetterait sur la vire 10m plus bas ! Je progresse lentement mais l’issue reste encore incertaine. J’arrive dans un état second à la fissure salvatrice et y insère quatre camalots, juste au cas où… La suite de la longueur passe sans encombre.
Le lendemain Léo prend les devants en ouvrant deux très belles longueurs dans des dalles à gouttes d’eau quelques peu irritantes ! Léo est assez fort en libre sur coinceurs. Dans notre cas il ouvre 30m de traversée dans une dalle à goutte d’eau en ne posant qu’un point au milieu !
Nous installons notre bivouac sur une vire à R4. Comme nous n’avons pas de portaledge un nettoyage de notre « hôtel » s’impose !
Le lendemain j’ouvre deux longueurs d’artif. Je butte dans du rocher assez mauvais, le thermomètre est proche de zéro et pour couronner le tout il se met à neiger ! Nous redescendons au bivouac pour se réchauffer et manger. Le temps n’évoluant pas, nous décidons de passer la nuit sur la vire et de redescendre demain matin. La nuit sera plus que fraîche car nos affaires sont très humides. Bien que nous dormons avec nos baudriers, Léo passe à deux doigts de tester la chute en sac de couchage mais se rattrape in extremis à moi, nous rigolons mais c’est nerveux !
Le jour se lève, nous plions le camp et retournons à la maison, c’est ainsi que se termine la première partie de l’ouverture.
Octobre 2011
Me voilà de retour dans le Projet Lafaille mais cette fois-ci avec un autre pote car Léo n’est pas très motivé pour venir faire de l’artif. Pour gagner du temps nous passons par le haut avec des stats pour rejoindre le point le plus haut atteint en 2010. En descendant nous découvrons tout le travail de Lafaille. Des relais, quelques points posés dans des longueurs, des vieilles cordes déchiquetées, voilà ce qu’il reste.
La descente se passe pour le mieux, et à notre plus grande surprise il ne reste qu’une longueur et demie à ouvrir pour connecter avec le travail de Lafaille.
En trois heures c’est chose faite, Théo ouvre la dernière longueur d’artif en jouant un peu du perfo car le rocher est très compact.
Nous sommes très heureux et rentrons chez nous le sourire bien affiché sur nos figures fatiguées par le vent incessant de cette dernière journée.
En souvenir de la fraîche nuit passée sur la vire et pour faire référence à l’instigateur premier de ce projet (Jean-Christophe Lafaille) nous décidons de baptiser cette voie : Oh JC ! Ca caille sa race !
Remerciements particuliers à : Beal pour ses cordes légères et résistantes (Booster III et Antipodes), le magasin Gravicimes de Valence et Andrea Boldrini